Ce qui m’étonnait le plus chez Jérôme, c’était sa furieuse activité, ce continuel besoin de mouvement qui agitait son corps maigre, d’ailleurs coupé de prostrations animales, que l’on était impuissant à secouer. En dépit de ce que j’appelais sa « sauvagerie », Carvès étudiait plus que les enfants de notre âge, et mon père avait prédit à la mère Carvès — une femme du Lot, sèche et dure comme son garçon — un brillant avenir pour Jérôme. A dire la vérité, mon camarade me dominait au point de faire passer sa volonté en moi, sans paraître se soucier le moins du monde de m’imposer ses décisions. Il me semblait parfois que Carvès, ébouriffé et noiraud, était l’incarnation d’un démon qui se substituait à mon véritable personnage, d’un naturel doux et plutôt indolent, et pouvait lui faire accomplir

