L'épicerie

3100 Words
Je me frotte les yeux, légèrement fatigué. Ça fait des heures que je suis dans les papiers du label et je n'en peux plus. Priam s'assoit à côté de moi. Il prend une liasse de feuilles. Je le laisse faire mais l'observe du coin de l'œil. Il lit attentivement. - C'est les papiers du label ? - Ouais. - C'est un contrat ça ? Je regarde les feuilles qu'il tient et acquiesce. Il prend d'autres feuilles et je souris légèrement. Ça me fait plaisir que mon fils s'intéresse un peu à ce que je fais. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup d'activités que je peux partager avec lui. Il aime particulièrement le foot alors que ce sport n'est clairement pas ma tasse de thé. Depuis qu'il est enfant il préfère jouer avec Naïm, Rayan ou même Amine. Il a appris à jouer du piano avec Hugues pendant que j'écrivais de nouvelles paroles pour mes sons. Sa mère l'a initié à l'escalade et à la cuisine avec Paris. Quand j'y pense, je ne lui ai pas appris beaucoup... J'ai toujours laissé sa mère faire le plus gros du travail. La vérité c'est que j'ai toujours eu peur qu'il finisse comme moi. Qu'il arrête l'école et qu'il fasse n'importe quoi de sa vie. Je ne dis pas que c'est ce que j'ai fais. Simplement, j'ai fais beaucoup d'erreurs et si je n'avais pas pris les bonnes décisions au bon moment, si je n'avais pas eu le rap, ma passion pour me guider, j'aurais mal tourné. Malgré tout ce qui s'est passé dans ma vie, je ne regrette rien. Je m'en suis bien sorti mais j'ai toujours voulu que mes enfants n'aient jamais les problèmes que j'ai pu avoir. Quand il était petit, je lui lisais des histoires et je jouais avec lui mais dès qu'il a atteint les 12-13 ans, je me suis inconsciemment éloigné. C'est seulement maintenant que je me souviens d'une phrase qu'Atesa m'a dit un jour : " si tu vis dans la peur, tu risques de passer à côté de choses extraordinaires, Elios. ". Elle avait raison. Mais en ce qui concerne mon fils, je ne l'ai pas écouté. J'avais tellement peur qu'il copie mon parcours que j'ai installé une sorte de barrière entre nous. Et c'est maintenant que je dois m'occuper seul de mes enfants que je m'en rend compte. J'ai toujours été plus proche de Paris. Dès sa naissance c'était pour moi évident de la traiter comme une princesse. J'aurais pu tout lui céder, heureusement que sa mère me freinait pour qu'elle ne soit pas pourrie gâtée. - Priam ? Il relève les yeux vers moi. - Tu sais ce que tu veux faire plus tard ? Je le vois se mordre la joue et regarder ailleurs, songeur. - Footballeur, je crois. - Tu crois ? - Je sais pas si j'y parviendrais. - Si tu n'y crois pas, personne ne le fera pour toi. Si tu veux être footballeur, fais tout ce qui est en ton pouvoir pour y parvenir. Regarde-moi, si j'avais écouté mes profs ou même mes parents, je ne serais jamais devenu rappeur. Il sourit légèrement. - Je pensais pas que tu m'encouragerais dans cette voie. Je fronce les sourcils. Je pense n'avoir jamais découragé mes enfants à croire en leurs rêves... - Je t'encouragerais toujours à atteindre tes buts. - Merci. Je lui fais un clin d'œil avant de replonger dans mes papiers. Priam repose les feuilles qu'il avait entre les mains pour les remplacer par son téléphone. D'un coup la porte d'entrée s'ouvre et se referme fortement. Priam et moi tournons la tête vers Paris qui monte dans sa chambre sans faire attention à nous. D'après son expression elle semblait énervée. - Je vais aller la voir. Dis-je en commençant à me lever. - Non, laisses. Je crois que je sais ce qu'elle a. Il se lève et me laisse seul. Il y a un silence de plomb dans la maison et comme à chaque fois que je me retrouve seule, j'ai l'impression que mon cœur pèse des tonnes et que ma poitrine se comprime. Elle me manque... En 18 ans de relation jamais je n'ai ressenti un tel manque d'elle. Pourtant il y a eu des hauts et des bas dans notre relation. Des périodes où j'étais tellement pris par mon travail que j'ai négligé ma femme, mais nous nous sommes toujours retrouvé et c'est toujours après avoir réalisé que je la délaissais que je me demandais comment je faisais pour ne pas la vouloir avec moi à chaque seconde de chaque minute de ma p****n de vie. Je porte une main à mon œil. Merde... Manquait plus que je me mette à pleurer. Je renifle disgracieusement alors que mon portable se met à sonner. - Allo ? - Elios, ça va ? - Ça va et toi ? - Tout va bien. Et Paris et Priam ? - Ça peut aller. Et Liam ? - Il va bien, ne t'en fais pas. - Merci. - De quoi ? - De t'occuper de lui. - C'est normal. Et puis ça occupe mes journées. Un léger silence s'installe. Je me sentais déjà mal mais je le suis encore plus maintenant que j'ai la mère de ma femme au téléphone. - Elios ? - Oui ? - Tu n'as pas de nouvelles ? Je ferme les yeux prêt à craquer. Si j'avais des nouvelles, je ne serais pas aussi calme. - Non, Vesta. Si j'en avais eu je t'aurais appelé. - Je sais... Un autre silence. - Bon, je vais te laisser. Il faut que j'aille donner son bain à Liam. - Ok. Je passerais le voir demain. - Pas de problème. - Au revoir, Vesta. - Au revoir, Elios. Je raccroche et soupire. Je ne pourrais pas survivre longtemps comme ça. Je reprends mon portable et compose le numéro de ma mère. - Allo ? - Ouais m'an. - Elios. Tu vas bien ? - J'aimerais qu'on évite cette question si tu veux bien. - Oh euh... Oui bien sûr. Ce n'est pas trop dur avec Paris et Priam ? - Non, ça va. Et toi avec Kieran et Léna ? - Ce sont des anges. Je souris. - Je pense les prendre ce week-end. - C'est comme tu veux. Mais si tu as besoin tu sais que tu peux me les ramener quand tu veux. Et Liam aussi, s'il y a besoin. - Pour l'instant Vesta s'occupe de Liam. - D'accord. Je parle encore un moment avec ma mère avant qu'elle ne me passe Léna. - Papa ! - Hey, ma princesse. - Attends, je mets le haut-parleur pour Kieran. - Allo papa ? - Oui, mon fils. -Tu sais j'ai eu 20/20 à mon contrôle de français. - C'est bien, je suis fier de toi. - Et moi j'ai eu 18/20 à mon contrôle d'anglais. - Ma fille est bilingue. Elle rit et p****n ça me fait du bien d'entendre ce son. Je réalise maintenant qu'ils me manquent beaucoup trop eux aussi. Seulement je travaille toute la semaine alors je suis obligé de les confier à mes parents et Liam à Vesta. Après une bonne heure à parler avec mes jumeaux, je raccroche pour aller préparer le dîner. Paris arrive suivi de Priam. Ma petite brune a l'air d'avoir pleuré. Je ne sais pas comment réagir. Je pose la casserole au centre de la table avant de me mettre derrière sa chaise et d'enrouler mes bras autour de ses épaules. - Ça va aller, princesse. Je suis là. Je lui chuchote. Elle renifle avant de poser ses doigts fins sur mes bras. Sa tête se niche dans mon cou. Je sens qu'elle se retient de pleurer à nouveau. Priam pose une main sur la sienne pour la réconforter. Ça fait du bien de voir qu'ils se serrent les coudes dans cette situation. Dans le cas contraire, j'aurais eu du mal à supporter d'être le seul sur qui ils peuvent se reposer. Nous commençons à manger dans le silence et terminons dans la même ambiance. Ce n'était pas pesant, juste triste. Paris m'aide à faire la vaisselle pendant que son frère monte finir ses devoirs. Je range ensuite le bazar que j'ai laissé dans le salon. Je descends dans mon bureau qui est notre ancienne cave. Je me souviens encore quand nous avons décidé d'en faire mon bureau et que nous avons repeint les murs en blanc. Elle avait voulu laisser nos empreintes sur la peinture fraîche et à chaque fois que je levais les yeux sur ce mur, je souriais comme un idiot. J'effleure son empreinte du bout des doigts. - Reviens... Je souffle. J'avale difficilement ma salive avant de me résigner à monter. Paris est dans le canapé devant la télévision. Je l'éteins et elle relève la tête vers moi surprise. - Priam ? Je l'appelle. Il descend en fronçant les sourcils. - Qu'est-ce qu'il y a ? - Assieds-toi à côté de ta sœur. Il s'exécute. Je m'assieds sur un autre fauteuil. - On a fait une connerie ? Il me demande. - Non. Vous avez quelque chose à vous reprocher ? Ils se lancent un regard avant de secouer la tête. - Ok. Alors vous voulez que je continue mon histoire ? - Ouais. Ils semblent d'un coup beaucoup plus enthousiastes. ~~~~~~~~~~~~~~ - Shams ? Je relève la tête vers Sohan qui m'a appelé par mon nom de scène. C'est Naïm et Rayan qui m'appellent comme ça depuis qu'on est petit. Vu qu'Elios veut dire soleil, ils ont décidé de m'appeler comme mais en arabe. - C'est ton tour. Je soupire en me levant alors qu'il sourit comme un abrutit. J'attrape ma veste et sors de son appartement. Ce soir c'est petite réssoi entre potes chez le Papi du groupe. On avait tiré à la courte paille en début de soirée pour savoir qui allait chercher les bières quand on serait en rade. Le premier a été Rayan, puis il y a eu Hugues et maintenant c'est mon tour. C'est fou toutes les bières qu'ils peuvent s'enfiler en une heure. Je marche lentement vers l'épicerie qui se trouve à 10 minutes de chez So'. Aubervilliers c'est assez différent de Paris, la nuit. Je trouve cette ville beaucoup plus sombre et les gens ne m'inspirent pas du tout confiance. Alors qu'à Paris, même si on a autant de chance de se faire agresser, on se sent beaucoup plus libre. Je ne sais pas s'il n'y a qu'à moi que ça fait cet effet mais marcher dans Paris a le don de m'apaiser. Lorsque j'arrive chez l'épicier, je le salue vite fait. Il me regarde chelou. Sûrement à cause de ma casquette et ma capuche. Il doit penser que je vais le voler. Mais j'ai plus 15 ans, maintenant je peux me payer tout ce dont j'ai besoin et c'est une fierté de ouf pour moi. Je suis fier d'avoir réussi ma vie et de la gagner en faisant un truc que j'aime. Peu de personnes peuvent se vanter de ça malheureusement. Je prends un pack de bière au frais et quand je me retourne, je manque de rentrer dans quelqu'un. Mes yeux tombent sur son visage et là je suis sur le c*l. - Atesa ? - Shamsinoque ? Je fronce les sourcils. Comment elle m'a appelé ? Elle explose de rire cette gamine. - Tu verrais ta tête. - Je vais te jeter dans le frigo tu vas voir quelle tête j'aurais. - Toute de suite les menaces ! Je te pensais pas si susceptible. - Je suis pas susceptible. - Hm hm. Elle passe devant moi pour aller au rayon gâteau et bonbons. Je la suis sans vraiment savoir pourquoi. - Au fait, qu'est-ce que tu fais ici ? Je demande. - Je viens acheter des Oréos et des bonbons. Elle dit en me montrant chaque paquet. - Et comme par hasard dans cette épicerie. Elle me regarde en haussant un sourcil. - Est-ce que tu intinues que je te suis, Shamsagouin ? - Ouais exactement. Et arrête les surnoms, je ne ressemble pas à un sagouin. Le frigo n'attend que toi. - Des menaces, toujours des menaces. Moi je trouve que tu as la même moustache que les sagouins. Et au passage j'ai pas que ça à faire de suivre un rappeur prétentieux qui met des casquettes la nuit. Inconsciemment, je me mets à rire doucement. - T'es sacrément insolente. - Et encore, t'as rien vue. Elle me fait un clin d'œil et se dirige vers la caisse. C'est quand même dingue comme coïncidence. D'abord on se voit quand je vais chez mes parents et maintenant on se croise dans une épicerie à Aubervilliers. Combien de chances y avait-il pour que ça arrive ? Je crois que je commence à croire au destin. Elle pose ses trouvailles à la caisse et fouille dans sa poche. Je pose mon pack de bière et sors un billet pour tout payer. - Qu'est-ce que tu fais ? - De rien. - Je t'ai rien demandé, Shamsangsue. Je lui lance un regard noir et elle sourit. Elle sort en saluant l'épicier et je la suis. Elle s'arrête sur le trottoir et se tourne vers moi. - Merci quand même, Sha... Je mets ma main sur sa bouche. Elle se met à rire et enlève ma main. - Sale gamine. - Oh fait pas la tête, Shamsiffleux. - A quel moment t'as pris la confiance toi ? Et c'est quoi un siffleux ? - Une marmotte. Elle hausse les épaules. - Et ce sont des surnoms affectueux. - Je vais t'en montrer de l'affection moi. - Je m'en passerais, merci. Elle commence à marcher et je la suis. Enfin, je la suis pas vraiment, c'est la route pour aller chez Sohan. - Et après c'est moi qui te suis. Lance-t-elle en ouvrant ses bonbons. - Je vais chez mon pote. J'ai pas que ça à faire de suivre une meuf prétentieuse qui met des lunettes de soleil la nuit. Dis-je en reprenant ses mots. Elle me lance un regard plein de défi avant d'enlever ses lunettes qui reposaient sur son crâne et de les mettre sur son nez. Je secoue la tête. Une vraie gamine. Elle me propose des bonbons acidulés. Normalement ce ne sont pas mes préférés mais j'accepte et la remercie d'un sourire. Je mets le bonbon dans ma bouche et grimace tellement il est acide. Comment elle fait pour manger ça comme des cacahuètes ? - Petite nature. Chuchote-t-elle. - T'as dis quoi là ? - Moi ? J'ai rien dit. Je plisse les yeux alors qu'elle continue à faire l'innocente. Finalement je lâche l'affaire et refuse quand elle me propose d'autres bonbons. Je fais pas deux fois la même erreur. On arrive devant l'immeuble de So' alors je m'arrête et elle m'imite. - C'est ici qu'on se sépare. - Génial ! Je n'aurais plus à supporter tes menaces et ta susceptibilité. - Et moi je n'aurais plus à supporter tes surnoms merdiques et ta prétention. - Quoi ? Je suis tout sauf prétentieuse. - Tu te la pète depuis tout à l'heure avec tes lunettes. - N'importe quoi ! Je ris alors qu'elle cogne son poing contre mon épaule. - Tu crois faire mal à qui avec ta force de mouche ? - La mouche t'emmerde. Elle croise les bras sur sa poitrine et me tourne le dos. - Me dis pas que tu boudes. - La ferme. - Gamine. - Et j'assume, Shamscatophile. Je hausse les sourcils. Là, on est d'accord pour dire qu'elle a dépassé les bornes ? Je pose le pack de bière au sol et la prend par la taille pour la faire basculer sur mon épaule. - Elios ! Qu'est-ce que tu fous ? - Ah maintenant c'est Elios. Elle rit en tapant sur mon dos. - Reposes-moi par terre, le sang me monte à la tête ! - T'as tout ce que tu mérites. - N'importe quoi, je suis adorable. - Y'a que toi qui y crois, meuf. Elle me pince la hanche et je la repose sur le sol pour que son sang continu d'irigué dans la partie inférieure de son corps. - À cause de toi j'ai perdu des bonbons ! - C'est bon, t'en a fait tomber 3. - Bah si c'est QUE 3 bonbons, tu vas me les racheter. - Tu rêves. - Parce que tu crois que tu as le choix ? - Je ne crois pas. Je sais que je l'ai. - Tu rêves. M'imite-t-elle. - Non, mais si je te rachetais tes bonbons ça voudrais dire qu'il faudrait qu'on se revoie et qu'on passe un autre moment ensemble. Évitons-nous ce supplice. - Hm. T'as pas tort. - J'ai jamais tort. - Hm hm. - T'es insolente. - Tu l'as déjà dit. Elle sort soudainement son portable de sa poche arrière et lève les yeux au ciel en voyant ce qui s'affiche sur son écran. - Bon, il faut que j'y aille. Me dit-elle. - Ouais, ok. - A plus, Elios. Elle se retourne et fait quelques pas. - Hey, attends, Atesa ! Je la rattrape. - Qu'est-ce qu'il y a ? - Euh tu vas où ? Elle me regarde étrangement. - Chez un ami, pourquoi ? - C'est loin ? Je demande en ignorant sa question. - Non. C'est à deux rues. - Ok. Je voulais pas que tu traines toute seule le soir, surtout si tu vas loin. - T'inquiète pas pour moi. J'ai l'habitude. Je lui souris et acquiesce. - Je peux avoir ton numéro ? Elle hausse un sourcil et me regarde dans les yeux pour être sûr que je ne moque pas d'elle. - Comme ça tu m'envoies un message pour me dire que t'es bien arrivée ou tu m'appelles s'il y a un problème. Elle sourit avant de me tendre son portable. Je rentre mon numéro et lui rend. - M'oublies pas. Je lui dis. - T'inquiètes. À plus, Shamsardine. - À plus, la chieuse. Elle rit et s'éloigne dans la rue sombre. Je remonte chez So' et je suis accueilli comme un prince. Enfin le pack que je tiens est accueilli comme un prince, moi on m'engueule parce que j'ai mis trop de temps. - La prochaine fois c'est vous qui bougerez votre c*l. - Fais pas ton susceptible, Shams. Me dit Naïm. A cette phrase je ne peux m'empêcher de penser à Atesa. À la différence de Naïm, elle m'aurait donné un surnom bien débile pour me faire chier. Quelques minutes plus tard, je reçois un message. Numéro inconnu : Hey, Shamsalopiaud ! Je suis bien rentrée tu peux dormir tranquille Je souris comme un c*n devant son message. Cette fille est folle. Mais finalement c'était pas si mal d'avoir été obligé d'aller chercher les bières. Ça m'a permis de la revoir après plus de deux mois. Évidemment, il y a toujours un imbécile pour demander pourquoi je souris. ~~~~~~~~~~~~~~~ Paris sourit légèrement, sa tête sur l'épaule de Priam. - C'est l'heure de dormir je suppose. Dit mon fils en voyant que je ne continu pas. - Tu supposes bien. Il se lève suivi de Paris. Je les prends tous les deux dans mes bras et les laisse monter dans leur chambre. Je me rassieds sur mon fauteuil. Et je me mets à penser... à chacun de mes enfants, à ma femme, à la famille que nous formions. Rien ne sera plus jamais comme avant si elle ne revient pas. C'est sur ces pensées que je m'endors.
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