Repas de famille

1546 Words
Paris s'assoit sur le canapé en face de moi. Je sens qu'elle me regarde mais je l'ignore. J'échange des messages avec Naïm. Ma fille ne bouge pas d'un pouce. Elle me fixe. Elle sait que je l'ignore délibérément et malheureusement pour moi elle est dotée d'une patience à toute épreuve, enfin uniquement quand c'est dans son intérêt. Je vais craquer en premier et elle le sait. Priam arrive ensuite. Lui se fait remarquer d'entrée en se jetant complètement sur le canapé comme s'il avait porté tout le poids du monde toute la journée. Et je sens qu'il me regarde aussi. J'abandonne mon portable pour regarder mes enfants. - Qu'est-ce que vous attendez ? - La suite. T'as dit hier que tu nous raconterais. Merde. J'avais oublié. Au début, j'ai raconté cette histoire pour qu'ils arrêtent de se chamailler mais il s'est avéré qu'ils l'ont aimé. Je sens qu'ils ne vont pas me lâcher si je ne leur donne pas ce qu'ils veulent. - Ok. Alors, je vais vous raconter la deuxième fois que je l'ai vue. ~~~~~~~~~~~~~ - J'appelle papa. Me prévient Irène en sortant son téléphone. J'acquiesce seulement. Ma sœur appelle mon père pour le prévenir que nous arrivons dans quelques minutes. Aujourd'hui, c'est repas de famille dans la nouvelle maison de mes parents. Elle se trouve en périphérie de Paris, dans un quartier pavillonnaire assez calme. Lorsque j'arrive dans leur rue, je me gare devant la maison. Dans la cour voisine je vois qu'il y a au moins une dizaine d'enfants qui courent et jouent. C'est la journée repas de famille on dirait. Je sors de la voiture, suivi d'Irène. Nous sommes accueillis par nos parents qui nous prennent dans leurs bras. Puis j'ouvre le coffre pour débarrasser les courses que j'avais faites avec ma sœur un peu plus tôt. Je prends le dernier sac de charbon pour le barbecue et verrouille la voiture quand j'entends : - Atesa, attends-moi ! Je me retourne et vois une petite brune devant la maison voisine. Un petit métisse lui cours après. Elle lui prend la main et ils se dirigent vers une voiture. Je l'ai évidemment reconnu. Atesa. La fille qui s'est plainte au concert de mon groupe au zénith de Paris. Finalement, je ne l'ai pas oublié. Ça fait quand même un moment que je n'ai pas pensé à elle mais ça m'arrive de me rappeler notre rencontre quand on se remémore la tournée avec les gars. C'est fou comme coïncidence. D'un pas peu assuré et un sac de charbon toujours dans les bras, je me dirige vers elle. - Elios ? Je me retourne vers mon père qui m'appelle. - J'arrive dans deux minutes. Je le vois froncer les sourcils mais je reprends ma route avant qu'il pose plus de questions. Je dépose mon sac au sol et me poste devant la portière ouverte de la voiture. - Salut. D'abord le petit métisse à la chevelure bouclée et imposante relève les yeux vers moi, puis c'est au tour de la brune. - Elios ? Demande-t-elle surprise. - En chair et en os. - Wow ! C'est Elios, le rappeur ! Le petit se met à sautiller devant moi. - Ouais, c'est moi. - Qu'est-ce que tu fais ici ? Demande la brune en sortant de la voiture avec un chargeur en main. - Mes parents habitent à côté. Je dis en montrant la maison. - Quelle coïncidence. Je souris. Le petit nous regarde la bouche ouverte avant de dire : - Atesa, tu connais Elios ! - Euh oui. Enfin, vite fait. - C'est trop bien ! Je peux avoir une photo, s'il te plaît ? J'accepte volontiers. Il glisse sa petite main dans la poche d'Atesa et en sort son téléphone. - Tiens, prend la photo. - Merci de me laisser le choix. Je souris à sa remarque. Le petit ne la calcule même pas et il vient se mettre à côté de moi. Elle prend le portable et nous prend ensuite en photo. - Voilà. Le petit, qui s'appelle en fait Dylan, se précipite sur le téléphone pour voir la photo. - Je vais montrer ça à Achille et Gabriel ! Il dit puis part en courant. - Hé ! Mon portable ! Dylan ne se retourne même pas et continue à courir avant de disparaître dans la maison. - Pfff les jeunes de nos jours. - Fais pas l'ancienne. Elle se retourne vers moi et me tire la langue. - Très mature. - Faut savoir. Tu me dis que je fais l'ancienne et après que je suis immature. Je roule des yeux. - T'habite ici ? Je demande. - Non, c'est la maison de mes grands-parents. Je hoche la tête. - Repas de famille pour toi aussi ? - Ouais, quasiment tous les dimanches. - Atesa ! Nous nous tournons vers Dylan accompagné de deux garçons d'environ 15-16 ans. L'un est blond et l'autre est typé asiatique. Ils arrivent vers nous rapidement et me regardent avec de grands yeux. - Alors c'est vrai ? Demande le blond. - On ne voulait pas croire Dylan mais c'est vrai. - On peut avoir une photo ? - Ouais, bien sûr. L'asiatique me tend son téléphone et nous prenons une photo. J'en prends aussi une avec le blond et ils me remercient avant de se présenter. - Au fait, moi c'est Achille et lui Gabriel.  Me dit le blond. Et on kiff tes sons. - Ah merci, ça fait plaisir. - Comment vous vous connaissez ? Demande Gabriel. - On se connaît pas vraiment. Elle explique. On a juste un peu parlé après le concert auquel je suis aller, quand j'ai été à la pêche aux autographes pour Achille. - Ouais mais le concert c'était il y a cinq mois. Elle hausse les épaules. C'est vrai que ça remonte. Je me surprend moi-même à avoir retenu le prénom et le visage d'Atesa. Pourtant, une semaine après le concert je ne pensais plus vraiment à elle et j'avais repris ma vie. - Bref. Elios doit aller rejoindre sa famille et nous la nôtre. Ils ont l'air déçus mais obéissent. Ils me saluent et rentrent. - Merci d'avoir pris des photos avec eux. J'espère que ça ne t'a pas dérangé. - Non, t'inquiète c'était rien. Elle sourit. - Bon. A plus, Elios. Elle se retourne et s'apprête à franchir le portail de la maison de ses grands-parents. - Atesa ? Elle s'arrête et me regarde. - Oui ? - T'as quel âge ? Elle fronce légèrement les sourcils. - 18 ans. Pourquoi ? - Comme ça. Elle plisse légèrement les yeux mais elle n'ajoute rien. - A plus, Atesa. - A plus. Cette fois elle part sans se retourner. Je repars en attrapant mon sac de charbon puis je vais rejoindre ma famille. Je fais un rapide calcul dans ma tête. 27 - 18 = 9. 9 ans d'écart... Au moins, c'est pas du détournement de mineur. Je ris doucement. N'importe quoi. C'est une gamine. Ça ne se fera jamais. ~~~~~~~~~~~~~~ - Elle te plaisait ? Demande Paris. - Évidemment. Dès que je l'ai vue à ce concert, je l'ai trouvé belle. - Donc tu t'es mis à kiffer sur une fille de 18 ans. Lance Priam. - Non. J'étais pas en kiffe. Je la trouvais belle mais je ne la connaissais à peine. - Il s'est passé quelque chose ensuite ? - Ce jour-là, il ne s'est rien passé de plus. Je l'ai vue partir avec ses parents quand je regardais par la fenêtre. - Tu l'espionnais carrément ! Fait remarqué mon fils. Je roule des yeux. - Je ne l'espionnais pas. Elle est parti au moment où je regardais par la fenêtre. - Comme par hasard. - Ouais, comme par hasard. Il sourit insolemment. Ah les adolescents et leur stupide provocation. - Tes parents ne t'ont pas demandé pourquoi tu étais resté avec la petite fille des voisins ? - Si. J'ai dit que je la connaissais vaguement et ils n'ont pas cherché plus loin. - Même tante Irène ? - Quand j'ai dit qu'Atesa n'avait que 18 ans elle ne m'a pas posée plus de question en pensant que je ne m'intéresserais pas à une fille à peine majeure. - Et ensuite ? Comment vous vous êtes revu ? Je regarde ma montre avant de retrouver les yeux de ma fille. - La suite demain. - Mais non ! - Et si. Vous avez cours demain. Ils soupirent mais se lèvent. - Bonne nuit, papa. Paris me prend dans ses bras et embrasse ma joue. Je souris en la serrant aussi. J'aime ses marques d'affection et sa douceur. Elles me rappellent sa mère. - Bonne nuit, ma princesse. J'embrasse son front et elle me lâche avant de monter dans sa chambre. Priam me regarde quelques secondes avant de baisser les yeux. - Il y a un problème ? Je demande. - Tu penses que maman va revenir ? Il relève les yeux vers moi et pour la première fois depuis longtemps mon fils me paraît vulnérable. Depuis quelques années il fait tout pour qu'on le voit comme un jeune homme autonome, surtout devant moi. Il ne montre pas sa tristesse ou autres sentiments qui pourrait laisser penser qu'il est faible. Mais là, tout de suite, il me fait penser au petit garçon qu'il était. Celui qui traînait tout le temps dans les jambes de sa mère, celui qui venait me demander la définition de chaque mot qu'il ne connaissait pas, celui qui s'asseyait sur mon dos avec Paris quand je faisais des pompes et qui riait aux éclats. - J'en suis sûr. Il hoche doucement la tête avant de me prendre dans ses bras. Je caresse ses cheveux avant d'embrasser le haut de son crâne. - Je t'aime, mon fils. - Je t'aime aussi, papa.
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