Cover-2

2007 Words
Elle porte des tatouages et des piercings un peu partout sur son corps et ils lui vont à merveille. C’est une œuvre d’art à elle toute seule. Ils font ressortir sa beauté naturelle. Elle ne ressemble à personne. Nous sommes vraiment différentes. Moi, je suis plutôt petite, assez ronde, je fais un bon 44 en pantalon, j’ai les cheveux coupés en carré plongeant, brune avec les yeux noisette. Rien de bien transcendant à coté de mon amie. Complètement banale. Et, là où les tatouages de mon amie subliment son corps, ce sont les cicatrices qui parsèment le mien. Elle me serre dans ses bras et je respire son parfum vanillé et boisé. Son odeur m’a toujours apaisée. On se connaît depuis toujours, nous avons quasiment grandi ensemble et je l’aime énormément, elle est la sœur que je n’ai jamais eue. Mes parents sont morts quand j’avais 20 ans, et j’étais déjà en couple avec Bertrand. Je me souviens avoir souffert de leur disparition, mais pas autant que ce que j’éprouve actuellement. — Qu’est-ce que tu faisais ? — Je réfléchissais. L’idée de retirer quelques photos de mon intérieur ne m’avait jamais percuté l’esprit. Mais, suite à notre conversation, j’ai regardé autour de moi et je pense que je serai incapable d’avancer en ayant mon bonheur perdu sous les yeux. Où que j’aille, il y a une photo de nous ou d’eux qui me rappelle ces années merveilleuses, qui ne sont plus. — Tu veux que je t’aide à en enlever quelques-unes ? Ça me paraît une grosse décision pour toi. Mais elle est essentielle à ton changement. Il faut que tu cesses de te laisser aller comme ça. Je ne supporte plus de te voir triste et solitaire. Ça dure depuis trop longtemps déjà. — Je sais Sarah, je te promets de faire des efforts. Je vais y arriver, je le sens au fond de moi, j’en ai envie mais une partie de moi me retient toujours. Je me morfonds. — Zora, réponds uniquement par « oui » ou « non » ! — Tu me fais peur ! — Tu veux redevenir la femme belle et souriante que tu étais ? — Oui, mais…. — Non ! Juste « oui » ou « non ». Elle me jette ce regard qu’elle seule sait faire, et je n’ai pas d’autre choix que de répondre par l’affirmative. — Oui. Je baisse la tête. Mon oui n’étant pas des plus francs. Un doigt sous mon menton me relève le visage et mes yeux plongent dans ceux de Sarah. Elle a le regard rempli de larmes refoulées. Merde ! Je ne pensais pas que mon état psychologique puisse lui faire cet effet. — Ma chérie, nous allons le faire ensemble. Je te promets que tu y arriveras. Tu crois que je ne te vois pas quand tu es dans tes pensées ? C’est un combat incessant. Tu veux avancer mais tu recules. Alors s’il faut que je te donne un coup de pouce pour que tu t’en sortes, je le ferai. C’est comme pour tout le reste. Quand tu baisses les bras, je suis là pour te les relever. Alors laisse place à Sarah la tornade ! Choisis une photo parmi toutes celles qui sont accrochées ! Et donne-moi un carton. — Que vas-tu faire ? — Moi ? Rien. Tu vas sélectionner ta photo préférée et ensuite tu me balances tout le reste dans ce carton, que tu garderas à portée de main tant que tu le souhaites, mais il est temps de les ranger, Zora. J’acquiesce silencieusement. Je regarde autour de moi et m’arrête sur un cliché de Bertrand, Mathys et moi à la plage. Mathys n’avait pas encore toutes ses dents et son sourire remonte jusqu’à ses yeux, il était heureux de jouer dans le sable avec son papa. Bertrand aussi est heureux, sa peau est légèrement rougie par le soleil et il m’embrasse la joue, amoureusement. J’ai du mal à me reconnaître sur cette photo, j’ai de longs cheveux bruns, je porte des lunettes de soleil très fashion et je souris. J’ai l’air épanouie, heureuse, inébranlable. Tellement plus forte que la personne que je suis actuellement. Tellement plus sûre d’elle et féminine. Quel gâchis ! C’est la photo que je choisis. Elle restera ici, près de moi, dans mon living, pour me rappeler tous les jours le coup de pied aux fesses que je mérite. Mes larmes dévalent le long de mes joues et Sarah me frotte le dos, en signe de réconfort, mais elle ne prononce aucun mot. Elle sait qu’il me faut du temps pour digérer la chose. Je m’avance vers le mur et lui tends le carton, une boîte à chaussures que j’avais dans mon couloir. Elle la maintient ouverte et je commence à y glisser les photos. À chaque fois que l’une d’elle rejoint la boîte, une larme tombe. Mais le poids que je ressentais encore il y a quelques minutes commence à se dissiper. Comme si toutes ces années de souffrances s’évaporaient. C’est une métaphore, car j’en suis encore loin. J’ai un énorme travail à faire sur moi-même pour redevenir celle que j’étais avant la tragédie. Au bout d’un quart d’heure, la pièce est débarrassée de toutes les photos et je redécouvre la couleur de la peinture de mes murs. C’est Bertrand qui avait choisi la teinte pour le salon/salle-à-manger et je me souviens de la dispute que ça avait provoquée entre nous. Bizarrement, ça me fait sourire car nous ne nous disputions que très rarement et, aujourd’hui, le souvenir de l’une d’elle me rend nostalgique. Il voulait absolument peindre les murs en couleur kaki, je détestais ce ton. Mais après de longues discussions et démonstrations au magasin de bricolage, j’ai cédé et j’avoue que ça rend particulièrement bien avec nos meubles. Un seul mur est de cette couleur, le reste est peint en sable très clair. Une belle harmonie, tout comme notre famille. — Zora ? C’est bon pour toi ? Sarah me sort de mes pensées. — Oui, Sarah. Je vais nous chercher à boire. Tu veux quoi ? — La même chose que toi. J’aurai aimé boire un alcool fort, style whisky ou vodka, mais je n’en ai pas. Donc ce sera jus de fruit pour tout le monde. Je reviens au salon avec nos verres et surprends Sarah en train de s’essuyer furtivement le visage. Une trace noire s’étend sous son œil, signe que son maquillage si parfait a coulé. — Sarah ? Tu pleures ? — Non, non, ne t’inquiète pas. Une petite poussière dans l’œil. Je ne relève pas car je la connais, elle ne me dira rien de plus. Sarah est comme ça, elle n’est pas du genre à montrer ses émotions aux autres et encore moins à s’épancher sur la chose. Alors je la laisse. Si elle veut m’en parler, elle le fera d’elle-même. Elle reprend son sourire habituel et lâche de but en blanc : — Bon, ma chérie, j’ai organisé quelque chose pour toi ! Enfin, pour nous, demain soir. — Sarah, tu me fais peur… — Fais-moi confiance ! Je ne savais pas quoi t’offrir pour ton anniversaire et je sais que tu détestes le fêter. Alors j’ai trouvé une autre alternative. — Annonce la couleur, Sarah, de toute façon je suis certaine que je vais détester. — Eh bien, je suis sûre qu’il y a quelque chose qui te plaira dans le programme. — Bon, tu accouches ?! Dis-moi tout. Je ne peux m’empêcher de sourire face à son air fripon. Cette fille est vraiment incroyable. Elle a 29 ans et ressemble par moments à une gamine de 10 ans. — Alors, pour tes 30 ans, demain (roulement de tambour fait avec sa bouche) je…nous...ai...inscrites... à…un cours de cuisine Meetic. — Attends, attends, c’est quoi ça un cours de cuisine Meetic ? — Ben, comme son nom l’indique, c’est un cours de cuisine. Organisé par le célèbre site de rencontre Meetic. — Sarah, tu n’as pas fait ça ??? Je suis sidérée, elle est complètement folle. Pourquoi nous inscrire à un cours de cuisine pour personnes célibataires ? Ce cours n’est juste qu’un prétexte pour rencontrer des gens. — C’est hors de question, tu as vu comment je suis. Tu as vu ce que je suis devenue ? Sarah, comment as-tu pu me faire ça ? Je sens une pointe de colère monter en moi. Elle va trop vite pour moi. Je ne peux tout simplement pas. — Mais, Zora, arrête un peu avec ça maintenant. Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? Tu crois que parce que tu as une cicatrice sur le visage, ça fait de toi un monstre ? On dirait une pin-up alors même que tu n’utilises pas de maquillage. Tu es pulpeuse, tu es l’une des plus belles femmes que je connaisse et tu ne t’en rends même pas compte. Elle a bu ?? Je ne vois pas autre chose. Moi, l’une des plus belles femmes du monde, et puis quoi encore ? Monica Bellucci ? — Tu es soûle, Sarah ? — QUOI ??? Mais t’es malade ! Je ne bois pas, tu le sais très bien. Enfin, je ne bois jamais sans occasion valable ! — Alors comment expliques-tu tout ce que tu viens de dire ? Moi, l’une des plus belles femmes que tu connaisses. Je suis grosse, j’ai des cicatrices partout sur le corps, j’ai une voix qui sort tout droit d’un film d’horreur et je ne souris même pas. Parce que lorsque je le fais, j’ai l’impression de ressembler à ce méchant dans les films de Batman, le Joker. — Arrête de dire n’importe quoi ! Maintenant, allons voir ce que tu vas porter demain. De toute façon, tu es obligée d’y aller, tu m’as promis de faire des efforts et de sortir avec moi alors, c’est parti ! Le Joker, on aura tout entendu. Elle prononce sa dernière phrase tout en se dirigeant vers les escaliers qui mènent à ma chambre. Je la suis et je ne peux rien répondre à cela, c’est vrai que je lui ai promis de sortir avec elle. Mais elle aurait pu éviter ce genre de lieu et d’activité. Je crois que je n’ai pas le choix, de toute façon. Ça aurait pu être pire, elle aurait pu décider de m’emmener en boite de nuit. L’enfer sur Terre pour moi. Une heure plus tard, elle dégote dans mes habits une tenue qui fera l’affaire pour demain. Je porterai donc un jean skinny destroy noir et un top en soie beige, ample, une veste en satin noir par-dessus. Je ne me rappelais plus avoir ce genre de vêtement dans mon dressing. Je ne m’habille que de mes sempiternels jeans basiques et tops en coton. — En chaussures, tu as quoi ? Parce qu’il est hors de question que tu y ailles en ballerine ! Ah oui ! J’avais oublié, elle déteste les ballerines. — J’ai bien une paire d’escarpins noirs mais je ne les ai pas remis depuis…enfin, tu sais. Je soupire. Tout me ramène à mes souvenirs. Même quand j’essaie de me libérer un peu, j’en ai toujours un qui revient. Il faudrait peut-être que je songe à déménager ! Pas pour les oublier, mais pour tourner la page et me reconstruire. Sarah a raison, il est temps pour moi d’accepter de vivre. — Fais-moi voir. Je sors la boite de mon armoire, je ne me souvenais plus qu’ils avaient un si grand talon. — Magnifique, au top ! Bon, eh bien, me voilà avec une tenue complète pour demain. Elle décide de me laisser me reposer, et me donne rendez-vous au restaurant « Festina », demain, à 18 h. CHAPITRE 2 Je me réveille, pour la première fois depuis trois ans, sans me souvenir de mes rêves ! Chose étonnante puisque d’habitude, mes nuits sont parsemées de cauchemars. Je me rappelle que c’est aujourd’hui que je dois me remettre en selle et sortir de chez moi, autrement que pour aller gagner ma vie. J’essaie d’en tirer le plus de positif mais ce n’est pas évident. Je vis depuis trois ans dans un brouillard constant et il n’est pas facile pour moi de changer tout ça. Mais je me sens plus forte aussi, c’est le jour de mes 30 ans et, comme me l’a dit Sarah, il est temps pour moi d’ouvrir un nouveau chapitre dans ma vie. Je compte bien réussir le pari que je tiens avec moi-même. Je passe la journée à faire du ménage et à continuer à rassembler les souvenirs divers dans un carton. La peluche de Mathys, le manteau de Bertrand dans l’entrée. Toutes ces petites choses qui faisaient mon quotidien, pas plus tard qu’hier. En fin d’après-midi, je suis exténuée. Pas top de sortir avec des cernes qui vous font ressembler à un panda. Je suis surprise de m’attarder sur ce détail, ça ne m’aurait pas dérangé, hier encore. Je décide donc de me relaxer dans un bain et de commencer à me préparer pour la soirée. Déjà 18 heures. Vite. Je me suis fait belle avec le maquillage que Sarah m’a offert hier. Je ne l’avais plus fait depuis l’accident et je me trouve relativement jolie en me regardant dans le miroir. J’avais peur de ne plus savoir le faire mais ça va, apparemment c’est comme pour le vélo, ça ne s’oublie pas. Deuxième étape du changement de ma vie : prendre un taxi !!! Je ne peux décemment pas aller à cette soirée à bicyclette.
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