Chapter 3

2007 Words
Naaaaaaaaaaaaaaaaaaan. Du tout. – A quelle heure je dois être à la maison ? – Le dîner est prévu pour dix-neuf heures. – Et vous ne m’accompagnez pas je présume ? Je pense que mon visage reflète mon agacement teinté de perplexité. – Je suis votre employée, pas votre femme. Je fais ce dont vous avez besoin mais je n’ai rien à faire chez vos parents. – Vous êtes agaçante lorsque vous avez raison. Un sourire m’échappe. – Seulement lorsque j’ai raison ? Marmonnant quelque chose que je ne comprends pas, il reporte son attention sur le ciel alors je remets mes lunettes, décidée à retourner à mon abruti de rapport. Quelques minutes avant l’atterrissage, l’hôtesse nous demande de nous attacher alors que le pilote annonce qu’il va amorcer la descente et qu’au sol le ciel est dégagé et qu’il fait une température extérieure de vingt degrés. Sachant qu’il est quinze heures, heure locale, et qu’on est un quinze mai, ce n’est pas mal. Ça me va ! Remarque, je n’ai pas grand-chose à en dire… même s’il pleut, je n’y peux pas grand-chose. Ha bah voilà que je me descends toute seule… vite que je retrouve des gens normaux que mon humour poignant glace d’autres que moi. Je suis vraiment tarée. – Votre voiture vous attend sur le tarmac, lui dis-je en rangeant mes affaires. Sam vous conduira chez vous où vous trouverez votre smoking pour ce soir, déjà prêt. Il y a également le cadeau que vous offrez à vos parents pour leur anniversaire de mariage. Jonathan fronce les sourcils. – Ce soir ? – Oui. Madame Thompson ne voulait pas que leurs trente-cinq ans de mariage se fassent au restaurant alors elle a simplement fait appel à un traiteur… la soirée se passe chez vos parents. Je sais que Beresford ne s’étonne même pas que je sache tant de choses... Il y est maintenant habitué et je pense que cela l’arrange même un peu (beaucoup). Je connais d’ailleurs sa famille comme je connais la mienne. – Tom sera là ? – Monsieur Walker et son épouse devraient être présents avec leur fille. Tom, l’associé de Jonathan, marié depuis plus de cinq années, cofondateur de BTW Corp vit loin de sa famille puisqu’il vient du Texas mais il n’a jamais réellement été proche d’eux… wouha ! Je m’impressionne ! Où j’ai appris cela ? Bah, sans doute des confidences quand j’étais sous l’emprise de l’alcool. Puis la famille de Jonathan se retrouve être, avec le temps, celle de son meilleur ami et de sa femme Veronica puis maintenant également de leur fille Héloïse. Je suis une véritable encyclopédie de cette entreprise de toute façon ! Non mais sérieusement, la vie de Jonathan Beresford et compagnie est on ne peut plus divertissante. Je dois bien avouer qu’ils sont distrayants au possible. Ils sont mon soap-opéra personnifié et réel. L’avion termine doucement sa descente. Pour continuer le tableau, Esther et Cooper Thompson ne sont pas les parents biologiques de Jonathan mais sa tante et son oncle. Mais ces gens sont admirables, je les aime beaucoup… tout comme monsieur Beresford, je n’en doute pas. Suite à une tragique histoire, ses parents naturels sont décédés dans un accident de voiture alors qu’il n’avait que cinq ans… une histoire que j’ai mis longtemps à découvrir, plus de deux ans ! En réalité, je pense que Jonathan lui-même n’en connaît guère tous les détails et c’est sans doute mieux ainsi… dans une situation analogue, je préfèrerais ne rien savoir. Ne dit-on pas que l’ignorant vit heureux ? Sa tante, la sœur cadette de la mère de Jonathan Beresford, l’a recueilli puis adopté officiellement l’année suivante avec son époux. Jonathan leur en est reconnaissant pour tout ce qu’ils avaient fait pour lui… je le sais car ils sont sans doute les seules personnes à qui il ne fait jamais faux-bond. Il est toujours en retard, décale parfois, mais il est toujours présent pour ses parents adoptifs. – Ha bah tout de même, renifle-t-il lorsque l’avion termine enfin son atterrissage, ce n’est pas trop tôt. Il ne me voit pas lever les yeux au ciel avant de le suivre à l’extérieur de l’avion. Il met ses lunettes de soleil et s’étire alors que Sam, le chauffeur, l’attend en bas des marches. – Mon bon Sam, comment vas-tu ? Le gigantesque et costaud chauffeur au sourire angélique et à la peau noire comme la braise sourit à son patron pour le saluer. J’adore cet homme, il me fait toujours rire avec sa bonne humeur perpétuelle. – Je vais parfaitement monsieur, et j’espère que vous avez fait bon voyage. – Adams m’a cassé les pieds comme d’habitude mais que veux-tu mon ami, il s’agit d’une femme, on ne peut pas trop lui en demander… Les deux hommes rient et moi je soupire, blasée. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ?! Pendant que les bagages de Beresford sont chargés dans sa voiture – une BMW série 6 noire métallisée, utilisée pour le confort et la discrétion du patron (sinon il conduit lui-même une de ses voitures de collection ou il sort carrément une de ses trois limousines – si si, il en a trois… non mais c’est un homme, je ne dois pas pouvoir comprendre), je me rapproche finalement de mon patron, il faut bien que je fasse mon travail après tout : – Demain matin, il y a la réunion avec le conseil d’administration à neuf heures et il faut que vous soyez présent. Il faudrait même que vous veniez au bureau vers huit heures si possible car… Jonathan se fige et se retourne, manquant de peu de me heurter parce que je le suis de près, puis il pose son index sur ma bouche pour me faire taire. Je déteste quand il fait ça ! Mais ça marche, je me suis figée et je me tais. Son doigt me semble brûlant contre mes lèvres mais j’ai la sensation de frémir à son contact, ce qui m’agace prodigieusement. Je n’aime pas sentir mon corps me trahir par la présence d’un homme, quel qu’il soit. J’ai l’impression d’être… inférieure. Et cet homme, ho mon Dieu ! Je le déteste. Lui et tout ce qu’il représente mais… … mais c’est un Dieu parmi les mortels. Rien que pour son intellect, je me damnerais ! – Adams, m’observe-t-il par-dessus ses lunettes Ray Ban à quelques centimètres de mon visage, vous savez parfaitement que je ne serai pas à l’heure demain, surtout avec un repas chez mes parents. Je vais boire, me coller une magnifique gueule de bois puis je vais arriver au mieux vers onze heures ce qui fera hurler tout le monde… mais tout le monde m’attendra parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Alors allez vous occuper de vos affaires, envoyez-vous en l’air et foutez-moi la paix. Sur ce, bonne fin de journée mademoiselle Adams. Me délaissant, il retourne à sa voiture et s’en va pour de bon, sans un regard. Je reste quelques secondes seule, un sourcil haussé de perplexité, et ne réagis que lorsque mon téléphone sonne. – Oui Pamela ? je réponds en décrochant. Pamela Rodes. La deuxième secrétaire de monsieur Beresford. Sa seule secrétaire en réalité puisque je fais tout sauf un travail d’assistante. – Emma, dis-moi que vous arrivez bientôt ! Le ton affolé de la subalterne ne m’affecte pas le moins du monde. Je m’y suis accoutumée depuis plus d’un an qu’elle est à son poste. La pauvre Pamela n’est guère très intelligente de toute façon… mais elle a le mérite de faire tout ce qu’on lui demande et avec une certaine efficacité… ce qui est bien mieux que la plupart des gens. Après tout, elle fait ce qu’on attend d’elle sans rechigner et avec application, il n’y a rien de plus à espérer. Par ailleurs, elle a un avantage considérable aux yeux du patron qui la trouve très à son goût et la b***e littéralement et régulièrement dans son bureau sans discrétion aucune. De toutes les façons, Beresford n’est jamais discret. Pour quoi que ce soit. Je crois qu’il s’en fout. – Qu’est-ce qu’il se passe encore Pamela ? A défaut, la seconde secrétaire de Beresford est devenue mon amie. Certes pas la meilleure mais je passe d’agréables soirées en sa compagnie. Des lendemains moins bien néanmoins lorsque je dois dé-saouler. – Les avocats sont sur les dents, ils me harcèlent depuis hier pour le contrat avec le Brésil. – Quel contrat avec le Brésil ? – Pour jumeler l’entreprise à celle de monsieur Sehclir. – Ha oui… Eh bien réponds-leur que ça n’est pas le moment, que monsieur Beresford n’est pas libre pour l’instant et que monsieur Walker non plus… et puis d’ailleurs, pourquoi ils s’excitent maintenant ? Toujours sur le tarmac, un agent vient gentiment me signifier qu’il est temps que je quitte l’aéroport. Récupérant mes affaires je souris à l’employé de la compagnie aérienne alors que j’ai juste envie de lui envoyer mon portable dans la tronche puis je reprends ma conversation téléphonique tout en me dirigeant vers la sortie. – Tu sais quoi, laisse tomber, j’arrive… je prends un taxi et je suis là dans une heure. J’accélère le pas et mes talons martèlent le sol en cadence. Ma journée est loin d’être terminée. Vendredi 18 mai, au milieu de la nuitMon portable sonne… JE DETESTE qu’on me réveille au milieu de la nuit. Je n’ouvre même pas les yeux, ça n’en vaut pas la peine. Je décroche. – Quoi ? – Hé bien Adams, de bonne humeur à ce que je vois. Je soupire, mon patron… qui d’autre serait assez fou pour me réveiller au milieu de la nuit aussi ? – J’ai le droit d’être chiante à cette heure indécente, je m’entends répondre. Oui, il ne faut vraiment pas me réveiller. Je déteste le réveil. J’aaaaaaaaime le sommeil et mon lit. De toute façon, il est possessif… m’en tape, je l’aime aussi… est-ce qu’on peut épouser son lit ? – Mmh, sans doute… – Vous voulez quoi ? Que je puisse dormir. – Héloïse est à l’hôpital. D’accord, je suis parfaitement réveillée. – QUOI ? je hurle. – J’ai pensé que ça vous intéresserait. – Où êtes-vous ? – Encore chez moi, je vais à l’hôpital. – Je vous y rejoins. – Je n’en doute pas. – Ho et monsieur ? – Oui ? – Merci. – Je vous en prie. Maintenant magnez-vous. Héloïse, cette petite princesse de quatre ans ! Non ! Mais que s’est-il passé ? Je crois que je ne me suis jamais préparée aussi vite de ma vie. Jean, tee-shirt… rien de la parfaite secrétaire. Mais je n’ai pas le temps-là ! Mais au moment de sortir de la chambre, je regarde mon lit et je soupire. Je ne peux pas me permettre de me présenter comme ça. Cela changerait complètement la vision que mon patron a de moi et je ne peux pas me le permettre. Alors je pousse un juron complètement vulgaire et totalement inutile mais qui fait du bien et je reviens sur mes pas pour passer un tailleur. Je m’agace moi-même dans mon obsession de perfection. Je conduis rapidement dans les rues de Los Angeles… la petite a dû être emmenée au Memorial, c’est là qu’il y a les meilleurs médecins. Mais j’appelle tout de même mon patron pour avoir confirmation. Il confirme. Ouf ! Qu’a la petite ? Pourquoi l’avoir transportée à l’hôpital à quatre heures du matin ? Je vois régulièrement Héloïse, je suis même allée la chercher à l’école à plusieurs reprises. La première fois, Tom Walker – son père – avait été très embêté de me demander ce service mais il avait plus confiance en moi qu’en sa secrétaire pour une mission de ce genre. Cela n’entre normalement pas dans mes attributions mais en même temps… qu’est-ce qui l’est ? Bref, j’avais été touchée par son désarroi et sa confiance et je ne le regrette pas. Tom et Veronica ont une enfant adorable. Je connais d’ailleurs bien l’épouse de Tom. Cette femme est… folle. Mais ô combien distrayante ! Néanmoins, elle doit être hyperactive parce qu’elle sautille tout le temps et passe son temps à bouger. Mais sa bonne humeur est contagieuse. J’adore ce petit bout de femme. Elle passe régulièrement au bureau saluer son mari puis Beresford qu’elle considère un peu comme son frère. C’est amusant de voir les réactions de mon patron d’ailleurs. Il ne refuse jamais longtemps quoi que ce soit à ce petit bout de femme. Veronica est une fée au rire de clochette. La pauvre doit être dans tous ses états. Si son amour pour son mari est inconditionnel – je les ai jalousés bien comme il faut au début – je sais qu’ils aiment plus leur fille que n’importe quoi d’autre. Ils vont avoir besoin de soutien même si leur fille n’a qu’un rhume. J’appelle alors la seule personne qui peut m’aider, qui peut les aider. Oui, à cet instant, en plus au milieu de la nuit, je n’en mène pas large et toute ironie m’a désertée. Je ne plaisante plus du tout quand ceux que j’aime vont mal. Une tonalité, puis deux. Elle ne me répond pas. Je réitère mon appel. Qu’elle prend après deux sonneries. – Emma, je l’entends, j’espère que tu as une bonne excuse pour me réveiller au milieu de ma garde alors que… – Jenny, la petite Héloïse, tu t’en souviens ? Elle est à l’hôpital. – Ici ? s’étonne-t-elle, réveillée. Je la sens se lever. – Oui. Monsieur Beresford m’a appelée. – m***e alors, je vais voir ça tout de suite. Mais tu sais s’ils ne m’ont pas réveillée c’est que… commence-t-elle pour me rassurer. J’entends alors de l’autre côté du téléphone une porte s’ouvrir et une voix d’homme s’adresser à ma meilleure amie. Je sens que mon cœur va éclater. – Quoi ? Quoi ? Je n’ai pas entendu ce qu’il a dit !
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