Chapitre 1 : Genbu et Cho

2978 Words
(Avertissement : gore / violence / tentative de viol) (Quelque part, sur une île des Terres du Nord.) Odeur âcre de fumée et de corps calcinés. Bruits métalliques de lames venant s’écraser contre les chairs fragiles. Pleurs d’enfants terrorisés, arrachés des bras de leurs mères. Cris de désespoir. Tapis à l’abri, derrière les murailles de l’ancienne demeure d’un guerrier, un petit groupe d’hommes tente de survivre. « _ Depuis combien de temps l’oiseau messager a-t-il été envoyé ? Demanda une voix apeurée. _ Quelques heures… ils ne devraient plus tarder… répondit une autre. _ Vous pensez que l’oiseau a été tué ? Osa demander un homme à voix haute, où l’on pouvait entendre l’angoisse monter. _ Ferme-la ! Le Seigneur des Terres du Nord a fourni les meilleurs oiseaux ! Impossible qu’il crève ! Répondit un homme. _ Chut, fit simplement une voix. » Au dehors, un coup sonore vint percuter les portes derrières lesquelles, les hommes se tenaient. Ils avaient tenté de renforcer la structure en empilant tous les meubles qu’ils avaient pu trouver. Des cris d’enfants se firent entendre. « _ Il faut que je sorte ! Déclara, entre ses dents, la voix. _ m***e ! Tu restes ici, Cho ! Gronda une autre. _ Je ne vais pas rester le c*l posé par terre alors que je pourrais faire quelque chose pour les enfants, répondit Cho. Je vais passer par derrière… _ p****n mais tu vas te faire tuer ! _ Mieux vaut crever en ayant tenté quelque chose. » Habilement, Cho se faufila à l’arrière de la bâtisse, remerciant le ciel, d’être venue un nombre incalculable de fois jouer entre ces murs. Ses doigts passèrent sur les pierres froides, traçant un dessin de lianes et d’épines de rose qui y avaient été gravé par le passé. Chemin que ses pas avaient suivi tant de fois dans son enfance. Lorsque Cho sortit par le passage secret de la bâtisse, ses narines tremblèrent à l’odeur métallique du sang et des corps éviscérés. Quand son regard se posa sur les yeux vitreux des corps sans vie, Cho vomit. Les hauts le cœur venaient secouer son corps tandis que les larmes roulaient sur ses joues. Des bruits de pas s’approchèrent, sans doute alertés par le bruit de ses vomissements. Cho se cacha derrière des malles. Elles avaient été préparées la veille pour être expédiées à travers tout le Si Shou. Elles ne contenaient rien de plus que des filets de pêcheurs et quelques hameçons. Le bruit de pas se rapprocha encore. Ses poumons se remplirent d’air. Du dos de la main, Cho essuya ses larmes, puis, avec la paume, essuya le reste de bile nauséabonde qui perlait à ses lèvres. Son autre main glissa le long de sa taille et attrapa le long couteau qui était attaché à ses côtés. Soudain, une des malles fut brisée violemment par la lame d’un démon, révélant ainsi la présence de Cho aux yeux de l’ennemi. "_ Une femme ?", demanda la voix rauque du démon. Cho se mit automatiquement en position de défense. Un genou et une main au sol, prête à bondir à la moindre attaque. Elle ne ferait pas le poids. Elle était beaucoup plus petite, trop légère pour pouvoir se défendre. Il faudrait qu’elle soit capable d’agir rapidement et de lui assener un coup fatal si elle voulait pouvoir sauver les enfants. Devant elle, le démon se tenait menaçant. Il la dépassait de plus de deux têtes. "Les démons". On les appelait ainsi à cause de leurs yeux rouges et leur soif de sang permanente. Les peuples du Yaoguai étaient belliqueux. Des écailles de reptiles leur couvraient le corps, et, de longues et puissantes griffes brillaient, menaçantes au bout de leurs mains monstrueuses. « _ Un laquais, répondit moqueuse Cho. Tes maîtres savent-ils que tu es sorti de ton enclos ? » Ce n’était un secret pour personne, seuls les nobles du Yaoguai possédaient une apparence humaine et étaient capables de raison. Le démon qui se tenait devant elle, tenait plus du monstre assoiffé de sang et de meurtre. Piqué à vif, le monstre envoya sa lame de toutes ses forces en direction du corps de la jeune femme. Il avait décidé d’en finir rapidement. Cho ne réfléchit pas. Elle se jeta sur le côté, roulant dans la terre rouge souillée du sang de ses frères. Le coup du démon ne l’avait pas blessée, mais sa chemise de coton avait été déchirée, offrant sa poitrine bandée, à la vue du monstre. « _ J’aurai plaisir à bai.ser ton cadavre quand j’en aurai fini avec toi, chienne, déclara avec haine son adversaire. » Il leva à nouveau le bras et se jeta en avant. Aussi rapide et agile que son corps de femme lui permettait, Cho se lança, elle aussi, en avant. Profitant de la différence de taille entre eux, elle parvint à se placer rapidement sous son ennemi. Elle envoya un coup circulaire, son long couteau, sous la gorge dénudée de son adversaire, ne fonctionnant plus qu’à l’énergie du désespoir. L’horreur la prit tout à coup. Le démon avait bloqué sa lame entre ses dents acérées. Elle poussa un hurlement lorsque les griffes du monstre se posèrent sur son crâne et la soulevèrent de terre. « _ Que crois-tu faire avec ton cure-dents ? Le démon ricana, postillonnant sa salive nauséabonde à la figure de Cho. » En parlant, il avait libéré son couteau. Ne fonctionnant qu’à l’instinct, Cho envoya sa lame en direction des griffes qui la maintenaient prisonnière. Elle parvint à lui couper le poignet. Mais, dans son geste, elle avait aussi coupé une bonne partie de ses longs cheveux qu’elle avait l’habitude d’attacher en une tresse serrée. Le démon hurla. Il envoya aussi sec un coup, du pommeau de son épée dans le ventre de la jeune femme. « _ J’ai changé d’avis ! Tu vas me servir d’esclave et de pu.te quand je t’aurai ramené au Yaoguai ! » Cho eut le souffle coupé. Elle titubait, tentant de retrouver son équilibre et ses esprits. Le démon fit un garrot sur la manche de son bras à l'aide d'une b***e de tissus qu'il avait déchiré. Il riait sadiquement, envoyant des coups de pieds dans la figure de la jeune femme qui gisait maintenant, le visage ensanglanté, au sol. Lorsqu’il vit qu’elle ne bougeait plus, il commença à défaire son pantalon et descendit celui de cette g***e qui lui avait arraché un membre. Brutalement, il écarta ses jambes, faisant saigner ses cuisses sous la pression des griffes de sa seule et unique main. Ce fut tout ce don Cho eut besoin pour reprendre ses esprits. Elle prit entre ses doigts une poignée de terre et la lança à la figure du monstre. Le démon se mit à hurler. Il frottait ses yeux en profanant des insultes à son encontre. Cho roula sur le côté et remonta son pantalon, se traînant à la force des bras pour s’éloigner de la créature. Elle pouvait sentir l’odeur de la terre qui l’avait vu grandir. Incapable de voir à cause de la douleur. Elle songeait à mourir à cet instant. Mais lorsqu’elle ouvrit les yeux, son regard croisa celui des enfants, cachés derrière les fines planches de bois d’une cabane de pêcheur. Ils semblaient lui envoyer des encouragements muets. Rassemblant le peu d’énergie qui lui restait, elle se mit à quatre pattes et resserra son emprise sur le manche de son couteau. Elle se retourna et fit face au monstre qui continuait à hurler, aveuglé par le sable. Titubant, elle ouvrit d’un geste sec l’une des malles renversées. Elle en sortit hâtivement un des filets de pêche et le lança en direction de la créature. Lorsque le démon se rendit compte que ses mouvements étaient dorénavant restreints, il poussa un cri de rage, cherchant à rameuter ses frères d’armes. « _ CHIENNE ! JE VAIS TE TUER ! » hurla-t-il, montrant ses crocs pour l’effrayer. Cho avala sa salive. Effrayée par les cris de menace de son ennemi. Au moment où elle s’avançait pour lui porter le coup final, d’autres démons apparurent. Une seule phrase tournait en boucle dans sa tête « Protéger les enfants. » Elle attrapa un autre filet et attendit, le souffle court, que ses adversaires se rapprochent. Elle allait mourir. Elle le savait. Elle l’acceptait. Elle vit les démons se figer et regarder par derrière son épaule. Un bruit sinistre se fit entendre. Sur le côté, elle vit des lames tournoyer à côté de son visage en direction des démons. Le bruit suraigu qu’elles émettaient lui fit penser au chant du vent dans les roseaux. Le monde sembla se figer autour d’elle. Les têtes des démons furent arrachées de leurs corps, tranchées proprement par les dagues affûtées. Cho écarquilla les yeux lorsqu’elle vit les lames lancées revenir vers elle. Une forme noire sauta devant elle, faisant écran pour la protéger du danger imminent. Comme dotée d’une volonté propre, les lames semblèrent revenir d’elles-mêmes dans les mains de leur maître. L’homme se retourna, vêtu entièrement de noir, une longue queue de cheval haute se balayant au vent : « _ Belle journée, n’est-ce pas ? Demanda-t-il, souriant de toutes ses dents. » Cho s’évanouit. * * * « _ J’en ai marre, y a toute l’action sur les îles du Nord en ce moment et tu dois faire acte de présence à un mariage !? , déclara une voix. _ M’en parle pas ! J’en ai ras-le-bol ! Mes frères trouvent des femmes, se marient… et moi chui là, à vous supporter toute la journée ! » Cho revint lentement à elle, elle pouvait sentir sous elle les mouvements lents d’un bateau. Elle tendit l'oreille et reconnut le bruit des voiles se gonflant sous le vent. Elle était donc en mer ! Elle cligna des yeux, cherchant à comprendre où elle se trouvait exactement et à qui appartenait les voix. Elle vit le ciel bleu et au loin, la mer. Elle se trouvait donc sur le pont d’un bateau. On avait pansé ses blessures et on l’avait recouverte de la peau épaisse et chaude d’un animal. « _ Qui sait ? Tu trouveras p’t’être une femme aussi sur les Terres de l’Est, répondit en riant une autre voix. » Cho fixa son attention sur la silhouette qui se trouvait devant elle. Elle reconnut le dos de l’homme vêtu de noir qui lui avait sauvé la vie. « _ Trouver une femme sur les Terres de l’Est n’a franchement rien de difficile. J’ai juste à me pencher et à me servir dans le harem de mon sage grand frère ! Quand aurais-je enfin une femme à moi ?…, déclara-t-il, … Je ne demande rien de grandiose, je veux juste un port où laisser tremper mon navire tous les soirs ! » Il fit un mouvement de piston de ses hanches, provoquant au passage l’hilarité générale des hommes se trouvant sur le pont. Cho plissa le nez. Son sauveur était un porc. Un sauveur certes… mais un sauveur dégoûtant. Elle tenta de se redresser et ne put s’empêcher de pousser un râle de douleur. Son sauveur se retourna aussitôt. Elle écarquilla les yeux sous son apparence et surtout sous la beauté de ses yeux marron tâchés d’or. Il était grand, sans doute aussi grand que le démon qu’elle avait affronté sur son île. Elle pouvait deviner sa musculature puissante à la manière dont ses vêtements étaient tendus. Il portait une queue de cheval haute, et elle aurait rêvé, à cet instant, pouvoir passer ses doigts dans ses cheveux. Elle secoua la tête. Elle voulait se gifler. Pourquoi avait-elle pensé ça en voyant cet homme au comportement répugnant ?! « _ Tiens donc, notre princesse endormie s’est réveillée… dit-il en se rapprochant. Il s’accroupit pour se mettre à sa hauteur, posant ses avant-bras sur ses genoux. _ Chui pas une princesse, » dit-elle entre ses dents. Elle se mit à tousser, la gorge asséchée par l’air marin. Il fit signe à l’un des hommes. On lui apporta une gourde d’eau en peau de Yak qu’il lui tendit. Cho but avec avidité. Elle fit un geste de tête pour seul signe de reconnaissance. « _ Chui une pêcheuse… je fabrique des filets… » précisa-t-elle. Elle se sentit mal à l’aise lorsqu’elle se rendit compte que l’homme la fixait sans cligner des paupières. Un silence gênant passa. Un des hommes sur le pont se racla la gorge, cherchant à sortir son camarade de l’état de transe dans lequel il semblait avoir plongé. « _Et… NOTRE pêcheuse a-t-elle un nom ? Demanda-t-il, presque ronronnant, continuant à la fixer avec insistance. _ Cho, dit-elle simplement. Et tu es ? » Un des hommes s’avança, grondant : « _ Attention à comment tu t’adresses à lui, pêcheuse ! » Cho leur lança à tous des regards interrogateurs. Qu’avait-elle bien pu faire de mal ? L’homme continuait à la fixer du regard. Il leva une main en l’air pour obtenir le silence. « _ Ce n’est rien… voyons, elle ne peut pas savoir ou deviner, après tout je ne suis pas si célèbre que cela, » dit-il en riant. Cho regarda autour d’elle. Tous les hommes étaient vêtus de tenues noires. Certains portaient encore les armures de plaques en forme d’écailles de tortue. Des soldats, réalisa-t-elle subitement. Elle leva aussitôt la tête. Elle ne put s’empêcher de pousser un cri lorsque ses yeux se posèrent sur les grandes voiles du navire. Comme pour répondre à sa curiosité, un vent marin vint souffler dans les voiles, les tendant avec force pour y laisser apparaître le dessin. La carapace d'une tortue noire. Elle se jeta au sol, frappant son front contre le bois blanchit par le sel du pont du navire. « _ Seigneur ! Pardonnez-moi ! » supplia-t-elle. Il la saisit par les épaules pour qu’elle arrête. Un frisson les parcourut tous les deux au contact de leur peau. L’homme qui l’avait grondé plus tôt se pencha au-dessus d’elle. « _ Salue correctement, pêcheuse, » grogna-t-il. Cho fit oui de la tête rapidement, ébouriffant les mèches folles de ses cheveux aux longueurs inégales autour d’elle. Elle se jeta à nouveau face contre le sol, oubliant presque la douleur de son corps meurtri et dit : « _ Cho, salue le Seigneur des Terres du Nord, l’intrépide Tortue Noire, le prince Genbu ! » Genbu ne pouvait détacher son regard d’elle. Il ne savait pas encore pourquoi il avait tenu à ce qu’elle soit conduite sur son bateau. Sa voix semblait le bercer à chaque parole qu’elle prononçait. Il se rendit compte des regards interrogateurs de ses hommes. Il se racla la gorge pour parler, mais fut interrompu lorsque Cho s’adressa à son quartier-maître, Daichi : « _ Les enfants… les enfants vont bien ? Demanda-t-elle. _ Oui. Les survivants se sont occupés d’eux, répondit sobrement Daichi. » Cho se mit à pleurer entre ses mains. Les enfants avaient survécu. C’était tout ce qui comptait. Le quartier-maître, Daichi, sursauta lorsqu’il croisa le regard noir de la Tortue. Genbu ne comprenait pas non plus d’où lui venait cette colère. Comment son ami d’enfance avait-il osé faire pleurer cette pauvre et délicate jeune fille ? « _ Où m’emmenez-vous ? Demanda Cho entre deux sanglots. _ Sur les Terres du Nord, pour te soigner, répondit rapidement Genbu. Ensuite… Ensuite… » Il écarquilla les yeux, les mots ne voulaient pas quitter ses lèvres. « _ Ensuite, quand tu seras guérie, on te ramènera sur ton île, compléta Daichi. » Genbu sentit la rage lui monter à la gorge. Non. Il ne comptait pas la ramener sur son île. Mais pourquoi ? Ses pensées furent interrompues lorsque la voix de Cho demanda timidement. « _ Je… je n’ai plus rien à faire sur mon île. Ma famille a été tuée pendant l'attaque des démons… Je pourrais travailler sur un navire ou fabriquer des filets si c’est possible… _ Non, on a ce qu’il f… commença à répondre Daichi. _ ABSOLUMENT ! J’AI BESOIN DE FILETS ! » Hurla Genbu, coupant ainsi la parole de Daichi. Il se redressa brusquement et passa son bras autour des épaules de son quartier-maître, tournant le dos à Cho. « _ Daichi… bordel, à quoi tu joues ? Demanda-t-il entre ses dents. _ J’te retourne la question…, répondit-il, suffoquant à moitié sous la pression du bras de Genbu. _ Mon bateau, mes règles ! Si je dis que j’ai besoin de filets, c’est que j’en ai besoin ! _ Gen’… _ Huh ? _ Tu t’es encore cogné la tête quelque part, hein ? _ La ferme ! Tu ne le sais pas encore, mais NOUS avons besoin de Cho ! » Il relâcha la pression de son bras et poussa Daichi sur le côté, le faisant presque tomber par son geste. Il prit une profonde inspiration et s’accroupit à nouveau devant Cho, ne laissant que très peu d’espace entre leurs deux visages. « _ Cho, je suis invité sur les Terres de l’Est pour célébrer le mariage de mon frère… _ Le sage Dragon d’Azur… murmura avec admiration Cho. » Genbu plissa le nez et eut la mâchoire serrée, mécontent d’entendre le nom d’un autre, dans sa bouche. Pourquoi réagissait-il comme ça ?! « _ Oui, oui, le très sage et très vénéré Dragon d’Azur ! Ça te dit de venir avec moi ? _ Vous voulez offrir des filets de pêche à votre frère, demanda dubitative la jeune fille. » Les marins sur le pont ne purent s’empêcher de ricaner, mais cessèrent aussitôt lorsqu’ils croisèrent le regard noir de leur Seigneur. Genbu prit le visage de Cho entre ses mains, exerçant une légère pression pour lui donner une apparence ridicule : «_ Que tu es maligne Cho ! Bien sûr que c’est pour offrir des filets en cadeau de mariage à mon frère ! »
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