Chapitre 2 : Tenue d’équipage
2004 Words
« Mmmmmh, on va avoir un souci pour t’habiller, soupira Daichi, le quartier-maître, en tendant une pile de vêtements à Cho.
_ Pourquoi ? » Demanda-t-elle, trop heureuse d’avoir des vêtements propres pour se changer.
Elle attrapa les habits et plissa le nez en découvrant la tenue beaucoup trop grande pour elle.
Elle était désormais la seule femme membre de l’équipage du légendaire seigneur du Nord, Tortue Noire. Elle ne put retenir un sourire en dépliant le haut de kimono en coton noir, ainsi que le pantalon large qui lui montait jusqu’au-dessus du nombril.
Un homme s’approcha d’eux, le visage masqué, par le long turban de l’équipage du seigneur du Nord, enroulé autour de la tête. Il lui tendit un turban, similaire au sien et une ceinture qui l’aiderait à maintenir son pantalon sur les hanches.
« Merci, dit simplement Cho.
_ Ah ! Jun ! Je te présente Cho. Cho, lui, c'est Jun, dit Daichi en montrant l’homme du pouce. Vous devez avoir à peu près le même âge, donc je compte sur vous pour bien vous entendre. Et toi, Jun, soit gentil avec elle. »
Le quartier-maître se pencha en avant et regarda Cho de haut en bas : « Il est tout le temps de mauvaise humeur et il ne parle pas beaucoup, mais c’est quelqu’un sur qui on peut compter. »
Cho avala bruyamment sa salive en regardant Jun. Seuls ses yeux étaient visibles sous le turban, mais il paraissait avoir au moins dix ans de plus qu’elle.
Jun, mal à l’aise par les regards insistant qu’elle lui lançait, tourna sur les talons sans lui adresser une parole.
Cho serra les habits contre sa poitrine et poussa un soupir de soulagement. Elle regarda de gauche à droite, cherchant un lieu où elle pourrait se changer à l’abri des regards et eut un hoquet de surprise en voyant le seigneur du Nord lui faire un signe de la main pour qu’elle s’approche.
« Tu fous quoi,Cho ? Dit-il.
_ Je… cherche un endroit pour me changer, seigneur…
_ Appelle-moi Gen’.
_ Seigneur du Nord ?
_ Non sérieux ! Appelle-moi Gen’ ! Il n'y a personne sur ce bateau qui m’appelle comme ça ! Hey Daichi ! Ramène-toi par ici ! »
Le quartier-maître s’approcha rapidement et poussa un grognement lorsque Genbu passa un bras autour de son cou.
« Dis-lui.
_ Tu veux que je lui dise quoi ?
_ Personne m’appelle Seigneur du Nord. Sur le navire, c’est Gen’. »
Daichi regarda Cho, l’œil vide et répéta mot pour mot les paroles de Genbu.
« Mais… la hiérarchie… souffla Cho.
_ Si tu savais comme je m’en tamponne ! Déclara en riant joyeusement Genbu. »
Il fit théâtralement demi-tour et lui signala d'un geste de la main de le suive.
Elle s’arrêta un instant, stoppée par la paume que le quartier-maître avait posée sur son épaule.
« C’est Gen’ sur le bateau, par contre, on reprend les titres corrects sur terre. »expliqua-t-il rapidement.
Elle acquiesça lentement de la tête.
« … et juste que tu sois au courant… Gen’ est… particulier comme personne, poursuivit-il.
_ Oh ne t’inquiète pas, j’ai vu !
_ Non, non. Il est vraiment spécial, tu risques d’avoir bien des surprises avec lui. Mais dis-toi juste une seule chose : il ne pense jamais à mal. Gen’ se comporte comme un gosse, mais il est aussi capable de prendre des décisions extrêmement cruelles, mais justifiées. Et c’est surtout ça qui le rend particulièrement imprévisible. »
Cho hocha nerveusement la tête et reprit son chemin pour suivre le seigneur du Nord.
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« Très bien, tu peux te changer là ! » déclara le légendaire Tortue Noire en ouvrant la porte d’une cabine.
« Merci, Seigneur du… Gen’, se corrigea rapidement Cho en entendant son nouveau maître faire un bruit de la langue, pour signifier son mécontentement.
_ Je vois vraiment pas pourquoi tu as besoin d’une cabine pour te changer ! »déclara Genbu en refermant la porte derrière elle.
Cho cligna des yeux. Elle ne comprenait pas elle-même en quoi c’était choquant qu’elle se mette à l’abri des regards sur le navire pour passer sa nouvelle tenue. Elle se gratta la tête, ne sachant trop quoi penser des paroles du seigneur du Nord. Puis, elle fit demi-tour et ne put réprimer un soupir de déception. Elle venait de se rendre compte de l’état de ses cheveux lorsqu’elle avait croisé son reflet dans un grand miroir. Elle toucha quelques instants les mèches folles qui pendaient par endroit sur sa tête. Enfin, elle passa rapidement ses nouveaux habits et entoura le turban autour de sa tête.
Lorsqu’elle sortit, elle eut un sursaut en voyant le seigneur du Nord accroupit devant la porte, les avant-bras posés sur les genoux.
« Tout va bien ? Lui demanda-t-il en la regardant par en dessous.
_ Oui, merci de m’avoir autorisée à utiliser cette cabine, répondit-elle humblement.
_ Bof », fit-il en haussant les épaules.
Cho cligna un instant des paupières. « Bof » n’était pas la réponse à laquelle elle s’était attendue, mais n’en fit pas cas plus longtemps. Elle s’inclina devant lui pour le remercier encore et se dirigea vers Daichi pour lui demander comment elle pouvait aider sur le navire. Cependant, elle fut surprise de sentir la présence du seigneur du Nord dans son dos. Elle se tourna brusquement et poussa un petit cri lorsque son visage vint percuter le torse de son capitaine.
« m***e, dit-elle en se massant le nez. Vous foutez quoi derrière moi ? » Elle eut un léger mouvement de recul quand elle se rendit compte de la manière dont il la fixait sans cligner des yeux, un éclair doré avait semblé briller dans son regard.
« Cho ! Viens ici tout de suite ! » ordonna Daichi, de l’autre côté du navire.
« J’arrive ! » répondit-elle, gênée par l’absence de réponse du légendaire seigneur du Nord.
Elle courut presque pour rejoindre le quartier-maître, mais sentit une chair de poule monstrueuse sur sa peau en se rendant compte que son maître la suivait sur ses talons. Elle eut l’impression d’être une proie avec laquelle un prédateur était en train de jouer.
Daichi fronça les sourcils et plissa le nez.
« p****n Gen’, tu fous quoi là ? Dit-il à son meilleur ami, qui était aussi devenu son maître au fil des années.
_ Je fous quoi où ? Demanda, hébété, Genbu.
_ Là ! Ici ! Répondit Daichi en montrant l’endroit à deux mains là où son capitaine se trouvait.
_ Je suis simplement Cho, fit Gen’ en croisant les bras sur son torse, faisant ressortir, sans s’en rendre compte, les muscles saillants de son corps.
_ Je vois bien ça, mais tu n'as pas un gouvernail à tenir là tout de suite ? »
Genbu fit un -o- muet du bout des lèvres et lança un regard de chien battu à son quartier maître.
« Mais… c’est mon bateau… je voulais le montrer à Cho. Pourquoi c’est toujours toi qui fais faire la visite ? »commença-t-il en pleurnichant.
Daichi leva les yeux au ciel et haussa les épaules en regardant Cho.
La jeune femme était éberluée de voir ces deux hommes se comporter ainsi. Pire, de se rendre compte que le légendaire général Tortue Noire, Seigneur intrépide et sanguinaire du Nord, était à mille lieues des récits qui étaient faits de lui.
Le quartier-maître posa la paume des mains sur les genoux et prit une voix caressante.
« D’accord, Gen’. Moi, je suis un quartier-maître. Tu te rappelles, Gen’ ? C’est toi qui m’as donné ce poste.
_ Oui ? Répondit en hochant la tête Genbu.
_ Toi, tu es le capitaine de ce navire. Ton travail, c'est de te tenir derrière le gouvernail et t’assurer qu’on ne perde pas notre cap.
_ Oui…
_ Donc, quand on navigue, tu dois faire en sorte de rester derrière le gouvernail. Personne ne connaît mieux que toi les courants marins et les vents…
_ Ça, c'est bien vrai ! Dit en riant joyeusement Genbu en regardant de gauche à droite.
_ C’est ça, Gen’. Donc toi, tu vas aller derrière le gouvernail pendant que j’explique à Cho ce qu’elle va faire sur le navire.
_ Mais… Mais je peux aussi le faire. Ou bien, Cho pourrait rester à côté de moi pendant que je mène la barre ? » Demanda en boudant Gen’ à son quartier-maître.
Daichi plissa le nez pour deux raisons. La première et la plus évidente : Genbu lui faisait perdre son temps et le faisait clairement tourner en bourrique. La seconde : c’était extrêmement inhabituel qu’il demande à ce qu’une personne reste auprès de lui.
Depuis l’enfance, Genbu ne tolérait que peu de gens à ses côtés. Et surtout, il ne supportait pas d’avoir une femme près de lui, sauf pour obtenir ses faveurs sexuelles. Et de ce qu’il pouvait constater à cet instant, son meilleur ami ne cherchait que la compagnie de Cho. De façon ironique, Tortue Noire collectionnait les relations d’un soir, mais refusait catégoriquement la présence de femme dans son quotidien.
Cho leva une main vers le seigneur du Nord.
« Pardonnez-moi, Gen’…
_ Tu peux me tutoyer, Cho.
_ Pardonne-moi, Gen’, mais je n'ai aucune idée de comment manœuvrer un navire de cette taille.
_ Je pourrais t’apprendre.
_ Eh ? Non. Je serais plus efficace si Daichi me met aux réparations de filets et de voiles ou encore à la pêche pendant le trajet. Je peux aussi cuisiner pour l’équipage, répondit-elle sérieusement, soucieuse de se rendre utile pour son sauveur.
_ Pourquoi ?
_ Pourquoi, quoi ?
_ Pourquoi tu ne veux pas être avec moi ? »
Cho eut un sursaut et lança un regard circonspect à Daichi.
Le quartier maître leva les bras au ciel et poussa un juron.
La jeune femme se gratta l’arrière de la tête, mais Genbu lui attrapa le bras, provoquant des frissons sur leur peau à tous les deux, et l’entraîna vers le gouvernail.
Cho fit un mouvement sec pour se dégager, puis elle dut faire un pas en arrière lorsqu’elle vit le visage de son maître à quelques centimètres du sien.
« p****n, c’était quoi ça, Cho ?
_ Je vais aider aux réparations de filets, Gen’, fit-elle en croisant les bras sur sa poitrine pour l’empêcher de la prendre à nouveau.
_ Mais enfin… commença à protester le seigneur du Nord, cependant, il s’arrêta tout de suite lorsque Cho prit de l’air entre ses dents pour lui montrer son agacement.
_ Je vais aux filets, tu vas au gouvernail, lui répondit-elle en faisant un mouvement de tête vers les différents endroits où ils se rendraient chacun de leur côté.
_ Mais Cho…
_ Maintenant, Gen’. »
Le Seigneur du Nord eut une moue triste et lui fit un air de chien battu.
La jeune femme se contenta de reprendre de l’air entre les dents et de lui montrer du doigt le gouvernail.
Le seigneur du Nord tourna sur ses talons et se dirigea vers la barre en traînant les pieds.
« Alors ça ! Dit, agréablement surpris, Daichi à la jeune femme.
_ m***e, et c’est notre maître ?
_ Cho, par pitié, ne nous quitte jamais ! C’est bien la première fois que je le vois écouter sans causer de scène !
_ Mais il est toujours comme ça ?
_ Non. Je ne sais pas ce qu’il a. Tu lui as dit quelque chose de particulier tout à l’heure ?
_ Pas que je sache. Il s’est juste mis à me suivre comme ça.
_ En tout cas, bien joué pour être parvenu à le canaliser.
_ Bah, c’est comme ça que je faisais avec les enfants sur mon île », répondit-elle tout sourire.
Ils s’interrompirent tous les deux en entendant la voix de leur capitaine crier :
« Attention ! Tempête en approche ! »
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