Je suivais soigneusement les “ directions proposées ” et je me retrouvais souvent engagée à jouer un rôle qui plaisait sûrement aux autres, mais pas à moi, je sentais naître et se développer en moi des désirs qui ne représentaient pas le rôle que j’interprêtais et que je n’aurais jamais pu dévoiler, car je savais qu’ils auraient été mal supportés : j’étais séduite par la liberté et par l’indépendance, par les voyages et par les lieux lointains.
J’ai presque toujours tenté de fermer à double tour ces désirs et ces rêves, comme dans un tiroir, avec un grand cadenas, au fond de moi, dans ma mémoire, dans mon coeur qui battait fort, attiré par ces attractions qui étaient considérées comme trop anticonformistes et déplacées.
Mes rêves de voyager, d’aller vivre à l’étranger, de me détacher de ma famille pour aller vivre seule étaient bien souvent étouffés, je les avais bien emprisonnés et cachés. A l’intérieur de ce tiroir je ne parvenais à percevoir ni les cris ni aucune douleur causée par le chagrin provoqué par ce renoncement.
J’étais fière de leur avoir trouvé un lieu sûr, en restant dans ce lieu si obscur je n’avais pas la possibilité d’en tenir réellement compte.
Je ne désirais pas que mes vraies passions soient découvertes et je ne voulais même pas qu’elles existent car si elles étaient connues elles n’auraient procuré que des problèmes ; non seulement elles auraient déçus leurs attentes, mais, dans tous les cas, elles n’auraient pas eu vie facile et auraient été rompues avant même de naître.
Mon papa, avocat, était certain que j’aurais suivi ses traces.
J’ai vécu ainsi une grande partie de mon adolescence sans grandes souffrances en parvenant à dépasser brillament les problèmes grâce à ma remarquable procédure secrète, c’est à dire en étouffant et en cachant mes réels désirs et en essayant de contenter les autres.
Un jour, cependant, un de ces multiples tiroirs s’est un peu trop rempli et pour plus de sécurité, non sans effort, j’ai essayé d’y mettre un autre cadenas.
De la manière la plus inattendue, il explosa et il s’ouvrit, j’ai entendu des hurlements, des pleurs, des sanglots, comme s’il s’agissait d’une petite fille qui en demandant de l’aide, suppliait de sortir, d’être elle même.
J’ai refermé ce tiroir, encore une fois, par la force.
Mais ces sons et ces images tentaient encore de sortir et de se libérer.
Ils étaient insuportables
Mon coeur battait toujours plus fort pour écraser le tout et m’étourdir pour oublier.
C’était un tiroir, un seul !
J’avais enfermé tant de rêves en pensant ainsi pouvoir être une femme sereine et heureuse.
J’aurais dû me préoccuper ?
Que serait-il arrivé si encore une fois il s’était ouvert, et puis peut - être une autre fois encore ?
Celà me terrorisait mais je ne peux ne pas reconnaître que celà commençait à me tenter de plus en plus.
Je me suis un jour demandée qui j’étais réellement.
Je me suis demandée où j’allais et qui avait choisi ma route à suivre.
Qu’aurais-je découvert en ouvrant ces tiroirs ?
Serais-je parvenue à réanimer mon essence naturelle désormais agonissante par ces conditionnements externes ?
Serais-je en mesure de dépasser mes faiblesses et affronter mes peurs ?
Je suis une personne optimiste, j’aime la vie ; je suis sociable et j’attache une importance fondamentale à l’amitié.
Entre femmes, malheureusement, il n’est pas inhabituel de voir s’instaurer de fastidieux et inutiles sentiments d’envie et de jalousie, pour cette raison, arriver à une solidarité spéciale et à la complicité qui unit réellement devient extrêmement rare.
Ca n’est pas facile de trouver un vraie amie, toutefois si on a cette chance, tout orgueil et compétition disparaissent, un respect total s’installe, la confiance aveugle et la loyauté grandissent.
L’union devient indissoluble, l’amitié devient un bien à sauvegarder des improbables, rares et exceptionnels évènements négatifs qui auraient la force de l’affaiblir, même si en réalité ils ne peuvent rien contre l’agréable bien être que l’on éprouve à être unis, à se confier les secrets les plus intimes, à partager les rires, les épreuves de la vie, les émotions, à se critiquer réciproquement, et trouver des solutions en commun ; l’objectif principal étant l’union et la force du couple.
Je connais une personne spéciale qui reflète ces caractéristiques. Stefania n’est pas seulement une amie, parfois elle est une mère qui étend ses conseils, parfois elle est la fille à laquelle je donne mon amour ; celà peut
sembler étrange mais la voir interprêter le rôle de la fiancée jalouse n’est pas improbable, surtout si je la délaisse un peu, cependant elle reste toujours l’épaule sur laquelle m’appuyer, la parole qui me réconforte, le respect de mon silence, la compréhension de mes faiblesses et le doux poids à supporter.
Stefania a un physique athlétique, elle est très grande, quelques centimètres en plus que moi.
Ses cheveux sont châtains et luisants avec des nuances qui tendent au roux foncé comme le bois d’amarante, souvent reccueillis en une tresse qui se déplace sur son dos. Elle s’habille habituellement de manière décontractée, elle privilégie les avantages pratiques de ce qu’elle porte, moi, au contraire, je préfère porter des vêtements plus féminins, selon son opinion plus gracieux et douceâtres.
Sa sincère exubérance et sa naturelle franchise, portent parfois à des jugements impitoyables.
Malgré les centaines de kilomètres qui nous séparent actuellement, je sais de toujours pouvoir compter sur elle et vice e versa.
Nous nous supportons, nous nous critiquons avec obstination, nous emettons de dures sentences, nous nous félicitons et nous nous envoyons promener … toujours affectueusement, difficile de vivre l’une sans l’autre.
La sécurité réciproque rend cette sincère amitié spéciale, un ingrédient habituellement absent dans les liens amoureux.
Nous avons une grande passion en commun : partir vers des destinations lointaines.
J’ai toujours adoré voyager, celà me donne une sensation de bonheur.
Lorsque je m’éloigne de tout et de tous et me retrouve dans des dimensions et des horaires différents, c’est comme si je parvenais à évaluer le reste “ de l’extérieur, de loin “, avec un détachement effectif tant physique que mental.
Tiziani Terzani a écrit que “ Notre destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle manière de voir les choses ” : c’est ainsi pour moi aussi et pour nous tous.
En voyage je parviens à mieux voir à l’intérieur de moi même, à voir clairement qui je suis et à m’améliorer.
C’est comme si le monde s’éloignait avec tous ses problèmes, comme si l’horizon changeait, et moi je retrouve mes forces, mon énergie.
En me détachant de la réalité des habitudes, une charge d’adrénaline me renforce jusqu’à me donner de la vitalité et une énorme positivité, celà m’aide à retrouver les justes réponses.
Voyager est une évasion dans des mondes qui ne sont pas les miens, c’est toujours une joie qui me procure un enivrant sens de liberté et m’aide à redécouvrir une partie de mon autonomie.
Depuis longtemps j’ai réalisé ce grand désir que j’avais déjà toute petite : je suis devenue une hôtesse de l’air.
Des années ont passé mais je me souviens comme si c’était hier du moment où j’ai décidé de changer de vie. Ce jour là est imprimé dans ma mémoire. J’étais avec Stefania.
je voudrais devenir une hôtesse de l’air
“ Ca suffit, j’en ai marre ! “ Mario est devenu insuportable, il en est arrivé à me suivre même lorsque je vais prendre un café avec mes amies, il ne veut pas que j’aille à la salle de sport et va jusqu’à m’interdire de saluer mon ex !
Je veux penser davantage à moi même et devenir indépendante. Pourquoi ne créons-nous pas quelque chose de bien à nous ensemble et ouvrons une activité ?
“ Toi, que prévois-tu pour ton futur, Anna ? Quel travail aimerais-tu faire ? ”
C’est ce que me dit Stefania, à l’habituel rendez-vous matinal pour un cafè au “ Bar della Finanza ”, en face de chez moi, mécontente de sa perspective de future ménagère, tant désirée par son fiancé très jaloux plus que par elle.
Je ne m’étais jamais sérieusement posé la question, ni
avais fait de projets précis sur mon futur travail.
Après avoir fréquenté le lycée classique et m’être inscrite à l’université à la faculté de droit, vu que les matières scientifiques n’étaient pas de mes préférées, je me mis à chercher un travail de secrétaire pour me maintenir aux études et satisfaire quelques petits caprices.
A l’époque je me réveillais tous les matins à la même heure et après un rapide petit déjeûner, je plongeais dans le cahotique trafic urbain en affrontant les trois quarts d’heure d’interminables queues aux carrefours, les bruyantes rangées de voitures qui essayaient de me dépasser de toute part pour parvenir à épargner uniquement les quelques minutes nécessaires pour arriver à l’heure au bureau.
Chaque jour boulevard Barriera del Bosco, où j’étais embouteillée à l’habituel point crucial, aux feux, pendant au moins quinze minutes, je rencontrais souvent un homme, un clochard, toujours assis sur un petit tas de terre forgée de ses propres mains.
Accroupi sous l’ombre d’un arbre, il observait ces interminables allées et venues chaque jour pareilles.
Le regard de cet individu avait un air serein, il regardait en coulisse une réalité si éloignée de la sienne : tous ces hommes, femmes et enfants qui passaient emprisonnés dans leurs voitures.
Il était assez discret, comme s’il ne voulait pas faire remarquer qu’il était là, il les regardait attentivement et s’émerveillait de rencontrer chaque matin les mêmes visages nerveux et épuisés, les mêmes voitures embouteillées une derrière l’autre dans des encastrements toujours différents, toutes, avec ces claxons qui sonnaient pour protester ; je crois qu’il se demandait combien il aurait été difficile pour ces hommes, retrouver cette tranquilité que lui semblait avoir rejoind.
Ses pupilles se déplaçaient attentivement et adressaient des regards presque de bienveillance et d’indulgence à ces nombreux chauffeurs qui à leur tour, le scrutaient avec compassion et mépris, lui et les traces qu’ils déposait sur le pré, souvent humide.
Chaque matin je me demandais qui des deux était réellement complètement fou, moi chauffeur nerveuse ou lui.
Je pensai toute la nuit à cette question que me posa Stefania par rapport à mon futur.
La réponse arriva en fin d’après midi, à la même heure où je rentrais du travail, dans ma “ petite voiture ”, après avoir évité une colision frontale avec un crétin qui m’avait coupé la route à la fin d’une interminable journée de travail, aux prises avec un chef de bureau aimant les brimades et les chicanes, avec des collègues que j’aurais bien volontier évité de rencontrer, faux et prévaricateurs.
En sortant du bureau, j’abandonnai ce parking longuement cherché durant la matinée, obtenu après avoir discuté de manière assez violente avec un autre mal élevé convaincu d’avoir vu la place avant moi, qui m’intimait grossièrement à partir et qui obstruait mon entrée.
Cet après-midi là je n’eu qu’une petite griffe sur la carrosserie et les essuie-glaces postérieurs mis en position contraire.
Chaque jour j’arrivais chez moi fatiguée, je rangeais et préparais en vitesse le dîner à cause de ma “ faim famélique ” que je parvenais à étouffer provisoirement en arrachant du frigo quelques restes froids du jour précédent et quelques morceaux de fromage jaunis, car mal rangés dans les confections en plastique restées ouvertes.
“ JE VOUDRAIS VOLER ! ” hurlais-je tout à coup.
“ Oui ! J’ai trouvé ! Je voudrais voler ! ”
Ce qui me séduisait absolument était d’éviter l’habituelle routine de tous les jours, la circulation urbaine, toujours voir les mêmes visages et les mêmes endroits. J’aurais aimé établir des relations avec des personnes chaque fois différentes, changer d’espaces, élargir mes horizons, avoir la possibilité de voyager autour du monde et délecter des recettes de cuisine internationale.
C’est ce que je pensais en mâchant un cracker et la dernière olive qui restait.
Mon rêve était de voler, j’aurais voulu être hôtesse de l’air.
J’appelai immédiatement Stefania.
Stefania fut enthousiaste par l’idée et m’annonça qu’elle aussi aurait aimé la poursuivre ; son unique préoccupation était d’affronter son fiancé.
Peu de temps après, les yeux brillants et avec en main
la page déchirée d’une revue, nous nous retrouvâmes à lire attentivement, pleines d’enthousiasme, les indications sur :