I-2

2873 Words
Un rire joyeux résonna sous les arbres. – Tu vas me faire une belle réputation de gourmandise, Reinette ! Le grave Germain doit frémir d’horreur à l’énoncé des sottises de son frère... En parlant ainsi, il se tournait à demi vers le jeune homme blond. Celui-ci leva un peu les épaules sans interrompre sa lecture... Charles eut à son adresse une moue ironique et poursuivit, s’adressant à la jeune fille dont la toute petite main caressait la tête du chien : – Non, je t’aurais aidée sérieusement cette fois, Reinette... car je sais être sérieux quand il le faut, voyons ? – Hum !... quelquefois, oui, dit-elle avec un sourire un peu moqueur. Mais c’est toujours qu’il le faudrait, Charles. Il eut un grand geste d’effroi. – Toujours !... Oh ! ce serait effroyable, Reinette ! Toujours sérieux, comme... Son doigt désignait Germain qui continuait sa lecture les sourcils légèrement froncés, mécontent sans doute, d’être ainsi dérangé. – ... Ce serait impossible, vois-tu, j’en mourrais ! continua-t-il avec un geste de mélodrame en brandissant le collier qu’il tenait toujours à la main. Le chien, croyant à un signal, se dressa, les pattes en avant. Charles, surpris par ce mouvement, faillit être renversé. Mais Reinette avait prestement posé à terre le panier de fruits et tirait en arrière la bonne bête qui commençait à accabler son maître de caresses. – Kilt !... vilain animal ! s’écria Charles moitié riant, moitié irrité. Il m’a proprement arrangé !... C’est ta faute, Reinette, tu me fais bondir avec tes idées extraordinaires... Pour la peine, je vais m’octroyer une de ces prunes superbes... Et il avançait le bras vers le panier. Mais Reinette s’en empara vivement en le cachant derrière elle. – N’as-tu pas honte, Charles !... – Mais pas du tout ! J’aime follement les prunes... Donne-m’en de bonne volonté, Reinette, ce sera bien plus gentil. Il s’était levé et tournait pour atteindre le panier que lui dérobait toujours Reinette... – Marie-Reine ! appela une voix brève, aux vibrations légèrement irritées. La jeune fille tressaillit un peu, le sourire s’effaça de ses lèvres... – Laisse-moi, ta mère m’appelle, dit-elle d’un ton sérieux. Elle repoussa doucement le bras qui s’allongeait de nouveau dans la direction du panier et s’avança d’un pas pressé vers la maison. Elle entra dans le parloir où se tenaient Mme Douvre et sa tante. La vieille dame, un sourire sur son visage aimable, tendit les deux mains vers elle : – Vous voilà, petit printemps ? Vous venez de travailler ?... Les merveilleuses prunes ! Quel velouté ! – C’est un arbre assez récemment planté et qui donne seulement cette année un produit appréciable, dit Mme Douvre. Ces prunes sont, en effet, remarquables... Quelles grimaces faisait donc Charles, là-bas ? Elle s’adressait à la jeune fille, et son ton reprenait la sécheresse qui lui était habituelle... Devant elle, Remette, après s’être inclinée pour saluer Mme Sauvert, se tenait bien droite, très sérieuse, un peu raidie, semblait-il. – Il voulait goûter les prunes, Madame, dit-elle gravement, et je ne voulais pas le laisser faire. – Cela n’avait aucune importance. Ce sont là d’inutiles taquineries de ta part, petite... Allons, emporte ce panier, arrange-le convenablement avec des feuilles et porte-le dans la voiture de Mme Sauvert. Malgré les protestations de la vieille dame, Reinette, sur un signe impérieux, s’éloigna vers la cuisine... Peu après, Mme Sauvert se leva, en refusant l’invitation à dîner que lui adressait avec insistance Mme Douvre. – Non, ma chère Berthe, je ne le puis, je vous assure. J’ai demain des amis d’Angers à déjeuner et, ces petits extras me fatiguant un peu, je dois me ménager la veille. D’ailleurs, je crains l’humidité du soir pour mes rhumatismes... Mais venez sans faute la semaine prochaine à Nemur, tous, bien entendu... Et tenez-moi au courant de ce qui s’arrangera pour Reinette ? – Naturellement, ma tante, vous serez la première informée... Voici mon mari, je crois. Un pas un peu lourd faisait grincer le gravier couvrant le sol sur toute la longueur de la maison. Un homme vigoureux, dont le visage coloré, très jovial, s’encadrait dans une barbe noire en éventail, parut au seuil du parloir. – Ah ! vous êtes là, tante Céline ! dit-il d’une grosse voix résonnante, en ôtant son chapeau de paille fanée. J’ai eu une bonne idée de revenir plus tôt. Il inclina un peu sa haute taille et serra dans sa large main brune la main encore fine et jolie que lui tendait la vieille dame. – Eh bien ! tout marche à ton gré, Théodore ? demanda Mme Sauvert en mettant lentement ses gants de coton gris. – Mais pas mal, pas mal, ma tante ! dit-il d’un ton satisfait. Nous aurons une belle récolte de blé, mais les vignes surtout promettent des merveilles... Eh ! eh ! ce sera une bonne année ! fit-il en se frottant joyeusement les mains. Un grand pli s’était formé sur le front de Mme Douvre, ses lèvres se pinçaient nerveusement... – Qui sait ce qui peut advenir d’ici là, Théodore ! dit-elle en secouant la tête. Il y a trois ans, tu comptais bien aussi sur un bon profit, et tout s’est soldé par un déficit considérable dont nous nous ressentons encore. – Oh ! ce n’était pas du tout la même chose, Berthe. Les vignes ne promettaient pas comme cette fois... Et ce déficit dont tu parles... Il regardait en ce moment sa femme et reçut en plein visage un coup d’œil impérieux, plein d’une interdiction formelle... Arrêté court, il se détourna brusquement, feignant de chercher la grosse canne noueuse qu’il avait déposée en entrant près de la porte. – La voici, Théodore... là, tout près de toi, dit Mme Sauvert qui avait mis son lorgnon pour chercher aussi. – Ah ! merci, ma tante. C’est un excellent gourdin, très précieux lorsque je reviens à la nuit... Mme Sauvert avait franchi la porte vitrée. Mme Douvre, qui la suivait, appela : – Germain, Charles, votre tante s’en va. Les jeunes gens se levèrent et s’avancèrent. Mme Sauvert se pencha vers sa nièce. – Avec cette haute taille mince, Germain doit être superbe en uniforme, murmura-t-elle. Pourquoi ne l’a-t-il pas mis quand il est venu à Nemur ? Un petit éclair d’orgueil avait jailli du regard de Mme Douvre... Elle eut un léger mouvement d’épaules en répondant : – Germain a horreur de se faire remarquer, il déteste le panache autant qu’en sont fous la plupart des jeunes gens... Mais il se mettra en grande tenue pour aller vous voir la semaine prochaine, ma tante, je vous le promets. Mme Sauvert sourit d’un air satisfait... Elle tendit successivement la main à ses petits-neveux qui s’inclinaient devant elle : Germain, très correct, d’une élégance sérieuse jusque dans ses moindres mouvements, Charles un peu sans-façon, saluant à la diable et riant toujours comme pour mieux montrer ses dents éblouissantes. – Te sens-tu mieux portant, Germain ? demanda Mme Sauvert en jetant un coup d’œil sur le visage mince, un peu pâle de l’aîné. – Tout à fait bien, réellement, ma tante, et tout prêt à gagner mon poste lointain. Mme Sauvert eut un geste d’effroi. – Oh ! s’en aller là-bas, dans ces pays sauvages !... Quand finit exactement ton congé de convalescence ? – Dans huit jours, ma tante. Je vous ferai donc mes adieux la semaine prochaine. La vieille dame hocha la tête. – Mon cher, tu aurais cent fois mieux fait de rester bien tranquillement en France, au lieu de demander les colonies. Au moins, les tiens auraient pu jouir de toi, tandis que dans ton affreux Sénégal !... Vous avez vraiment du courage, Berthe, d’envisager avec tant de calme cette perspective. Une légère crispation passa sur le beau visage froid de Mme Douvre... Mais elle dit tranquillement : – Si je n’envisageais que ma satisfaction, évidemment, j’aurais engagé Germain à choisir la vie de garnison. Mais il s’agit de son avenir, l’avancement sera beaucoup plus rapide... D’ailleurs, c’était son idée depuis longtemps. – C’est curieux, tu ne me parais pas avoir cependant un caractère bien aventureux, Germain, dit en souriant Mme Sauvert. Charles, à la bonne heure !... As-tu envie d’aller aux colonies, toi ? Charles secoua vivement la tête. – Oh ! pas du tout ! J’aime autant rester ici, bien tranquille, à surveiller nos vignes et nos moissons. – Tu es un vrai campagnard, comme moi ! dit M. Douvre en posant sa large main sur l’épaule de son cadet. Nous ferons de bonne besogne, à nous deux, pendant que Germain ira conquérir la gloire chez les moricauds. Les Douvre ont toujours été gens calmes, peu soucieux d’aventures... Il y avait, dans le regard qu’il attachait sur son aîné, une satisfaction un peu orgueilleuse qui se reflétait également dans les yeux de Mme Douvre. Tout en parlant, ils avaient atteint l’extrémité de la maison, longue bâtisse grisâtre à un seul étage. Là, se trouvait une cour pavée sur laquelle donnait l’écurie. Un domestique en sabots et en tablier bleu achevait d’atteler un cheval gris pommelé à un coupé de belle apparence encore, malgré son âge respectable. Un cocher coiffé d’une casquette galonnée tenait la portière ouverte, tandis que Reinette, à demi entrée dans la voiture, y arrangeait le panier de fruits de façon à ne pas gêner la vieille dame. Elle se redressa, et, se détournant, s’avança un peu au-devant des arrivants. Dans cette grande cour ensoleillée, elle semblait plus jeûne encore, plus enfantine dans la fraîcheur de ses seize ans. – Vraiment, je ne puis penser que cette petite pourrait se marier maintenant ! murmura Mme Sauvert à l’oreille de sa nièce. – Oh ! elle se transformera vite, répondit sur le même ton Mme Douvre, en enveloppant de son froid regard la délicate créature qui s’arrêtait à quelques pas. Mme Sauvert prit congé de ses parents, elle baisa au front Reinette en la remerciant du joli arrangement des fruits et s’installa dans la voiture, aidée par le correct Germain auquel son père et son frère cédaient volontiers ces petits devoirs de courtoisie. Lorsque le coupé eut disparu, les Douvre et Reinette reprirent le chemin de la maison. La jeune fille, qui marchait près de Mme Douvre, demanda timidement : – Me permettez-vous, Madame, d’aller prendre des nouvelles d’Emmeline ? Elle était fort souffrante hier... – Non, certes, pas aujourd’hui. Demain, peut-être... Pour l’instant, tu as autre chose à faire que d’aller t’amuser là-bas. Julienne a besoin de toi pour écosser les pois. Sans répliquer, Reinette se dirigea vers la porte de la cuisine. Charles, qui marchait près de sa mère en agaçant Kilt, lui cria de sa bonne voix cordiale : – Si tu veux, j’irai demander à M. Meunier comment va sa sœur ? – Reste tranquille, je te prie, dit sèchement Mme Douvre. Marie-Reine attendra parfaitement jusqu’à demain... et même plus tard, s’il le faut. Je ne tiens pas à la voir fréquenter si souvent ces jeunes filles, beaucoup trop dévotes. Elle a déjà une fâcheuse tendance en ce sens. – Oh ! trouvez-vous, maman ? Elle est pieuse, certainement, mais cela ne lui nuit pas, bien au contraire... Et les demoiselles Meunier sont fort aimables, très gaies, surtout Mlle Simone, un vrai boute-en-train. Mme Douvre leva légèrement les épaules. – Tu n’y entends rien... Avec le caractère de Marie-Reine, porté à la rêverie, ces relations sont dangereuses. Charles hocha la tête d’un air peu convaincu et, sifflant Kilt, s’éloigna dans le jardin. Germain alla se remettre à sa lecture. M. Douvre, qui avait sorti une pipe de sa poche, s’arrêta à la porte du parloir. – Je vais jeter un coup d’œil sur les espaliers. Germain m’a dit en avoir remarqué plusieurs en mauvais état. – Oui, il paraît, et Germain ne parle pas à la légère... Soit dit entre nous, Théodore, tu devrais bien imiter ton fils. Devrai-je à tout moment te répéter qu’il est inutile de faire connaître à Mme Sauvert les profits que nous pouvons faire ? Je m’attache en toute circonstance à parler de nos charges, de nos dépenses, des aléas de la culture, du mauvais état dans lequel ton père avait laissé la propriété... Tout cela inutilement, puisque tu viens presque me contredire avec tes propos inconsidérés. M. Douvre baissait la tête sous l’algarade. Machinalement, ses doigts bruns, un peu noueux, puisaient dans la blague à tabac et bourraient la petite pipe bien culottée. – Je n’ai pas réfléchi, Berthe, dit-il d’un ton conciliant. Vois-tu, j’aime à dire les choses toutes droites, et tes combinaisons m’embarrassent... Mais, enfin, tu as raison ; il est plus prudent de crier un peu misère, sans quoi, la tante Céline pourrait trouver que les Chançor sont plus intéressants que nous... Lui as-tu parlé pour Reinette ? – Oui... cela marche fort bien. – Elle n’a pas offert de doter la petite ? Une sorte de sourire railleur entrouvrit les lèvres de Mme Douvre. – De cela, je n’ai jamais eu aucune crainte. Elle ne se dessaisira de rien avant sa mort, tu peux en être certain. Ma seule inquiétude était qu’ayant cette vive sympathie pour elle, et la voyant difficile à marier, elle ne lui fasse une part dans sa succession... Autant de moins pour nos fils ! Mais si Marie-Reine se marie richement, Mme Sauvert n’aura certainement pas l’idée de lui rien laisser par testament. Il me paraît donc tout à fait nécessaire que ce mariage se fasse, sans parler des avantages incontestables que présente un tel parti. – Oui, la fortune est belle, mais l’enfant est bien jeunette pour ce savant, sa santé est encore délicate, malgré les apparences. Habituée à la campagne, je ne sais si elle supportera bien la vie de Paris... – Elle la supportera parfaitement. Elle s’est beaucoup fortifiée depuis quelque temps... Je le répète, ce mariage est inespéré, pour elle et pour nous. Dans quelques années, sa pension de fille d’officier cessera, il ne lui restera qu’une somme insignifiante et nous devrons en partie subvenir à son entretien. En outre, je ne me soucie aucunement de la conserver ici. S’il n’y avait que Germain, peu m’importerait, il est trop sérieux, trop désireux d’un brillant avenir pour jamais songer à épouser une jeune fille sans dot, eût-elle une beauté cent fois supérieure. Mais Charles m’inquiéterait davantage. Il s’exalte, il s’obstine dans ses idées, et, s’il lui vient à l’esprit dans quelques années de prendre pour femme Marie-Reine, nous aurons de la peine à l’en faire démordre. Mieux vaut donc prévenir tous ces ennuis. – Évidemment, ce sera plus simple, mais il faut que la petite accepte ? Les doigts minces de Mme Douvre saisirent nerveusement une rose soufrée qui pendait, un peu alanguie, contre le mur, et l’arrachèrent avec une certaine rudesse. – Réellement, il lui faudrait une forte dose de sottise pour refuser, dit-elle froidement. À quoi donc prétendrait-elle, si un M. Logaart ne lui convenait pas ? – Eh ! qui sait, les cervelles de jeunes filles ont des idées particulières !... Enfin, arrange-toi avec elle, tout cela ne me regarde pas. Ces questions-là sont ton affaire... Je souhaite que tu réussisses, à cause de la tante Céline. C’est vrai que Reinette est un peu dangereuse... Il sortit son briquet et s’éloigna dans l’allée de marronniers, tandis que Mme Douvre rentrait dans le parloir. Ce soir-là, en s’installant après le dîner dans son salon meublé avec un luxe un peu raide, Mme Sauvert fit tomber à terre une revue, précisément la même que lisait cette après-midi Germain Douvre. Elle la ramassa, non sans une moue dédaigneuse. – Ces pauvres Rubard me bombardent toujours de leurs livres et journaux horriblement sérieux ! Ils me croient de force à lire cela... Enfin, pour paraître polie, feuilletons au moins cette revue. Elle tourna quelques pages, jetant un vague coup d’œil, de-ci, de-là... Son regard tomba tout à coup sur la signature d’un article. – Valéry Logaart !... Voyons un peu ce qu’il dit... Oh ! mais, cela paraît terriblement transcendant... Elle tourna une page, et ses yeux s’arrêtèrent sur ces quelques lignes : « J’estime que l’éducation féminine a été jusqu’ici mal comprise, qu’il est temps, grand temps, de porter remède à un état de choses, absolument désastreux. La femme n’est pas plus l’esclave, la créature inférieure que prétendait faire d’elle le paganisme antique qu’elle n’est l’égale de l’homme, ainsi que l’assure le moderne féminisme. Pas davantage, elle ne doit être cette sorte d’idole des temps chevaleresques, inspiratrice des poètes et égide des preux... Non, la femme a un rôle plus noble, plus haut, et cependant beaucoup plus prosaïque. Elle n’est, elle ne doit pas être l’égale de l’homme, mais sa compagne. Ses aptitudes la portent aux travaux du foyer, et il a fallu le principe dégénérescent qui souffle en ce dernier siècle pour lui persuader qu’elle a mieux à faire, que des sphères supérieures lui sont ouvertes, sur le même rang que l’homme. Lamentable erreur de notre temps !... Il faudrait, comme une leçon vivante à l’humanité contemporaine, qu’un homme pénétré du triste état de l’esprit féminin se posât en éducateur, s’attachât à former selon les principes supérieurs le cerveau et le cœur de sa compagne, et, sa tâche finie, la présentât à la société moderne en disant : « Voilà la femme idéale, transformée par une éducation rationnelle, basée sur la haute raison, la femme parfaite qui dédaigne les frivolités, s’associe d’esprit à son époux sans jamais prétendre à accomplir une tâche semblable à la sienne, et dirige sa maison avec la maîtrise de la femme forte, sans connaître les puérilités des croyances religieuses, entraves mises au libre développement de l’intelligence féminine. « Celui-là qui cherchera une âme jeune, malléable encore, pour s’en faire l’initiateur, aura le bonheur de fonder un foyer stable, et ses descendants, pénétrés des mêmes principes de raison supérieure, d’inéluctable droiture, de mœurs graves, répandront dans la société les germes d’une évolution radicale de la femme vers le vrai, vers la beauté morale. » – Ce sera l’âge d’or... Il n’est pas féministe, le prétendant de Reinette ! Moi non plus, du reste, et je reconnais qu’il y a du vrai là-dedans. Mais... hum ! il ne paraît pas précisément partisan de la religion, ce monsieur-là ! Pour elle, qui est si pieuse... Bah ! ils parlent bien souvent comme des diables, mais en famille, ils laissent tout faire ! Ma jolie petite Reinette le mènera probablement par le bout du nez, ce grave mathématicien philosophe qui se pose en éducateur de la femme... Que voulez-vous, Léocadie ? Ces mots s’adressaient à la cuisinière qui entrait après avoir frappé un petit coup que Mme Sauvert, distraite, n’avait pas entendu. – Je viens savoir ce que Madame veut donner à déjeuner demain. – Ah ! c’est vrai, il faut en parler sérieusement... Voyons si vous pouviez trouver une langouste, Léocadie ?... vous chercheriez un joli arrangement, inédit. Celle que la notairesse nous a servie la semaine dernière était mal présentée. Demandez une belle poularde ; celle de Mme Daussie était supérieure, et je ne puis faire moins qu’elle. Quant au dessert... Et, dans les délicates combinaisons d’un repas soigné, digne du plus difficile des gourmets, « la jolie petite Reinette » se trouva totalement oubliée de celle qui lui avait dit un jour en l’embrassant avec effusion : – Ma petite mignonne, je veux être pour vous une conseillère, une amie, surtout à l’heure où se décidera votre avenir.
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