Déception
Chap. I
Deux ans déjà qu’elle vivait avec ce grand gaillard d’Otse, quelle aventure ! Ils s’étaient rencontrés lors d’une soirée entre amis. Melu était sortie se distraire avec des copines, à l’époque, elle venait d’obtenir sa licence en droit des affaires et n’avait pas les moyens de continuer. En réalité, elle n’avait aucune envie de poursuivre des études « qui ne menaient à rien », c’était son point de vue. Elle s’était lancée dans une affaire, qui lui assurait un revenu saisonnier suffisant pour s’organiser une petite vie tranquille. Elle vivait avec ses deux sœurs et son père et s’estimait déjà chanceuse de n’avoir pas de loyer à payer.
Otse quant à lui, était en recherche d’emploi depuis quelques années et commençait à déprimer. Heureusement pour lui aussi, il vivait dans son propre appartement. Ce sont des amis qui l’avaient encouragé à sortir ce soir-là, afin de décompresser. Rien n’aurait pût prévoir que ces deux-là finiraient ensemble, car au départ, il faut le préciser, c’est son ami Nko’o qui avait approché la belle. Avec le recul Melu se dit, qu’elle aurait peut-être dû choisir le mal alpha qu’était Nko’o, mais il était trop tard pour faire marche arrière. Quelques semaines après qu’ils se soient mis ensemble, Otse trouva un emploi comme gérant d’un petit hôtelestaurant.
Cet emploi providentiel, il l’avait d’abord porté au crédit de sa rencontre avec la jeune femme. Et au bout de quelques mois de relation, il insista pour qu’elle vienne vivre avec lui, ce qu’elle accepta de bon cœur. Comme pour tout ce qu’on lance, la mise en place prend souvent du temps mais chacun des deux conjoints savait exactement ce qu’il avait à faire. Ils avaient décidés d’un commun accord que Melu resterait à la maison où elle avait déjà fort à faire. Entre le petit garçon de trois ans d’Oboun le jeune frère d’Otse, qui habitaient l’appart en face, sur le terrain que leur avait légué leur père, les tâches ménagères et ses propres affaires. Malheureusement, avec le temps Otse commença à se comporter comme si Melu était entièrement à sa charge, et ne faisait rien d’autre que se prélasser chez lui, pendant qu’il se tuait à la tâche afin de ramener de quoi la nourrir.
Il s’était mis à critiquer sans arrêt le fait qu’elle semblait n’avoir aucune ambition personnel :
_ Franchement Melu, te me fatigues, tu te plains sans arrêt mais à part dormir et t’empiffrer tu fou quoi d’autre à longueur de journée ? Mince tu as fait des études universitaires, trouves-toi un boulot, ça te fera sortir d’ici de temps en temps…
_ Otse je ne veux pas me disputer avec toi, je t’ai juste fais remarquer que ton boulot te prenait tout ton temps et qu’on ne se voyait presque plus, juste un week-end sur deux…
_ Un week-end sur deux et c’est toi qui vas me reverser le manque à gagner peut-être ? Lui envoya l’homme méprisant
_ Bien monsieur, c’est bon je crois que cette fois j’ai compris, non seulement je suis une charge pour toi, mais en plus m’accorder un peu de ton temps te ferait perdre de l’argent que je suis incapable de te rembourser, je vais y remédier…
_ Ah oui ? Tu vas te trouver du taff ?
_ Non Otse je vais faire encore mieux…
Melu avait dit ça et était sortie de la chambre. L’homme se dit qu’il avait trop de chose en tête pour se préoccuper des caprices de sa belle cette nuit. Trop fatigué aussi pour tenter de comprendre ce qu’elle avait voulue dire. Le dimanche matin les clients étaient souvent plus exigeants que le reste de la semaine, allez savoir pourquoi ! Il n’était pas en avance. Otse se faisait une obligation de vérifier le travail de ses employées, il repassait derrière chacun dans le but de s’assurer que les choses avaient été faite selon ses directives et cela lui prenait énormément de temps. Ses heures de travail étaient de douze heures par jours lorsque ce n’était pas plus et cela même le week-end.
Les quelques heures qu’il passait chez lui étaient bien plus des heures de sommeil qu’autre chose. Il n’avait donc pas le temps de prendre soin de la femme qui partageait sa vie. Il était même trop occupé pour se rendre compte du mal qu’il lui faisait. Melu se sentait seule dans ce petit appart, et l’insolence dont faisait preuve désormais Otse à son égard n’arrangeait pas les choses. Depuis quelque temps elle s’était convaincu qu’il valait mieux pour elle s’occuper de sa petite épicerie qui marchait plutôt bien mais à laquelle elle n’accordait que 30% de son temps, que de se tuer à la tâche pour quelqu’un qui ne se rendait même pas compte de son utilité à ses côtés.
Ce matin-là, contrairement aux autres ou il leur arrivait de se disputer, Otse aurait dû prendre le temps de l’écouter. Il n’avait pas perçu la lassitude dans le ton de sa voix, et le mépris de moins en moins voilé qu’il semblait éprouver pour elle avait achevé de tuer l’amour de la jeune femme pour lui. Après son départ, Melu rangea ses affaires et sortit de l’appartement. Elle avait décidée de retourner vivre chez son père avec ses sœurs. Elle alla remettre son trousseau de clé à Oboun qui ne cacha pas sa surprise :
_ Tu t’en vas ? Melu ne nous fais pas ça
_ Ton frère deviens insupportable Oboun c’est de pire en pire, il a surement trouvé une personne plus utile que moi je…
_ Il a dit que tu étais… « Inutile » ? Oh mon dieu Otse qu’est-ce qui t’arrive ? S’exclama Oboun en s’asseyant sur une chaise posée là
_ Je ne sais pas, mais écoute c’est sans doute mieux que je parte maintenant avant que le pire n’arrive…
_ Je te comprends ma belle… juste je connais mon frangin quand il va sortir de son tripe ça va lui faire tout drôle, bonne chance pour ton business toi qui te plaignais de ne pas lui accorder assez de temps
Melu percevait parfaitement la peine d’Oboun, mais tous les deux savaient qu’ils ne pouvaient en aucun cas, ni l’un ni l’autre imposer quoi que ce soit à Otse :
_ C’est un mal pour un bien, lui dit-elle en s’efforçant de sourire
_ Oui, c’est ça, un mal pour un bien, répéta le jeune homme
La jeune femme le prit dans ses bras un instant puis s’en alla. Elle avait fait venir un taxi et elle l’entendait qui klaxonnait en s’impatientant devant le portail. Oboun se leva et aida la jeune femme à porter ses bagages jusqu’à la voiture, dont le chauffeur se tenait maintenant de bout près du coffre ouvert, en attendant sa jeune cliente. Oboun secoua la tête en regardant le taxi s’éloigner. Il se disait en lui-même que s’il avait eu la chance d’avoir pour lui une fille comme Melu, il aurait décroché la lune pour elle, juste pour la garder près de lui. Mais ce n’était pas de lui qu’elle était amoureuse, non, c’est Otse qu’elle aimait. Et ce grand bonhomme ne connaissait pas sa chance, lui, la mère du petit s’en était allé sans se retourner.
En rentrant cette nuit-là Otse s’était retrouvé devant un appartement vide. Le silence qui régnait dans la maison était inhabituel, pas de plat sur la table, aucune trace de Melu nulle part… il se dit qu’elle était sûrement allé passer la journée avec son frère et son fils, et en avait oublié l’heure, ce serait bien la première fois mais sait-on jamais. Il se souvenait qu’elle était particulièrement en colère la veille. Après s’être douché et changé Otse se rendit chez son jeune frère, avec l’intention d’aller chercher Melu. Il fut particulièrement surprit de ne pas la trouver :
_ Bonsoir Oboun, tu vas bien ?
_ Si on veut, dit le jeune homme tristement
_ Dis-moi… fit Otse sincèrement inquiet pour son frère en prenant place à ses côtés
_ Je ne sais pas comment je faire avec le gamin frangin, tu sais que je n’ai pas le droit d’arriver en retard, sinon ce s****d de boss va se faire une joie de me virer…
_ De quoi tu parles Melu…
_ Elle est partit frangin, ce matin après ton départ
_ Comment ça partie ??? Elle est partie où ? Et pourquoi ? De quoi tu parles je ne comprends pas
_ Combien de temps tu penses qu’elle allait supporter le sale type que tu es devenu ? Même moi je ne te reconnais plus…
Le silence se fit entre les deux frères :
_ Tu traites ta nana de moins que rien, d’inutile, moi c’est à peine si tu trouves le temps de prendre de mes nouvelles, et dis c’est quand la dernière fois que tu as vu mon gamin ?
_ Quoi qu’est-ce qui se passe avec le petit ?
_ Il va pas à l’école depuis deux mois, il a un souffle au cœur, il est sous traitement…
_ Melu ne…
_ Mince Otse arrête de tout lui mettre sur le dos, et avec ça tu dis qu’elle ne te sert à rien, c’est elle qui s’occupait du petit, elle qui connait le traitement, les moments des prises et tout… qui le surveille toute la journée en plus de s’occuper de nos repas, de la lessive du ménage, et les travaux qu’on a commencé
_ Les travaux ? C’est quoi le problème encore Oboun m***e ?
_ Tu sais toi à quel niveau sont les appartements ? Ce qu’il reste à faire ? Ou simplement combien on doit encore aux ouvriers et quand on doit les payer ?
L’homme resta silencieux le regard dans le vide. Où avait-il la tête ? Il se repassa dans sa tête leur dispute de la veille. Elle ne lui avait demandé qu’un peu de son temps… il sentait un genre de lourdeur, il n’avait pas envie d’affronter son absence maintenant, il avait bien trop de soucis. Il décida qu’il s’occuperait du gamin le temps de trouver une baby sitter. Il passa la journée du lendemain a pouponner au bureau, il allait devoir apprendre à déléguer et à faire confiance. Nko’o avait une agence d’intérim c’est lui qu’il appela en arrivant à l’hôtel, sans toutefois lui expliquer ce qui se passait avec Melu. Il savait que bien que son ami, l’homme ne laisserait pas passer une occasion de lui ravir le cœur de sa belle.
Il fallait une personne pour prendre soin du petit toute la journée et lui donner son traitement, et encore une personne pour la lessive et une autre pour le ménage… Mince se dit-il, il en fallait du personnel pour prendre en charge tout ce dont sa jeune compagne se chargeait… gratuitement. Longtemps après le départ de Nko’o il se surprit à faire ses comptes. Que faisait-il en réalité pour la jeune femme ? Il la logeait c’est sûr, mais elle vivait avec son père et n’avait donc pas de problème de loyer, il ne lui faisait donc rien économiser. Il la nourrissait oui, mais encore une fois cette dépense n’était pas à la charge de la jeune femme chez son père, ce n’était donc pas un service qu’il lui rendait.
Melu se coiffait et prenait soin de sa petite personne avec ses propres ressources, il ne se souvenait même pas lui avoir jamais fait de cadeau… quel idiot il était, de quoi se vantait-il au fait ? D’avoir une esclave dévouée à son service ? Triste quand même. Et voilà que pour n’avoir pas pris le temps de tourner sa langue dans sa bouche, il allait devoir stopper un long moment les travaux des appartements. Le personnel qu’il devait embaucher, plus les frais de la blanchisserie, et la diminution de ses revenus ne lui permettaient pas, à court terme de poursuivre les travaux des appartements que son frère et lui étaient en train de se faire bâtir. Tout ce temps il se faisait des idées sur lui-même et n’avait même pas l’excuse que ce soit à cause d’une autre femme.
Melu quant à elle, était retournée vivre auprès des siens et, même si son homme lui manquait, elle avait repris goût à la vie. Elle sortait de nouveau avec ses copines, prenait le temps d’aller au salon de coiffure et la jeune femme qui avait fait chavirer le cœur d’Otse renaissait sous les yeux ravi de ses proches. Alors que l’homme tentait tant bien que mal de s’organiser, après son départ, la jeune femme elle, mettait en place des stratégies afin de développer son commerce.
Les choses se passaient plus que bien et depuis peu, elle avait créé un service de livraison à domicile. Ce nouveau service lui avait attiré un nouveau type de client. Des hommes et des femmes trop occupés pour faire leur courses autrement que par téléphone ou sur leur ordinateur et qui ne trouvaient parfois même pas le temps de passer les récupérer au magasin. Grâce à l’aide de sa banque la jeune fille avait investi dans des véhicules de livraison, et dû embaucher plus de personnel. Une bonne chose me direz-vous. Certes.
Otse avait tenté de la convaincre de revenir vivre avec lui, mais « chat échaudé… ». Durant des mois il s’étala en excuses et en promesses, mais rien n’y fit. Ce ne fut pas tant qu’elle finassait, oh non ! Loin de là. Mais Melu avait développé une crainte à l’endroit des relations hommes/femmes qu’elle n’arrivait pas à dépasser « celui qui a trahi… ». Et voilà où en était la pauvre jeune femme. Entre temps Nko’o avait appris la séparation des jeunes gens et comme l’avait prévu Otse, il ne se gêna pas pour relancer Melu. Il avait participé à la sélection de son personnel, il savait donc où se trouvait la charmante petite épicerie de la belle, il arriva alors un jour, vêtu comme un prince et l’invita à déjeuner :
_ Tu exagères Nko’o, lui dit la jeune femme
_ Non, pas moi, tu sais que tu m’as toujours plu ma grande alors il ne faut pas que cela t’étonne, mais pour l’heure tout ce que je veux c’est déjeuner avec toi…
_ Ah oui ?
_ Oui, je voudrais ton avis sur un projet que j’ai et c’est une bonne excuse pour passer un peu de temps avec toi, tu ne crois pas ? Fit l’homme en souriant
Melu savait qu’il n’y avait aucune chance pour que ce déjeuner ne soit qu’une simple entrevue entre vieux amis, mais après tout elle n’était engagée avec personne :
_ Je veux bien, mais de grâce pour aujourd’hui ne me parles pas d’amour ou…
_ Soit tranquille ma grande, je sais que tu n’as pas besoin de ça, je profite juste pour passer du temps avec une jeune femme que j’apprécie et crois moi je suis heureux que tu ais acceptée alors je ne vais surement pas tout gâcher
Ce déjeuner fut le premier d’une longue liste, Nko’o était effectivement en train de travailler sur un nouveau projet et la façon de faire de la jeune femme l’avait bluffé. Il profitait donc de son expertise et de son flair tout en appréciant chaque moment qu’ils passaient ensemble. Des échos de cette « relation » parvenaient régulièrement à Otse qui en était vert de jalousie, mais encore une fois, il ne savait pas comment rattraper son « faux pas » avec Melu.
Un jour que Melu avait acceptée d’aller déjeuner avec Nko’o dans un petit restaurant de la ville qui avait ceci de particulier que le propriétaire avait fait construire un ponton sur le lac et y avait dressé des tables. Une place de choix pour déjeuner un vendredi, surtout lorsqu’on n’était pas pressé de rentrer. Pendant qu’ils étaient assis tranquillement à discuter du projet de Nko’o, Otse qui déjeunait dans le restaurant et non sur le ponton, les aperçu et ce qu’il vit le mit hors de lui. Nko’o et la jeune femme discutaient tranquillement comme de vieux amis et semblaient passer du bon temps :
_ Le plus marrant dans tout ça tu sais Melu, fit Nko’o, c’est que ce type m’a vraiment cru capable de lui faire cette faveur
_ Non je ne te crois pas Nko’o tu…
_ Qu’est-ce que tu ne crois pas Melu, lança Otse qui venait de surgir derrière la jeune femme
La jeune femme sursauta et se repris après avoir constatée que c’était Otse :
_ Mince tu m’as fait une de ces peurs, murmura-t-elle
_ Ah oui ? Alors mon ami, tu me poignarde dans le dos ? Dit-il à l’endroit de Nko’o
L’homme secoua la tête en fixant son ami :
_ Otse tu ne changes pas n’est-ce pas ? déclara-t-il, tu ne vois pas que tu mets Melu mal à l’aise avec ta jalousie insensée, elle n’est plus avec toi, elle n’a donc plus de compte à te rendre, et jusqu’à preuve du contraire je n’ai pas de compte à te rendre non plus
_ Nko’o ne parle pas comme si…
_ Melu ne le défends pas, et ne tente pas de te justifier auprès de lui, tu m’en veux parce que je déjeune avec elle, tu aurais préféré la voir avec un autre c’est ça ? Demanda Nko’o à son ami, parce qu’il faut que tu te fasses déjà à l’idée qu’elle n’est plus avec toi et qu’elle se mettra tôt ou tard avec un autre homme
Otse sembla tomber des nues, en entendant Nko’o lui annoncer cette vérité simple. Il se tint encore là un instant, en silence, puis s’en alla. Melu fixa l’homme méchamment :
_ Ne me regarde pas comme ça je n’ai pas menti,
_ Je sais mais tu n’étais pas obligé d’être si cru
_ Excuse-moi ! Fit Nko’o sincèrement,
_ Non ce n’est pas toi, je crois que tout ça c’est trop, Otse qui ne se souciait même plus de moi, fais des scènes de jalousie incroyable non ?