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La Dernière Marquise

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Extrait : "Lorsqu'on étudie l'époque présente, époque de somnolence intellectuelle et d'égoïsme sans vergogne, il est bien difficile de ne pas jeter derrière soi un coup d'oeil de regret. Soixante ans ont suffi pour faire d'un peuple vif, aimable, enthousiaste, un peuple triste, sans ressort, lourd comme un sac d'écus devant lequel il se prosterne."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Chapter 1
Quelques lignes d’avant-propos Je la vois encore couchée plutôt qu’assise Lorsqu’on étudie l’époque présente, époque de somnolence intellectuelle et d’égoïsme sans vergogne, il est bien difficile de ne pas jeter derrière soi un coup d’œil de regret. Soixante ans ont suffi pour faire d’un peuple vif, aimable, enthousiaste, un peuple triste, sans ressort, lourd comme le sac d’écus devant lequel il se prosterne. Où est notre belle société française ? où sont les mœurs délicates, les entretiens pailletés, la fine galanterie ? Qu’avons-nous fait de l’esprit de nos pères ? Hélas ! tout cela se meurt, tout cela n’est plus ; ou, s’il reste encore, çà et là, quelques traditions vivantes du dernier siècle, le temps les emporte chaque jour. Dans le nombre de mes lecteurs, il s’en trouve peut-être qui ont été reçus jadis, rue de Varennes, à l’hôtel de Rocheboise : alors ils ne doivent pas avoir perdu le souvenir de cette femme délicieuse qui rassemblait autour d’elle, à quatre-vingts ans, tout ce que la société parisienne avait de plus illustre. D’un bout à l’autre du faubourg Saint-Germain on appelait madame de Rocheboise la Dernière Marquise. Son œil, d’où jaillissaient encore de vives étincelles, son esprit caustique et son fin sourire, offraient un attrait indicible, un parfum de dix-huitième siècle contre lesquels on se trouvait sans défense. La marquise avait vu l’ancienne cour dans toute sa splendeur ; les hurlements de l’orgie révolutionnaire avaient épouvanté son oreille ; puis elle avait regardé passer l’Empire avec sa gloire, la Restauration avec ses faiblesses. Tour à tour les mêmes hommes s’étaient montrés à elle sous mille faces diverses, tantôt vertueux et tantôt corrompus, tantôt fidèles et tantôt parjures. À force d’avoir fréquenté les coulisses du grand théâtre social, elle avait fini par en démarquer tous les acteurs ; elle les accablait de sarcasmes et les faisait rougir sous leur fard. C’était un Juvénal en falbalas et en robe de soie. Souvent, en ma qualité d’homme de lettres, je glanais dans ses récits bon nombre d’anecdotes et de petits scandales, que je m’étudiais à reproduire, en leur conservant, autant que possible. Je charme exquis qu’elle mettait à les raconter. Ce manège lui plut. Elle aimait à lire ses histoires dans les feuilles périodiques, et bientôt elle m’avertit que, les jours où elle n’irait pas dans le monde je trouverais régulièrement chez elle un fauteuil au coin de l’être et une tasse de thé. Madame de Rocheboise avait des aperçus tellement heureux, elle portait sur les hommes et sur les choses des jugements si vrais, si profonds, que je ne me lassais jamais de l’entendre. Comme je l’ai dit tout à l’heure, elle avait assisté à toutes nos crises politiques. Elle raisonnait sans préjugés et sans colère, maniant le sarcasme avec sang-froid et frappant toujours juste. Je la vois encore, couchée plutôt qu’assise, dans son vaste fauteuil, les deux pieds sur les chenets et les mains croisées à la hauteur du genou. Près d’elle, un charmant griffon s’étendait, les pattes en avant, sur le tapis moelleux et tournait vers sa maîtresse une tête intelligente. Ce qui m’étonnait le plus chez madame de Rocheboise, c’étaient son caractère toujours égal et sa gaieté sans mélange. – En vérité, lui dis-je un soir, je suis convaincu, madame, que vous n’avez jamais connu la tristesse. Votre longue carrière ne vous offre, je le gage, aucun souvenir pénible. Si on interrogeait scrupuleusement votre généalogie, peut-être trouverait-on que vous descendez de Démocrite en ligne directe : comme ce philosophe de joyeuse mémoire, vous avez constamment le sourire sur les lèvres. – Fort bien, c’est une épigramme ! répondit-elle en me donnant sur les doigts un petit coup de son éventail. Vous trouvez que je m’écarte beaucoup trop de la gravité que me prescrit mon âge ? Rassurez-vous, monsieur, je vais devenir sérieuse. – Gardez-vous-en bien ! m’écriai-je. – Pourtant, dit-elle, il faut que je m’y résigne, si je veux tenir la promesse que je vous ai faite, de vous raconter mon histoire. En dépit des inductions que vous tirez de mon humeur actuelle, j’ai laissé derrière moi, dans le passé, bien des malheurs et bien des larmes. – Vous me surprenez étrangement, lui dis-je, et j’aurais cru que les Parques ne vous avaient filé que des jours d’or et de soie. – Sachez, mon jeune ami, reprit-elle, qu’un ciel pur et resplendissant vers le soir ne prouve en aucune sorte que le matin n’ait pas été troublé par les orages. La vie peut être sombre à son aurore et radieuse à son couchant. Si vous me demandez pourquoi le souvenir de mes anciennes infortunes ne m’attriste pas aujourd’hui, je vous répondrai que toute espèce de chagrin s’efface, ici-bas, aux premiers rayons du bonheur. – Vous avez raison, madame, et dans cette facilité de l’oubli nous devons admirer l’un des principaux bienfaits de la Providence. – Après tout, poursuivit la marquise, au moment même où je souffrais le plus, j’avais toujours présente à l’esprit une pensée qui me sauvait du désespoir. Je n’ai rien fait, me disais-je, pour m’attirer les maux que j’endure, et la justice divine m’accordera le juste dédommagement de mes peines. Au sein des flots soulevés par la tempête, le marin voit son frêle navire prêt à descendre au fond de l’abîme ; mais tout à coup la main du Seigneur calme la vague menaçante, fait taire les vents et pousse le navire au port. La marquise, à ces mots, prit la théière de vermeil, remplit ma tasse et la sienne, et s’enfonça de nouveau dans son fauteuil. Je devinai qu’elle allait commencer son histoire, et je prêtai d’autant plus avidement l’oreille à son récit, que j’avais d’avance permission d’en faire un livre. C’était une bonne fortune pour moi : je désire que chacun de mes lecteurs puisse en dire autant à la fin de cet ouvrage.

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