Chapitre 9
Les jours suivants sont parfaits. Nous flottons sur un nuage, répétant nos "je t'aime" comme des mantras.
Mais le jeudi suivant, tout change.
Je suis au bureau quand mon téléphone sonne. Un numéro inconnu.
— Allô ?
— Léa Dubois ?
— Oui ?
— Ici Marie Lenoir, du magazine 'Paris Gastronomie'. J'aimerais vous poser quelques questions sur votre relation avec Matthieu Beaumont.
Mon sang se glace.
— Pardon ?
— Vous êtes bien la petite amie de Matthieu Beaumont, le chef du Clair de Lune ? Nous préparons un article sur lui et nous aimerions inclure un angle plus personnel.
— Je... comment avez-vous eu mon numéro ?
— Nous avons nos sources. Alors, pouvez-vous confirmer votre relation ?
— Je n'ai rien à dire. Au revoir.
Je raccroche, les mains tremblantes. Comment ? Comment des journalistes savent-ils pour nous ?
J'appelle immédiatement Matthieu.
— Une journaliste vient de m'appeler. Pour me poser des questions sur nous.
Silence au bout du fil.
— Matthieu ?
— Merde. Je suis désolé. J'aurais dû te prévenir. Avec ma... visibilité, les médias s'intéressent à ma vie privée. J'ai toujours été discret, mais quelqu'un a dû nous voir ensemble.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Ça veut dire que notre bulle parfaite vient d'éclater. Les paparazzis, les articles, les spéculations... Ça va devenir notre réalité.
Mon estomac se noue.
— Je ne sais pas si je suis prête pour ça.
— Je sais. Et je suis désolé. Mais Léa ?
— Oui ?
— Ça en vaut la peine. Nous en valons la peine. Quoi qu'il arrive.
Je veux le croire. Vraiment.
Mais quand je regarde par la fenêtre de mon bureau et que je vois un homme avec un appareil photo pointé dans ma direction, je ne peux m'empêcher de me demander dans quoi je me suis embarquée.
Le soir même, je trouve Matthieu dans son appartement, l'air sombre, son téléphone à la main.
— Regarde, dit-il en me montrant l'écran.
C'est un article en ligne. Avec une photo de nous, prise à notre insu. On s'embrasse devant son immeuble, perdus l'un dans l'autre.
Le titre : "Matthieu Beaumont, le chef le plus sexy de Paris, a trouvé l'amour !"
L'article spécule sur qui je suis, d'où je viens, comment nous nous sommes rencontrés. Il y a même une référence à Thomas, avec une photo de nous ensemble datant d'il y a un an.
"Matthieu Beaumont aurait-il volé Léa Dubois à son ancien compagnon ? Sources proches du couple..."
— C'est n'importe quoi, je souffle.
— Bienvenue dans ma vie, dit Matthieu amèrement. Les mensonges, les spéculations, l'invasion de la vie privée.
Il se tourne vers moi, et je vois la peur dans ses yeux.
— Si tu veux partir, je comprendrais. Je ne t'en voudrais pas. Cette vie, ce n'est pas pour tout le monde.
Je le regarde. Cet homme que j'aime. Cet homme qui me fait me sentir vivante pour la première fois.
— Est-ce que tu veux que je parte ?
— Non. Dieu, non. Mais je veux que tu sois heureuse. Et si cette attention te rend malheureuse...
Je m'avance vers lui, prenant son visage entre mes mains.
— Tu me rends heureuse. Pas les articles. Pas les photos. Toi. Tant que je t'ai, je peux gérer le reste.
— Tu es sûre ?
— Sûre. On affrontera ça ensemble. Comme tout le reste.
Il m'embrasse, et je sens son soulagement, sa gratitude.
— Ensemble, murmure-t-il. Toujours ensemble.
— Toujours.
Mais alors que nous nous enlacions, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil par la fenêtre.
Et de me demander combien d'objectifs sont pointés sur nous en ce moment même.
Combien de personnes observent notre histoire d'amour se dérouler.
Et si nous serons assez forts pour survivre à cette exposition.
Seul le temps le dira.
LE POINT DE VUE DE MATHIEU
Le service du midi bat son plein quand elle débarque. Je suis en pleine concentration, ajustant la présentation d'un plat quand Pierre, mon second, apparaît à mes côtés, l'air paniqué.
— Chef, on a un problème.
— Quel genre de problème ?
— Anaïs. Elle est dans la salle. Et elle n'a pas l'air contente.
Putain. Exactement ce dont j'ai besoin. Je retire mon tablier, essuyant mes mains sur un torchon.
— J'y vais. Continue le service.
En entrant dans la salle, je la repère immédiatement. Elle est au milieu du restaurant, un magazine à la main celui avec la photo de Léa et moi et elle crie.
— Trois semaines ! hurle-t-elle à l'attention de tous les clients médusés. Trois semaines et il parade déjà avec elle dans les magazines !
Les conversations s'arrêtent. Tous les regards se tournent vers elle. Vers moi. Merde. C'est exactement le genre de scandale que mon restaurant ne peut pas se permettre. Je m'avance vers elle, gardant mon expression neutre, professionnelle.
— Anaïs. Pas ici.
— Pas ici ? répète-t-elle avec un rire hystérique. Où alors, Matthieu ? Tu refuses de répondre à mes appels. Tu bloques mes messages. Qu'est-ce que j'étais censée faire ?
— Certainement pas ça.
J'attrape son bras fermement mais sans brutalité et la tire vers l'arrière du restaurant, vers mon bureau. Elle résiste, mais pas assez pour causer une scène encore plus grande.
Une fois dans mon bureau, je ferme la porte et me retourne vers elle.
— Tu as perdu la tête ? Tu réalises ce que tu viens de faire ?
— Ce que j'ai fait ? crie-t-elle en jetant le magazine sur mon bureau. C'est toi qui t'affiches avec cette... cette fille alors que nous...
— Il n'y a pas de "nous", Anaïs. Il n'y en a jamais eu. Pas vraiment.
— Comment peux-tu dire ça ? Après tout ce qu'on a partagé ?
— Ce qu'on a partagé, c'était de la complaisance. De la facilité. Mais jamais de l'amour. Pas de ma part en tout cas.
Je vois la douleur sur son visage, mais je ne peux plus me permettre d'être gentil. Elle doit comprendre. Une fois pour toutes.
— Tu dois arrêter, Anaïs. Ces appels incessants. Ces scènes. Ce mensonge sur la grossesse. Tout ça. C'est terminé.
— Terminé ? Tu couches avec moi il y a trois mois, et maintenant c'est terminé parce que tu as trouvé une nouvelle distraction ?
— Léa n'est pas une distraction. Je l'aime.
Les mots sortent avant que je puisse les retenir. C'est la première fois que je le dis à quelqu'un d'autre qu'à Léa elle-même. Anaïs recule comme si je l'avais giflée.
— Tu l'aimes ? Tu la connais depuis quoi, un mois ?
— Trois semaines. Et oui, je l'aime. Plus que j'ai jamais aimé personne.
Quelque chose se brise dans son regard. Elle s'avance vers moi, les poings serrés.
— Tu es un menteur ! Tu m'as dit que tu ne pouvais plus aimer. Que ta carrière était tout ce qui comptait !
— Je me trompais.