Chapitre 2

1440 Words
Le message était bref, tranchant. « Prépare-toi. Ce soir, tu es attendue à une soirée très privée. Code vestimentaire : celui-ci. » Juste en dessous, une photo s'afficha : un ensemble noir provocant, composé d'un top croisé qui laissait les épaules nues, d'une jupe fendue jusqu'à la hanche, et de talons vertigineux. Mila recula légèrement, étonnée. Aucun nom, aucun lieu, aucune heure. Rien. Elle fronça les sourcils. Comment pouvaient-ils s'attendre à ce qu'elle se prépare pour un évènement sans même lui donner d'adresse ? Et surtout, comment se faisait-il que tout s'enchaîne aussi rapidement ? Le matin même, elle débarquait dans une ville étrangère. Le soir, elle quittait déjà l'agence, et maintenant... une soirée ? Très luxueuse, disait-on. Et elle devait porter ça. Elle observa la tenue avec un mélange de fascination et de malaise. Ce n'était pas qu'elle n'en avait pas l'habitude. C'était plutôt ce qu'elle pressentait derrière l'invitation. Un jeu. Une épreuve. Une scène sur laquelle on la poussait sans qu'elle sache encore si elle était l'actrice principale ou le sacrifice. Elle reposa le téléphone sur le lit. Ses mains étaient moites. Quelqu'un tirait déjà les ficelles. Mais qui ? Le soir était tombé sur la ville, emportant la chaleur écrasante avec lui, mais pas cette tension étrange qui flottait dans l'air. Mila était devant le miroir. Le top noir croisé épousait sa poitrine avec audace, découvrant ses épaules et une partie de son ventre. La jupe, fendue jusqu'à la hanche, dévoilait chaque mouvement de ses jambes comme une invitation à deviner le reste. Aux pieds, les talons noirs aiguisaient sa silhouette, la rendant plus féline, plus élancée. Et par-dessus tout cela, elle avait noué un voile noir léger, qui tombait à partir du nez et masquait le bas de son visage. On ne distinguait que ses yeux sombres, maquillés, mystérieux.  Elle se regarda une dernière fois. Tout en elle criait élégance, provocation... et mystère. Était-ce ce qu'on attendait d'elle ? Un bruit la tira de ses pensées. Des éclats de voix, des talons sur le sol carrelé du couloir. Curieuse, elle se dirigea vers la porte, jeta un regard discret à travers l'entrebâillement... et resta figée. Des femmes sortaient une à une de leurs appartements. Toutes vêtues... exactement comme elle. Même jupe fendue. Même haut noir croisé. Même talons vertigineux. Mais aucun voile. Certaines la remarquèrent presque aussitôt. Elles échangèrent des regards en coin, des ricanements à peine dissimulés. L'une d'elles, grande, blonde, silhouette de mannequin, gloussa en chuchotant à l'autre : - La nouvelle croit qu'on est dans un genre de bal masqué. - Ou qu'elle est dans Eyes Wide Shut, marmonna une autre avec un sourire railleur. Une troisième, plus jeune, brune à la bouche pulpeuse, s'approcha en passant devant Mila, l'effleurant à peine du regard. - La masked lady... glamour, murmura-t-elle avant de s'éloigner en riant. Mila ne broncha pas. Elle se contenta de refermer calmement sa porte derrière elle, glissant la clé dans sa pochette noire. Elle ne répondit pas, pas un mot. Elle ne connaissait pas ces filles, et ne voulait pas les connaître. Elle se moquait de leurs moqueries. Elle ne comprenait pas encore ce dans quoi elle avait mis les pieds, mais elle avait déjà appris à ne pas réagir trop vite. Elle se contenta de les suivre, en silence. Les filles prenaient l'ascenseur ou descendaient par l'escalier, toujours en petits groupes bruyants. Dehors, devant l'immeuble, une file de vans luxueux attendait, alignés comme une flotte prête à embarquer des reines en direction d'un lieu inconnu. Chaque van était conçu pour accueillir une dizaine de passagères. Mila les observa un instant. Les filles montaient à bord avec assurance, certaines riant, d'autres se prenant en selfie. Elles étaient au nombre de trente-deux. Trente-deux beautés calibrées, sculptées, impeccables. Certaines avaient ce port de tête des anciennes Miss. D'autres cette nonchalance des mannequins habituées à ce que tout tourne autour d'elles. Le parfum dans l'air était un mélange enivrant d'ambition, de désir et d'adrénaline. Et Mila... Mila avançait, visage à moitié dissimulé, sans dire un mot. Elle se fondait dans le décor, et pourtant... elle détonnait. Parce qu'elle ne riait pas. Parce qu'elle ne parlait pas. Parce que personne ne savait qui elle était. Et surtout, parce que dans ses yeux, il y avait autre chose. Un secret. Une blessure. Et peut-être... une tempête. Dès qu'elle posa un pied dans le jardin, Mila comprit. Le silence pesant qui régnait pendant le trajet laissait maintenant place à une atmosphère plus électrique, presque étouffante. La villa semblait flotter dans un luxe irréel : lanternes suspendues, piscine bordée de pétales, musique orientale légère portée par un quatuor discret. Le vent faisait danser les voilages blancs autour des colonnes. Et dans ce décor de rêve... les hommes attendaient déjà. Ils étaient une trentaine. Arabes, européens, asiatiques. Tous riches. Tous puissants. La plupart bien au-delà de la cinquantaine, certains plus jeunes, d'autres visiblement issus de grandes lignées. Des costumes de soie, des montres qui valaient plus qu'un appartement. Des alliances étincelantes à leurs doigts. Et pourtant, leurs regards... étaient ailleurs. Comme des bêtes devant un festin. Leurs yeux glissaient sur les silhouettes parfaites des filles qui arrivaient, toutes somptueuses dans leurs robes de créateurs. Certaines souriaient déjà, d'autres jouaient la séduction. Mais ce fut Mila qui attira les regards. Elle entra la dernière. Sa habillement, bien que semblable à celle des autres, semblait se mouvoir différemment. Elle portait encore ce voile fin, léger, qui lui couvrait le bas du visage. Ne laissait paraître que ses yeux. Deux éclats sombres, grands ouverts sur le monde. Mystérieux. Intouchables. L'effet fut immédiat. Les conversations se figèrent. Même l'Émir, assis au centre sur une chaise basse entourée de coussins, la fixa longuement. À sa droite, son demi-frère Khaled plus jeune, visage dur et beau, l'air détaché fronça à peine les sourcils, mais ses pupilles ne quittèrent pas le visage masqué. Elle le sentit. Cette curiosité. Cette tension. Les hommes chuchotaient entre eux. Une fille, tout près de Mila, ricana : - Félicitations, la masked lady. T'as gagné l'attention du roi et du prince. Les filles s'alignèrent ensuite, comme entraînées. Par réflexe. Par habitude. Face aux hommes, elles attendaient la répartition. Un homme s'avança. Costume ajusté, sourire carnassier. - Ce soir, comme d'habitude... dit-il tranquillement. Celles qui veulent danser, à gauche. Celles qui préfèrent chouchouter nos invités, au centre. Et celles... prêtes à tout donner, à droite. Un frisson glacé traversa Mila. À droite, déjà, plusieurs filles se dirigeaient, le regard brillant. Certaines riaient entre elles. L'une chuchota : - Ce soir je vise l'émir. Je veux qu'il se souvienne de mon nom. Une autre, se pencha vers un vieil homme bedonnant et murmura quelque chose qui le fit rougir. Mila, elle, ne bougea pas. Elle observait. Choquée, mais lucide. Ces hommes étaient mariés. Beaucoup portaient encore leur alliance. Et pourtant, ici, ils agissaient en terrain conquis. Sans honte. Sans retenue. Certaines filles, peut-être envoûtées par l'argent, peut-être anesthésiées par le luxe, se jetaient dans la danse comme dans un rêve. Mais Mila savait déjà qu'il ne s'agissait pas d'un rêve. C'était un piège doré. Et elle venait d'y entrer. Caché derrière une rangée de palmiers, légèrement en retrait, Khaled observait. Son costume était impeccable, son verre intact, ses mâchoires contractées. Ce genre de soirées n'était pas pour lui - il le savait, il l'avait toujours su. Mais Hamdan, son frère, l'avait obligé à venir. Une tradition, avait-il dit. Un cercle privé. Des associés influents. Des femmes choisies. Du pouvoir masqué sous les apparences. Khaled n'avait jamais aimé ce monde-là. Mais ce soir, quelqu'un avait capté son attention. Une femme différente. Toutes portaient la même tenue, toutes affichaient des sourires étudiés, des regards de prédatrices apprivoisées. Mais elle, elle portait un voile qui cachait la moitié de son visage, ne laissant voir que ses yeux. Et ces yeux-là l'avaient foudroyé. Il ne la quittait pas du regard. Elle ne riait pas comme les autres. Elle évitait les mains baladeuses avec une maîtrise rare. Plusieurs hommes s'étaient approchés d'elle riches, puissants, sûrs d'eux. Certains lui avaient demandé de danser. Un autre, plus cru, lui avait murmuré à l'oreille : - Viens t'asseoir sur mes genoux. J'ai envie de savoir comment tu goûtes... ma bite. Elle avait gardé un calme troublant. Une voix douce mais ferme. Elle les avait tous fait attendre. Puis elle s'était éclipsée, entrant dans la villa, prétendant aller aux toilettes. Khaled termina son verre d'une traite et posa sa coupe sur un plateau. Il la suivit. Il n'aurait pas su dire pourquoi. Il ne se reconnaissait plus. Ce n'était pas une pulsion. C'était un besoin. Un appel instinctif. À suivre
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