Chap. XI
Si même les bonnes choses ont une fin, alors les mauvaises aussi. Otse avait fini par mettre fin à sa relation avec la jeune Afep. Il ne se sentait pas mieux pour autant, en réalité, il n’aurait pas su dire lui-même comment il se sentait. Il avait repris son ancienne routine, disons celle avant sa rencontre avec la gamine. Le petit plus avec ça c’était qu’il avait beaucoup avancé avec les travaux de son appartement. Mais le plus heureux des deux frères c’était Oboun, son appartement était fini et depuis deux mois il avait un locataire. Et ce revenu n’était pas négligeable, il avait décidé de le mettre de côté pour pouvoir s’acheter un autre terrain, ce serait bien pour ses finances de continuer dans cette voix. Il avait dit à Otse que le passage dans leur vie de Melu avait eu quelque chose de bon, et qu’ils lui devaient beaucoup tous les deux. Quoi que conscient de ça lui aussi, Otse n’avait pas répondu à son frère. Chaque fois que la jeune femme était mentionnée dans une conversation, il ressentait une douleur intense dans la poitrine.
Il s’était passé des mois depuis sa rencontre avec Nko’o. Et Melu n’avait toujours pas appelée. Au début il en avait voulu à son ancien ami, et puis il avait entendu parler des nombreux projets sur lesquels bossait Nko’o, il se dit alors que le connaissant, il avait certainement demandé l’aide de la jeune femme, il était donc très occupés tous les deux. Et puis Oboun lui avait dit que la petite vivait avec son grand père depuis quelques temps déjà, avec ce qui s’était passé entre la jeune femme et lui, il ne se voyait pas aller affronter le vieil homme tout seul, et puis cela lui donnait le temps de se préparer. De se remettre à flot financièrement et d’avancer encore dans les travaux de l’appartement, il voulait l’offrir à sa fille, comme cadeau de bien venu.
Après tout c’était sa mère qui avait motivée cet investissement. Il était donc normal, d’une certaine façon qu’il lui revienne. C’était l’une des raisons pour lesquelles, il voulait prendre de l’avance avec l’acte de naissance de la petite, parce que pour bien faire les choses il fallait que l’appartement soit au nom de sa fille, au moins personne ne pourra le lui reprendre. On avait beau ne pas avoir de contacts réguliers avec la famille, lorsqu’il nous arrive quelque chose, ils sont les premiers sur place. Et si on n’a pas pris ses dispositions à temps, c’est le chao assuré.
Depuis sa rupture avec Afep, l’homme avait décidé de se mettre au sport. Pas seulement pour avoir la forme, mais aussi pour avoir quelque chose de disons… constructif, à faire durant ses moments libres. C’est alors qu’il allait à sa séance de sport, qu’il tomba sur une de ses filles qui ne vous font pas spécialement d’effet mais dont le souvenir restait graver en vous. Une sacrée nana. Elle s’appelait Elope, elle venait à la salle pour perdre du poids. Depuis toute petite, elle se laissait aller à manger un peu tout ce qu’elle aimait mais en grandissant, elle s’était rendu compte qu’un tel régime n’était pas viable à long terme, alors elle s’était mise au sport.
Depuis qu’elle avait commencée, elle perdait du poids régulièrement, et se sentait bien mieux dans sa peau. Non pas qu’elle se sentait mal dans sa peau avant, mais elle avait dit à Otse qu’elle ressentait du mieux au quotidien, comme quoi ! L’homme s’en était amusé, et pourtant cela lui donna de l’espoir. Il se dit que si le sport avait le pouvoir d’aider une personne à aller mieux, il était bien content de s’y être mis. C’est comme ça que leur relation débuta. Il s’était rendu compte qu’à chercher une petite amie, on tombait souvent sur le genre de fille qui n’était que ça, et au final ce n’était pas ce qu’on voulait la plus part du temps.
Alors il s’était dit qu’une amie ce n’était pas si mal. Et Elope était devenue une très bonne amie pour l’homme. Ils avaient mis en place un genre de rituel entre eux, après le sport, ils allaitent s’assoir dans un petit bar pas très loin de la salle et prenaient un verre de jus de fruit pur jus ensemble, en discutant de choses et d’autres. Ils discutaient de tout ce qui leur passait par la tête, et Otse se rendit compte maintenant, qu’on ne pouvait pas se vanter de connaitre une personne avec laquelle on ne prenait pas le temps de discuter. Que lorsqu’on se revendiquait l’ami d’une personne il fallait tenir compte de son point de vue. Il se rendait compte de ce qui n’allait pas entre Melu et lui, la jeune femme l’écoutait et s’évertuait à le soutenir dans ses projets quels qu’ils soient, mais lui n’avait jamais pris le temps de savoir ce qui lui tenait à cœur. Jamais il n’avait pris le temps de discuter avec elle de quoi que ce soit. Un type égoïste et ingrat, c’est cette image que la gamine avait gardé de lui. Il se disait que c’était une mauvaise chose, parce que c’était à elle que s’adresserait sa fille pour savoir quel genre d’homme il était. Et voilà qu’il ne savait pas comment empêcher ça. Sa propre fille la verrait à travers les yeux de sa mère, une jeune femme dont il avait brisé le cœur de la pire des manières.
Cette nouvelle amitié, au lieu de l’aider à oublier Melu, le ramenait sans cesse à leur relation ratée. Il percevait mieux ce qu’il avait fait endurer à la jeune femme, durant ces deux années pendant lesquelles elle avait vécue avec lui. Il en savait plus sur Elope qu’il avait rencontrée depuis quelques jours seulement, et ne pouvait pas se vanter de savoir ne serait-ce que la couleur préférée de Melu. Il savait qu’elle aimait les crevettes mais à part ça ??? Il ne saurait même pas quoi lui offrir si l’occasion se présentait à nouveau. Il ne saurait même pas quoi lui offrir. Il s’en voulait. Est-ce qu’il serait un bon père avec un caractère pareil ? Un comportement pareil ?
A se dire que seule comptait notre volonté, et que les autres pouvaient bien en penser ce qu’ils voulaient, il ne s’en souciait pas. Avec un enfant ce n’était pas la même chose. Si on ne prenait pas le temps pour savoir ce qu’il y avait dans leur tête, on finissait toujours par les perdre d’une manière ou d’une autre. Il se disait ça en pensant à sa fille, mais Elope se sentait un peu seule maintenant :
_ Tu as l’air d’être très loin de moi en ce moment, alors raconte
_ Je suis désolé,
_ Non ne le soit pas, dis-moi plutôt ce qui te tracasse,
_ Je… il y a un bon moment que je me suis séparé de la jeune femme avec laquelle je vivais,
_ Pourquoi ?
_ J’étais aveugle et sourd, et j’ai dépassé les bornes, elle est partie de chez moi alors qu’elle était enceinte, et lorsqu’elle est venue me voir pour me l’annoncer… Oh père éternel ! J’étais en couple avec une autre, et je donnais l’impression de n’avoir jamais été aussi heureux de ma vie alors que ce n’était pas le cas,
_ Pourquoi tu te comportais comme ça ? C’est ridicule,
_ Je sais, mais je pensais qu’elle était partie et qu’elle ne reviendrait pas, je voulais donner le change aux gens autour de moi qui me plaignaient, cette fille c’était une super nana, le nombre de fois qu’elle a été là pour moi, et tout ce qu’elle faisait pour moi au quotidien, je ne pourrais plus jamais la remercier pour ça,
_ Comment ça ?
_ Elle ne prendra jamais ça pour elle, je viens d’apprendre qu’elle a eu un enfant de moi, j’essaie de la persuader de me laisser reconnaitre ma fille, tu imagines bien qu’elle se dira simplement que c’est juste pour qu’elle accepte,
_ Et pour cause… à sa place je me serais certainement conduit comme elle, tu sais j’ai un ami, c’est mon meilleur ami mais il est un peu étrange, et à cause de ça, il n’a pas beaucoup d’ami, pas que les gens ne l’aime pas non au contraire, c’est un mec sympas, mais pour qu’il t’intègre dans son entourage c’est plus que difficile,
_ Quel rapport avec moi ? S’étonna Otse
_ Hé bien mon ami d’enfance a rencontré une fille il y a quelques temps et cette fille a cru qu’elle pouvait se servir de son dévouement pour elle, pour en faire son esclave…
_ Et ??
_ Il l’a laissé tomber, et avec ce que tu m’as raconté, tu ne me croiras peut-être pas mais tu as plus de chance de te remettre avec ton ex qu’elle de, ne fut-ce que parler encore avec mon ami
_ Oh la pauvre ! Je n’envie pas son sort, moi je veux pouvoir m’occuper de ma fille, parce que ce que sa mère à été pour moi, je ne pourrais le rendre qu’à travers ma fille, c’est pour moi une chance tu ne crois pas ?
_ Bien sûr que si, et tu sais, il se peut que vous deveniez amis avec le temps
_ Ce serait bien, mais dis-moi, ton nouveau boulot ?
_ Trop top, je t’avais dit qu’en passant les entretiens je n’étais pas très sûr de moi, au final les autres employés sont plutôt cool, c’était juste le stress, et puis, ils ne pouvaient pas nous aider, mais c’est super de travailler avec eux,
_ C’est le plus important,
_ Je le pense aussi, finalement tu as eu des nouvelles de ton ex ?
_ Oui, mais elle travaille sur plusieurs projets complexes alors ce n’est pas pour tout de suite notre rencontre, mais elle m’a rassurée, elle a dit qu’elle allait apporter les documents de la petite au travail et comme ça je pourrais déjà faire les démarches pour son acte de naissance
_ C’est un bon début,
_ Elle est plus sympas que moi,
_ Heureusement pour toi,
L’homme souri, elle avait raison. Parce que si Melu avait été aussi obstinée que lui, il y avait peu de chance pour qu’elle lui donne l’opportunité de voir sa fille. Simplement la voir. Il était heureux de pouvoir faire ces démarches car elles étaient une façon de lui donner confiance pour la suite. Avec le temps les choses se tasseraient avec Melu et comme disait Elope peut-être finiraient-ils par devenir amis tous les deux. Et un ami, c’était bien plus qu’un amant. Beaucoup plus. Il sa cala dans son siège et posa les yeux sur la jeune femme. Il la regardait comme s’il voyait au-delà d’elle, comme si cette conversation avait eu un sens caché qu’il venait de découvrir. Sacrée nana !
Comme tous les jours après l’arrêt dans ce petit endroit tranquille, Otse ramena la jeune femme chez elle, et rentra prendre une douche avant de partir pour son chantier de construction sur lequel il passait désormais le plus clair d son temps. Il avait confié à son petit frère que s’il n’avait pas dépensé tout cet argent avec Afep, il aurait certainement son propre hôtel. Et il le regrettait amèrement. Il ne regrettait pas d’être sortit avec elle, non, en réalité, ce qu’il regrettait, c’était de ne pas y avoir pensé. Et sans que cela ne l’étonne encore il en revint à penser à Melu, car sans elle, il n’aurait même pas pensé qu’ils pouvaient, son frère et lui, s’acheter un autre terrain et se faire construire des maisons dessus. C’était elle qui gérait la bourse des deux hommes, et elle avait été un gestionnaire irréprochable.
Sur le chemin du retour, il se dit qu’il n’avait vraiment aucune capacité de se projeter dans l’avenir. Il fallait que cela change. Il avait pensé que sa rivalité stupide avec Nko’o, devait prendre fin. Il avait besoin de son ami pour mettre ce truc sur pied. Au moins son frère ne serait plus obligé de bosser pour quelqu’un d’autre. Et ses horaires ne dépendraient que de lui-même. Et au moins il pourrait aller bosser avec son fils les jours où il n’aurait pas école. Cela résoudrait beaucoup de problèmes pour eux. C’était tout de même de se donner à deux cent pour cent, sur un projet personnel.
C’était dimanche, et son frère était à la maison avec son fils, s’il voulait vraiment que son frère et lui aient un hotel, il devait en discuter avec lui. Peut-être serait-il d’accord, et si jamais le petit avait une meilleure idée, ils verraient ensemble. Il savait depuis toujours que Nko’o travaillait avec son frère depuis qu’ils étaient gamins. Il ne savait pas par quoi les deux frères étaient passés, mais les épreuves étaient derrière eux maintenant. Et le travail avait payé.
Il se demandait pourquoi il n’avait pas demandé un conseil à son ami, au lieu de s’obstiner à chercher du boulot. Et même lorsqu’il était avec Melu, il avait vu la jeune femme se battre pour sa petite affaire et aujourd’hui, elle était à la tête d’un super marché, et s’en sortait plus que bien. Et tout ça grâce à son travail et aux conseils de Nko’o. Elle avait su tirer parti de l’affection que l’homme avait pour elle, non pas qu’elle soit une arriviste non, simplement elle n’avait pas eu honte de demander de l’aide quand elle en avait besoin. El le jeune homme avait été là pour elle, pas comme lui.
Et voilà, encore une fois il s’était remis à penser à Melu. Il se dit que ce n’était pas bien qu’il n’arrive pas à la laisser un peu tranquille… façon de parler. En fait, il suppliait son cerveau d’arrêter de penser à elle. Même s’il reconnaissait que cela lui faisait du bien de penser à elle. Plus que de ne penser à rien. La réalité c’est qu’en dehors de son boulot, de son frère et son neveu, il n’avait pas beaucoup de choses auxquelles penser. Enfin, pas de choses aussi agréables que de penser à Melu. C’était triste de s’en rendre compte si longtemps après l’avoir perdu. Il aimait bien passer du temps avec Elope, c’est sûr, mais il n’arrivait pas à penser à elle comme il pensait à Melu. Le pire, en réalité, c’était qu’il n’essayait même pas. C’est vrai qu’il était un peu tard, mais bon, il avait bien raison, car aimer une personne n’engageait pas la personne, mais si cela vous faisait du bien, pourquoi ne pas continuer ??
Il arriva chez lui et une surprise de taille l’y attendait. Melu était passée en compagnie de la petite. Nko’o son « ami » était là lui aussi. Ce qui, contre toute attente lui fit plaisir :
_ Melu ??? Nko’o ??? Désolé je ne vous attendais pas, vous êtes là depuis longtemps ?
_ Oh presqu’une demi-heure, mais ton frère nous a dit que tu allais au sport le dimanche matin alors, on s’est dit que vu qu’on ne t’avait pas prévenu, hé bien ! Il nous fallait t’attendre,
_ Merci bien, fit Otse reconnaissant, je m’en serais voulu si vous étiez parti, et la petite princesse là c’est Assengone c’est ça ? Fit Otse en prenant la fillette des bras de sa mère, coucou mademoiselle ce que tu es jolie…
Alors qu’il pensait qu’elle allait se mettre à pleurer, il vit la petite rire aux éclats. Assengone était de ces bébés qui s’amusaient de tout. Elle lui tirait les cheveux, le nez et riait des grimaces que faisait l’homme. Otse était heureux… il tenait sa fille dans ses bras pour la première fois, et il était encore plus heureux de voir qu’elle ne le rejetait pas. On aurait dit qu’elle l’avait déjà vu, elle était si jolie cette gamine, en plus Oboun avait dit à son frère qu’elle ressemblait beaucoup à leur propre mère. Melu trouva ça émouvant, car les deux hommes avaient perdus leur mère très jeune. Elle avait vu une photo de la femme et c’était une très belle femme.
Les jeunes gens passèrent un moment là à discuter, de la pluie et du beau temps puis Otse demanda à Melu de lui accorder une entrevue, plus privée. Ils allèrent tous les deux s’assoir sur la terrasse d’Oboun en laissant celui-ci en compagnie de Nko’o et d’Assengone :
_ Je t’écoute,
_ Waouh ! Bien, je voulais te remercier pour les papiers de la p’tite, je dois récupérer plusieurs exemplaires de son acte de naissance dans deux jours, je passerais te remettre les tiens
_ D’accord, mais c’est pour ça que tu voulais me voir en privée ?
_ Non, en fait, je voulais te dire merci pour tout ça, je n’ai jamais rien fait de comparable pour toi, et malgré que tu m’en veuilles, tu m’as permis d’être le père de notre fille, merci
_ Je n’ai pas de mérite, personne de mon entourage n’était d’accord pour me laisser faire un truc pareil,
_ Merci à eux aussi alors, je voulais aussi te dire, non en fait je voulais te demander, ce qu’il fallait que je donne pour la p’tite, je n’ai jamais eu d’enfant et je ne sais pas ce que ça coute,
_ Donne ce que tu peux, ou vas dans un magasin faire des courses pour elle je ne sais pas quoi te dire moi Otse, tu crois que j’avais déjà eu un enfant avant moi ?
_ Non bien sûr que non, mince je suis toujours aussi stupide, je… je ne sais pas pourquoi je prends toujours comme un fait que tu sais tout faire je… écoute je vais faire comme tu as dit, au fait j’ai mis la maison au nom de la p’tite, c’est mon cadeau de bienvenu pour elle
_ Ah oui ? Et toi ?
_ Tu te souviens qu’au départ c’était pour nos enfants qu’on avait décidé d’investir, alors cet appart il est à elle,
_ Il n’y a pas à dire tu es vraiment compliqué comme type, c’est ta fille après tout tu peux bien lui offrir ce que tu veux tant que ce n’est ni dangereux, ni illégal,
_ Merci, mais je voulais encore te demander un truc, et ça concerne ton mec
_ Ah !!!
_ Tu pourrais lui demander de me donner un coup de main sur un projet ?
_ C’est ton ami,
_ Avant oui, mais j’ai déconné avec lui, et je veux juste que tu lui demande ça et s’il est d’accord, je crois que j’aurais le courage de lui parler directement
_ Otse, nous sommes chez toi, il est juste là, parles lui, si tu veux je vais le chercher, et je vous laisse discuter, ça te vas ???
Otse hocha la tête, et laissa la jeune femme aller chercher son ami. Il ne savait pas comment il allait démarrer la conversation, mais il espérait que son ami ferait preuve d’indulgence.