Les invités

1827 Words
En sortant précipitamment des appartements du prince, Alna croisa Esme dans le couloir. La gouvernante s'arrêta net en remarquant l'état de la robe de la jeune femme. Une large tache brunâtre trônait sur le devant de son uniforme de travail. — Alna... commença Esme, d'un ton où se mêlaient exaspération et déception. Que s'est-il passé ? Alna sentit ses joues s'enflammer. Elle baissa la tête, incapable de soutenir le regard perçant d'Esme. — C'est... c'est du thé, murmura-t-elle. — Du thé ? répéta Esme, en croisant les bras. Alna, tu avais une seule tâche aujourd'hui. Une seule. Et te voilà dans cet état. Alna serra les mains sur sa jupe, sentant le poids de la culpabilité lui écraser la poitrine. — Je... je suis désolée, Esme. Le prince a renversé sa tasse, et en essayant de nettoyer, j'ai... Esme l'interrompit d'un geste de la main. — D'accord mais, Peu importe les circonstances. C'est à toi de garder ton calme et de gérer ce genre de situation avec discrétion. Ce n'est pas seulement une question de propreté, Alna. C'est une question de représentation. Alna hocha la tête, les épaules basses. — Je comprends. Esme la fixa un instant en silence, puis soupira, adoucissant légèrement son ton. — Écoute, Alna. il va falloir plus que des excuses pour tenir ici. Le prince, ses invités et surtout la reine n'ont que faire de nos efforts. Ils attendent la perfection. Alna releva timidement les yeux vers Esme. — Je ferai mieux la prochaine fois, je vous le promets. Esme hocha lentement la tête. — Très bien. Va te reposer demain nous recevons un invité spéciale. C'est demain que se jouera vos places car je ne compte pas toutes vous garder. Alna acquiesça rapidement, avalant difficilement sa salive. Sa place n'était pas définitive.. Alna comme chaque soir depuis son arrivée au palais n'arrivait pas à dormir surtout après l'annonce d'Esme. chaque fois que les pensées devenaient trop lourdes à porter, elle s'était réfugiée dans le jardin, seule, avec pour seule compagnie la lumière froide de la lune et l'éclat lointain des étoiles. Elle s'accroupit près d'un massif de fleurs, les genoux serrés contre sa poitrine, ses doigts jouant nerveusement avec un brin d'herbe. Son regard restait fixé sur le ciel, mais son esprit, lui, tournait en boucle. Pourquoi les garder toutes ? se disait-elle. Pourquoi me garder, moi ? Je ne suis pas assez bonne, pas assez forte... Elle chassa cette pensée en inspirant profondément, mais son cœur restait lourd. C'est alors qu'une voix douce et familière la tira de ses réflexions. — Arcturus, c'est l'étoile la plus brillante de la constellation du Bouvier. Une étoile en fin de vie. Alna ne bougea pas vraiment, mais elle tourna légèrement la tête vers la personne qui venait de parler. — elle ressemble certainement à mon destin.. C'est d'une étoile du bonheur dont j'aurais besoin en ce moment, murmura-t-elle sans détourner les yeux du ciel. Un silence s'installa, léger et apaisant. — Alors l'étoile de David vous irait parfaitement, ou même celle de Sirius, répondit doucement l'autre personne. Alna esquissa un mince sourire, presque imperceptible, avant de ramener son attention sur les étoiles avec une pointe de tristesse dans la voix. — Après l'incident qui s'est passé avec vous, je doute qu'Esme veuille bien me garder. Bonne nuit à vous, mon prince. Elle s'inclina respectueusement, puis tourna les talons pour partir. Son pas était rapide, presque pressé, comme si elle espérait échapper à cette conversation et à ce malaise grandissant. Le prince resta figé un instant, déconcerté par ses paroles. Quelque chose dans son ton, mêlé à cette attitude résignée, éveilla en lui une curiosité inattendue. Alors, pris d'un élan qu'il ne s'expliqua pas, il s'avança pour la rattraper. — Attendez... Dans sa précipitation, il attrapa le bord de sa couverture pour la retenir, mais le geste fut maladroit. La couverture glissa de ses doigts, emportée par une rafale de vent. Sous la lumière pâle de la lune, Alna apparut, dévoilée. Sa longue chevelure auburn, libérée, dansa au gré du vent, captant la lumière argentée. Elle semblait presque irréelle, une vision empreinte de grâce et de vulnérabilité. Le prince, immobile, ne put s'empêcher de la contempler. Alna, surprise, tourna brusquement la tête, ses joues s'empourprant sous le regard insistant du prince. Elle se sentit à la fois exposée et furieuse de ce qu'elle percevait comme une intrusion. — Rendez-moi ma couverture, murmura-t-elle, le ton tremblant entre l'embarras et l'agacement. Le prince, lui, ne répondit pas tout de suite. Son expression, habituellement si assurée, trahissait une émotion qu'il ne parvenait pas à définir. Puis, d'une voix basse, il murmura : — Vous êtes... Il s'interrompit, cherchant ses mots, mais Alna ne lui laissa pas le temps de finir. Elle détourna le regard, croisant ses bras sur elle-même pour se protéger du froid et de ce moment troublant. — Bonne nuit, mon prince, répéta-t-elle plus fermement avant de s'éloigner, laissant le prince immobile, toujours en proie à cette étrange fascination qu'elle venait d'éveiller. Le lendemain, le palais était en effervescence. Tout le monde s'activait pour que chaque détail soit impeccable. Les cuisines bourdonnaient d'activité, les sols étaient si bien nettoyés qu'ils reflétaient les lumières comme des miroirs, et les carrosses étaient astiqués jusqu'à briller. Aujourd'hui, le royaume accueillait la famille Windsor, et plus particulièrement la princesse Mathilde et sa mère, Josie. Leur visite était cruciale pour l'avenir du royaume, un accord important devant être discuté entre les deux familles royales. Alna, quant à elle, bâillait discrètement en prenant place parmi les autres domestiques, bien qu'elle tente de dissimuler sa fatigue. Elle n'avait presque pas dormi après les événements de la veille, mais comme tout le monde, elle devait être prête à accueillir les prestigieux invités. Sabine, toujours accompagnée de ses deux amies, profita de l'occasion pour glisser quelques piques à son égard. — Regardez-la, murmura-t-elle assez fort pour qu'Alna l'entende. Elle traîne tellement dans les couloirs, on dirait qu'elle cherche désespérément quelqu'un... ou peut-être quelque chose. Les autres pouffèrent de rire, et Sabine ajouta avec un sourire en coin : — Une fille comme elle n'est certainement pas un exemple à suivre. Alna serra les poings, mais ne répondit pas. Trop fatiguée pour engager une confrontation, elle préféra ignorer les provocations. Mais au fond d'elle, une colère sourde bouillonnait. Pourtant, elle n'eut pas le temps d'y penser davantage. Les cloches retentirent soudainement, annonçant l'arrivée des invités. Tout le monde se mit en position, les visages sérieux, les gestes calculés. Alna ajusta sa tenue et prit une grande inspiration. À l'entrée principale, le prince Liam et la reine Blanche étaient déjà présents, prêts à accueillir Mathilde et Josie. Leurs silhouettes imposantes se tenaient droites, impeccables, et le prince jetait parfois un regard furtif vers l'intérieur, comme s'il cherchait quelqu'un. Les carrosses se rapprochèrent, leurs dorures brillant sous le soleil, tandis que les chevaux martelaient les pavés d'un rythme solennel. L'atmosphère se chargea d'une tension mêlée d'excitation et d'appréhension. Tous savaient que cette journée serait décisive pour le royaume. Alna, accompagnée de Sabine et de sa b***e, s'avança avec les autres domestiques pour accueillir la famille Windsor et les débarrasser de leurs affaires. Leur démarche était coordonnée, mais Sabine lançait des regards appuyés à Alna, cherchant une raison de la rabaisser. Pendant ce temps, le prince Liam et la reine Blanche s'avancèrent vers Mathilde et Josie pour les saluer. — Princesse Mathilde, reine Josie, je vous souhaite la bienvenue dans le royaume des Caelum, déclara Liam avec assurance, inclinant légèrement la tête en signe de respect. Mathilde répondit avec un sourire chaleureux. Elle avait l'air confiante et à l'aise, malgré l'importance de cette rencontre. Sa mère, Josie, lui emboîta le pas avec grâce, échangeant un regard complice avec Blanche. Les deux reines étaient manifestement des amies de longue date, ce qui expliquait l'atmosphère détendue entre elles. — Quelle belle surprise de vous revoir, murmura Josie à Blanche en lui serrant doucement la main. Blanche ne perdit pas une seconde pour complimenter Mathilde, son regard passant de la jeune femme à son fils. — Mathilde, vous êtes devenue une jeune femme magnifique. Je suis sûre que vous saurez bâtir un foyer solide et digne de votre rang, dit-elle d'une voix douce mais calculée. Josie, toujours fière de sa fille, répondit immédiatement : — Exactement, ma chère. Ma fille a toutes les qualités requises pour gouverner et porter les responsabilités d'un tel avenir. Liam resta silencieux, un peu en retrait, observant Mathilde avec curiosité. Il ne la connaissait que de nom, car la dernière fois qu'ils s'étaient vus, ils étaient encore enfants. Il tenta de chercher un souvenir, mais la princesse qui se tenait devant lui n'avait rien à voir avec la petite fille qu'il avait connue. Mathilde, quant à elle, le fixait également, mais sans rien laisser transparaître. Son sourire restait aimable, et ses gestes mesurés. Pendant que ces échanges avaient lieu, Alna se tenait en arrière, retenant un bâillement. Elle se força à rester concentrée, observant Sabine qui, bien sûr, ne manqua pas de murmurer quelque chose à ses amies en la dévisageant. Mais Alna choisit d'ignorer, se concentrant sur sa tâche. Une fois les salutations terminées, les invités furent escortés vers la salle à manger, où une table somptueusement garnie les attendait. Les plats étaient disposés avec soin, chaque détail reflétant l'élégance et la richesse du royaume des Caelum. Alna, quant à elle, ne prit pas part au service à table. Elle s'occupa des affaires de la princesse Mathilde qu'on lui avait confiées, les transportant avec précaution jusqu'aux appartements qui lui avaient été préparés. En pénétrant dans la chambre destinée à Mathilde, Alna fut frappée par le luxe qui l'entourait : des rideaux de velours, des tapis moelleux, et un grand miroir doré qui reflétait la lumière des chandeliers. Elle commença à déballer les affaires de la princesse, comme il lui avait été demandé, les rangeant avec soin dans l'immense armoire en bois sculpté. Chaque vêtement qu'elle touchait semblait plus somptueux que le précédent. Des robes en soie brodées de fils d'or, des bijoux étincelants ornés de pierres précieuses, et des accessoires scintillants. Les paillettes, les perles, les éclats de lumière faisaient briller ses yeux, mais en même temps, un poids se formait dans son cœur. Tout en pliant une robe d'un bleu profond, Alna murmura intérieurement : "Jamais je ne pourrai avoir tout ça. Ce monde-là, ce luxe, cette perfection... ce n'est pas pour moi." Elle tenta de se concentrer sur sa tâche, mais ses pensées s'égaraient. La différence entre sa vie simple et celle de la princesse Mathilde lui semblait insurmontable. Elle se demanda brièvement à quoi sa vie aurait ressemblé si elle était née dans un autre milieu. Un léger soupir s'échappa de ses lèvres. Elle referma l'armoire avec précaution, jeta un dernier coup d'œil à la pièce parfaitement ordonnée, et se redressa. Elle savait que son travail ne faisait que commencer, et qu'elle n'avait pas le luxe de se perdre dans des rêveries.
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