Chapitre 3

1228 Words
CHAPITRE 3 DEUX JOURS S’ÉTAIENT DÉJÀ ÉCOULÉS et Léo ne trouvait pas de solution pour réunir la somme exigée par le Patron… Attaquer un fourgon de transport de fonds nécessitait une organisation complexe. Et les billets étaient souvent marqués ou piégés. Cambrioler de petits commerces ou des particuliers réclamait de multiples opérations, toutes aussi risquées les unes que les autres. De plus, il devait semer la police, qui le surveillait toujours. Cela ne posait pas trop de difficulté : il pouvait sortir de son immeuble de l’autre côté, dans la rue de la Plaine. Et le Monoprix voisin disposait également de deux accès dont l’un sur le boulevard de Charonne. Mais le seul fait d’esquiver quotidiennement leur filature pouvait leur indiquer qu’il préparait quelque chose. Il lui fallait donc se laisser suivre assez souvent au cours de déplacements anodins, pour endormir leur méfiance. Léo commençait à se dire qu’il n’arriverait même pas à réaliser la première partie du plan tordu qu’on lui imposait. Ah, si seulement José avait été là pour l’aider ! C’est en pensant à José qu’il entrevit une solution. Un soir qu’ils partaient en tournée des bars, José avait dit en plaisantant : « Faut que j’passe à ma banque retirer d’la fraîche ! » Il avait demandé à Léo de l’attendre sur le trottoir d’en face, puis était entré en catimini dans la courette du petit pavillon miteux qu’il occupait à Pantin. Il en était ressorti quelques minutes plus tard, la poche déformée par une liasse de billets. Léo se rappelait très bien qu’il ne l’avait pas entendu entrer dans la maison et s’était fait la réflexion : Il doit planquer son magot quelque part dans sa cour, comme Gary Oldman dans « Romeo is bleeding » (dès qu’il avait un moment, Léo regardait des films policiers et des films de gangsters…). La compagne de José n’était sans doute pas au courant de leurs activités. Qui sait ? Il gardait peut-être un gros paquet d’argent. Un jour, il avait avoué à son partenaire qu’il voulait quitter le pays avec sa dulcinée, dès qu’il aurait mis assez d’argent de côté. Léo résolut d’explorer cette piste le soir même. La rue où habitait feu José était déserte. Léo se sentait un peu coupable d’essayer de s’approprier un butin qui aurait dû revenir à la famille de son ami, mais c’était pour lui une question de vie ou de mort. Il enfila des gants, escalada en silence le mur et atterrit souplement dans la courette. Le petit pavillon était plongé dans l’obscurité. À deux heures du matin, la fille devait dormir. Était-elle au courant de la mort de José ? Elle l’imaginait peut-être dans une de ses innombrables et mystérieuses missions ? Léo chassa de son esprit ces pensées inopportunes. Pas question de se laisser distraire. La cour mesurait à peine dix mètres carrés. Quelques dalles, envahies par les mauvaises herbes, menaient à la maison. Léo remarqua l’appentis dans un coin et se dit que la cache devait se trouver là. Il ouvrit avec précaution la porte vermoulue, priant pour qu’elle ne grince pas trop. Mais il déchanta rapidement : la remise ne contenait que deux fauteuils pliants et quelques accessoires de jardin. Pas de placard, pas de boîte à outils, pas de trou creusé dans le sol. Par acquit de conscience, il examina les dalles, mais il savait qu’il ne trouverait rien. La cachette n’aurait pas été assez sûre. Léo céda au découragement. L’argent avait sans doute été découvert. Il se trouvait ramené au point de départ, sans solution à l’horizon. C’est en revenant vers le portillon qu’il buta sur une plaque en fonte, à moitié dissimulée par le lierre qui courait le long du mur. Il s’agissait sûrement du compteur d’eau enterré ! Le Mexicain souleva la lourde plaque sans faire de bruit et alluma sa lampe de poche en la masquant d’une main afin d’en dissimuler le faisceau. Il aperçut au fond le tuyau d’alimentation et le compteur. Rien d’autre, à part le lierre qui tapissait une des parois de la cavité, et des araignées grouillant au milieu de billes de polystyrène. Le lierre… Pris d’une intuition, Léo passa sa main le long des feuilles et sentit un creux à mi-hauteur. Bingo ! Un trou avait été creusé dans la paroi et dissimulé par les feuilles. Surmontant sa répugnance, il mit les pieds dans les billes de polystyrène, essayant de ne pas penser aux araignées, et enfonça sa main dans la cavité. Ses doigts heurtèrent bientôt une housse en plastique. Il alluma brièvement sa lampe, entrouvrit la fermeture éclair. La housse était remplie de liasses de billets ! Il avait trouvé ! Restait à savoir quelle somme représentait ce trésor de guerre. Il compterait plus tard. Il fallait d’abord se tirer d’ici. Le contact froid d’un canon de pistolet contre sa nuque le fit sursauter. – Bouge pas, s******d ! Lève les mains bien haut ! cria une voix de femme. Léo lâcha la housse et se retourna lentement, les mains en l’air, le cœur battant. Dans l’obscurité, il distingua une petite blonde emmitouflée dans une robe de chambre en polaire. Elle le braquait avec un flingue. Concentré sur ses explorations, il ne l’avait même pas entendue venir. – Ne vous énervez pas ! Je suis un ami de José. – Un ami ? Tiens donc ! Un ami qui s’introduit chez lui en pleine nuit. C’est quoi ton nom, déjà ? – Léo. Le Mexicain, c’est mon surnom. – Ah oui, il m’a parlé de toi. Et ça te donne le droit de venir fouiner en pleine nuit chez nous, alors que José a disparu depuis plusieurs jours ? Cette fille semblait bien plus au courant que José le disait. Mais elle ne savait pas qu’il était mort. Léo essaya de l’amadouer. – Vous… Vous savez où il est ? – Si quelqu’un devait le savoir, ce serait toi. Les flics m’ont dit que vous étiez dans le même business… Ils sont passés il y a deux jours. Ils se demandaient où il était. Pousse-toi, ajouta-t-elle en lui enfonçant le canon du pistolet dans les côtes. Qu’est-ce que c’est que ce paquet ? C’est ça que tu étais venu chercher, hein ? Léo rageait. Cette petite conne allait faire rater toute son opération ! Sans réfléchir davantage, il asséna une manchette brutale sur le bras qui brandissait l’arme et envoya de l’autre main un direct au menton. La jeune femme poussa un gémissement et s’écroula. Sa tête heurta violemment la plaque de fonte du compteur d’eau. Léo entendit un craquement, puis plus rien. Merde, m***e, m***e ! Il s’accroupit et éclaira le corps étendu à ses pieds. Il avait déjà compris qu’elle était morte. Sa tête faisait un angle bizarre avec le cou, les yeux grand ouverts et fixes. – Pardon, José, pardon. Il éprouvait des remords, mais vis-à-vis de son expartenaire ! Cette fille avait eu le tort de se mettre en travers de sa route à un moment crucial, et il lui en voulait encore. Après tout, elle n’avait récolté que ce qu’elle méritait ! Il fallait partir au plus vite, en espérant que personne n’ait entendu le bruit de leur brève lutte et que la maison ne soit pas sous surveillance. Léo attrapa à nouveau la housse remplie de billets. Il devait quand même vérifier rapidement qu’il n’y avait pas de témoin dans le pavillon. Il récupéra le pistolet. S’il trouvait quelqu’un, la situation deviendrait très compliquée. Merde, m***e ! Il n’y avait personne. Léo était perplexe. Comment la compagne de José, soi-disant blanche comme neige (c’est le cas de le dire, ricana-t-il), se trouvait-elle en possession d’une arme à feu ? Il examina le flingue de plus près et s’aperçut qu’il s’agissait d’un pistolet d’alarme, une réplique parfaite d’un Glock 9 mm… Quelle idiote, cette nana ! Elle croyait se protéger et voilà le résultat : elle n’avait qu’à s’en prendre à elle-même. Il continuait à pester intérieurement et à éprouver plus de ressentiment que de regrets envers cette perturbatrice. Le Mexicain se félicita d’avoir gardé ses gants pour ne pas laisser d’empreintes. Il jeta le pseudo-Glock près du cadavre, escalada de nouveau le mur et regarda attentivement alentour. Personne en vue. Il sauta dans la rue et s’enfuit avec son butin.
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