Janvier

491 Words
Janvier Paris, place Saint Sulpice, lundi 4 janvier 2010 Me voici de retour à Paris, hélas ! Le froid m’insupporte, bonnet, écharpe et gants, quel calvaire ! Le Café de Flore et Les deux magots ne me distraient plus. Même les murs de mon appartement, le chauffage que j’ai mis au maximum, ne me réchauffent pas. Les meubles semblent dissimuler les monstres qui hantent mes nuits. Jamais un rêve, un cauchemar plutôt, ne m’a autant assiégée. Toujours cette vision de crime. Pourquoi ce lion égorgé revient-il sans cesse dans mes rêves ? Hier soir, les buveurs de sang de lion étaient repartis lourdement armés et avec des sacs d’argent, de gros sacs d’argent. La cuisine n’est plus cet endroit où j’aime préparer le poulet basquaise ou la mouclade charentaise. De toute façon le réfrigérateur est vide : je n’ai pas la force d’aller faire des courses. Seule une quiche lorraine traîne dans le congélateur et je viens de la jeter à la poubelle. Son aspect ne m’a rien dit de bon. C’est décidé, je dois repartir. Absolument. Brazzaville, mon amour ! Oui, Brazzaville, je t’aime. Et dire que je ne t’ai rendu visite que deux semaines dans toute ma vie. Aux côtés de ma mère et de certains de ses amis, qui plus est… Et quels amis ! Mais cela ne signifie pas que je connais davantage ma mère, non. Quatorze jours, c’est peu pour appréhender ou pénétrer une forêt si dense et si mystérieuse. Durant mon séjour, je n’ai rien vu d’elle, sauf quelques arbres qui peuplent sa vie. Pour dire vrai, je ne côtoie ma mère que depuis janvier 2005. Avant, ce n’était pas possible. J’ignorais son visage. Sa taille et son odeur. Désormais, je m’attèle à une lourde tâche : me l’approprier. D’autant que c’est elle-même qui a fait le premier pas ; c’est elle qui est venue vers moi. J’aurais pu décliner son offre, lui rappeler qu’elle m’a évitée pendant vingt-huit ans. Mais l’âge avançant, j’ai pensé qu’après tout, elle était ma génitrice. Et que sans elle, je ne serais pas sur cette terre. Rien que de ça, ne devais-je pas lui être reconnaissante et le lui témoigner ? Alors, j’ai répondu à son appel. Favorablement, agréablement, fougueusement. Mais quel difficile exercice ! Elle vient souvent à Paris… Mais nous nous voyons seulement dans des endroits publics, restaurants étoilés, cinémas, musées… Et nos retrouvailles n’excèdent jamais trois heures. Quand j’essaie de la retenir, elle entonne toujours la même chanson : « Je suis de passage, je suis attendue, on s’appelle ce soir, ma puce ». Je me dis qu’elle me fuit. Le sentiment qu’elle me cache des choses… Sinon, elle resterait davantage avec moi. Son attitude en tout cas me tourmente – comme ce rêve de lion égorgé… Toutefois, je la remercie de m’avoir invitée à passer les fêtes de fin d’année à ses côtés. Dans les jours à venir, je me consacrerai à mon retour au pays de ma mère. D’ores et déjà, j’ai renouvelé ma demande à mon patron pour un poste de correspondante en Afrique centrale. Oui, j’aimerais couvrir l’actualité de cette partie du monde en étant basée à Brazzaville, chez ma mère. Ma hiérarchie n’y voit aucun inconvénient mais la note n’est pas encore signée. Elle tarde à venir et déjà ça m’agace. Je veux que les choses aillent vite.
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