Chapitre 3
Le cognac brûle agréablement dans ma gorge tandis que Matthieu et moi nous installons sur son canapé en cuir. Il a tamisé les lumières, allumé quelques bougies. L'ambiance est devenue dangereusement intime.
— Alors, commence-t-il en s'installant près de moi, pas trop près mais assez pour que je sente son parfum boisé. Qu'est-ce qui vous amène à Paris, Léa ?
— Un nouveau départ, je réponds vaguement.
— Fuite ou renaissance ?
Sa perspicacité me surprend. Je prends une nouvelle gorgée de cognac pour gagner du temps.
— Un peu des deux, j'admets finalement. Une rupture. Un besoin de changement.
— Il était stupide.
— Pardon ?
— Celui qui vous a laissée partir. Il était stupide.
La chaleur dans sa voix fait naître un frisson le long de ma colonne vertébrale.
— Vous ne me connaissez même pas.
— Je sais que vous êtes belle. Intelligente. Que vous avez un appétit pour la vie.
Il se penche légèrement vers moi, son regard intense fixé sur le mien.
— Je l'ai vu dans la façon dont vous avez savouré chaque bouchée ce soir. Les yeux fermés, ce petit sourire... C'était fascinant à regarder.
Mon cœur bat plus vite. L'air entre nous devient épais, chargé.
— Et Anaïs ? je demande, ma voix à peine un murmure.
Un muscle tressaille dans sa mâchoire.
— Anaïs est... compliquée. Nous avons eu une aventure il y a deux ans. Elle ne semble pas accepter que c'est terminé.
— Elle semblait plutôt possessive ce soir.
— Elle n'a aucun droit de l'être.
Il pose son verre sur la table basse et se tourne complètement vers moi, son genou effleurant le mien.
— Je suis célibataire, Léa. Très célibataire. Et très intéressé.
— Intéressé par quoi ?
La question sort plus provocante que je ne l'aurais voulu.
Son sourire s'élargit, carnassier.
— Par vous. Par cette rougeur qui monte sur vos joues chaque fois que je vous regarde. Par la façon dont votre respiration s'accélère quand je m'approche.
Il se penche encore, son visage à quelques centimètres du mien.
— Par le fait que vous êtes ici, à minuit passé, alors que vous savez exactement où ça va mener.
Mon souffle se bloque. Il a raison. Je sais. Et je suis restée quand même.
— Matthieu...
— Dites-moi d'arrêter.
Sa main remonte le long de mon bras nu, laissant une traînée de feu sur ma peau.
— Dites-moi de reculer, et je le ferai.
Mais je ne peux pas. Mon corps entier vibre de désir. Cela fait si longtemps que quelqu'un ne m'a pas regardée comme ça, comme si j'étais la chose la plus désirable au monde.
— Je... je ne peux pas.
— Ne pouvez pas quoi ? murmure-t-il contre mon oreille, son souffle chaud contre ma peau. Ne pouvez pas me demander d'arrêter ? Ou ne pouvez pas résister ?
— Les deux.
Le mot est à peine sorti que ses lèvres capturent les miennes.
Le b****r est tout sauf doux. C'est affamé, possessif, consumant. Sa main glisse dans mes cheveux, inclinant ma tête pour approfondir le b****r. Sa langue rencontre la mienne dans une danse sensuelle qui m'arrache un gémissement.
Je m'accroche à ses épaules, me pressant contre lui. Son corps est dur, musclé sous mes mains. Il grogne contre ma bouche, un son grave et primitif qui fait naître une chaleur liquide au creux de mon ventre.
Sa main descend le long de mon dos, s'arrêtant juste au-dessus de ma hanche, ses doigts traçant des cercles qui me rendent folle. Je cambrer instinctivement vers lui, cherchant plus de contact.
— Léa, halète-t-il contre mes lèvres. Tu me rends fou depuis que je t'ai vue hier.
Le tutoiement me fait quelque chose. Rend tout plus réel, plus intime.
— Toi aussi, j'avoue, mes mains glissant sous sa chemise pour sentir la chaleur de sa peau.
Il est parfait sous mes doigts. Des abdominaux sculptés, une peau douce tendue sur des muscles durs.
Il m'attire sur ses genoux d'un mouvement fluide, et soudain je suis à califourchon sur lui, sentant sa bite dur contre moi. Ses mains remontent le long de mes cuisses, sous ma robe, traçant des chemins de feu sur ma peau.
— Tu es tellement belle, murmure-t-il en parsemant des baisers le long de mon cou. Tellement parfaite.
Sa bouche trouve ce point sensible juste sous mon oreille, et je rejette la tête en arrière avec un gémissement. Ses mains continuent leur exploration, plus audacieuses maintenant, remontant jusqu'à...
"Sonnerie."
Nous nous figeons tous les deux. Son téléphone vibre sur la table basse.
— Ignore-le, gronde-t-il contre ma peau, ses lèvres continuant leur chemin le long de ma clavicule.
Mais la sonnerie s'arrête puis reprend immédiatement. Encore et encore.
— Merde, jure-t-il en attrapant le téléphone.
Son expression se durcit quand il voit l'écran.
— Je dois répondre. C'est le restaurant.
Il décroche, et je glisse de ses genoux, rajustant ma robe avec des mains tremblantes. Mon corps entier proteste contre cette interruption.
— Quoi ? aboie-t-il dans le téléphone. Maintenant ? Tu es sérieux ?
Il passe une main dans ses cheveux, visiblement frustré.
— D'accord. J'arrive. Vingt minutes.
Il raccroche et me regarde avec une expression qui mêle désir et frustration.
— Il y a un problème au restaurant. Mon sous-chef vient de se brûler grièvement, et c'est le chaos en cuisine. Je dois y aller.
— Bien sûr. Vas-y.
Je me lève, essayant d'ignorer la déception qui me submerge.
Il se lève aussi, me rejoignant en deux enjambées. Ses mains encadrent mon visage, me forçant à le regarder.
— Ce n'est pas fini, Léa. Loin de là.
Il m'embrasse, lentement cette fois, avec une promesse qui me fait trembler.
— Demain. Déjeune avec moi.
— Matthieu...
— S'il te plaît. Je veux te revoir. Correctement. Pas juste... ça.
Il gesticule entre nous, et je comprends ce qu'il veut dire. Pas juste du sexe. Quelque chose de plus.
— D'accord. Demain.
Son sourire pourrait illuminer tout Paris.
— Midi. Je passerai te chercher.
Il m'embrasse une dernière fois, rapidement mais intensément, avant d'attraper ses clés et de se précipiter vers la porte.
— Ferme derrière toi. Et Léa ?
Il se retourne, ses yeux sombres brûlant d'intensité.
— Rêve de moi.
Et il disparaît.
Je ne rentre pas chez moi tout de suite. Je reste là, dans son appartement, essayant de calmer mon cœur fou et mon corps en feu.
"Qu'est-ce que je viens de faire ?"
J'ai embrassé mon voisin. Mon voisin incroyablement sexy, chef étoilé, qui embrasse comme un dieu. Et j'ai failli... nous avons failli...
Mon téléphone vibre. Un message de Chloé.
"Tu vis toujours ? Raconte-moi ton nouvel appart !"
Je tape une réponse rapide, omettant soigneusement tout ce qui concerne Matthieu. Ce n'est pas le genre de chose qu'on explique par texto.
En sortant de son appartement, je remarque une enveloppe coincée sous ma porte. Je la ramasse, intriguée. Aucun nom dessus, juste une écriture élégante.
À l'intérieur, un simple mot :
"Attention à Matthieu Beaumont. Il collectionne les cœurs brisés comme d'autres les étoiles Michelin. Ne sois pas la prochaine. Une amie qui te veut du bien."
Mon sang se glace.
Je retourne l'enveloppe, cherchant un indice, mais il n'y en a aucun. L'écriture est soignée, féminine. Anaïs ? Probablement.
Je froisse le papier dans ma main. Des jeux stupides. Des jalousies de femme éconduite.
Mais en me glissant dans mon lit, seule, le corps encore vibrant du souvenir de ses mains sur moi, je ne peux m'empêcher de me demander s'il n'y a pas une part de vérité dans cet avertissement.
Un homme comme Matthieu Beaumont beau, talentueux, charismatique doit avoir une file de femmes à ses pieds. Qu'est-ce qui me rend spéciale ? Pourquoi moi ?
' Parce que tu es la nouvelle, la voix cynique dans ma tête murmure. La nouveauté. Le défi. '
Je chasse ces pensées et ferme les yeux, mais tout ce que je vois, c'est lui. Ses yeux sombres. Son sourire carnassier. La façon dont il m'a regardée comme s'il voulait me dévorer.
Mon téléphone vibre sur ma table de nuit. Un message d'un numéro inconnu.
"Je n'arrive pas à dormir. Je continue de sentir le goût de tes lèvres. À demain, ma belle. M."
Mon cœur fait un bond. J'hésite, mes doigts planant au-dessus du clavier. Puis je tape :
"Moi non plus. À demain."
Sa réponse arrive presque immédiatement.
"Porte quelque chose que je peux facilement retirer. On ne sait jamais. ;)"
Je rougis dans l'obscurité de ma chambre, mon corps s'embrasant à nouveau à la simple suggestion.
"On verra."
"J'aime les défis. Bonne nuit, Léa. Rêve de moi."
"Présomptueux."
"Réaliste. Tu penseras à moi. À mes mains sur toi. À ma bouche..."
"Matthieu !"
"Oui ? J'adore quand tu dis mon nom. J'ai hâte de te l'entendre gémir. Dors bien, chérie."
Je pose le téléphone, le visage en feu, le cœur battant. Cet homme va me rendre folle. Mais en m'enfonçant dans mes oreillers, un sourire aux lèvres, je réalise que je m'en fiche.
Pour la première fois depuis des mois, je me sens vivante. Désirée. Excitée par ce qui va suivre. Demain ne peut pas arriver assez vite.