Chapitre 2

1308 Words
Aïlah   Aujourd’hui   —          Aïlah, t'as encore quelques papiers à vérifier, m'annonce mon chef en arrivant avec un dossier dans la main.    Mon boss s'appelle Ricardo. Sa moustache poivre et sel et sa corpulence embonpoint fait facilement ressortir ses origines portugaises.  Il a aux environs de la cinquantaine et il est tout le temps sérieux. C'est bien rare de le voir rire ou sourire au travail. Même lorsque nous nous donnons rendez-vous pour prendre un verre entre collègue le soir, il paraît distant et froid. C’est comme s'il pensait aux affaires du boulot même pendant ses moments de pause. Ce qui doit probablement être sûrement le cas. —          Ce sont lesquels ? je lui demande en prenant les pages qu'il me tend. —          Petits délits. Ça ne prendra pas beaucoup de temps. Rentre juste les adresses des individus sur notre base et appelle Max pour lui dire qu'il jette un coup d'œil sur son ordinateur chez lui.     Je hoche la tête et me mets au travail.     Ça fait peut être deux ans et demi que je suis dans la police, j'ai toujours pour but de prouver ce que je vaux dans l'équipe. Certes j'ai réussi à clôturer des affaires, et certes je suis quelqu'un qui n'aime pas les défaites, n'empêche l'histoire du gars qui m’a planté un couteau l'année dernière nous est toujours dans nos têtes à tous. Personne n'a oublié, c’est comme si ça datait d’hier. Pour me le rappeler, j’ai une petite cicatrice au dos et au ventre. Elle fait au moins trois centimètres de long. Même si cette histoire remonte à longtemps, la douleur de cette nuit-là est encore ancrée au plus profond de moi. A jamais.    Jamais je n'oublierai cet événement. Pourquoi ? Parce que c'était la première fois que j'échouais aussi lâchement. Et surtout, parce que l'homme en question qui m'a fait ça rôde toujours en liberté. On ne l’a pas arrêté ni même identifié. Il peut être n’importe qui, n’importe où, et faire n’importe quoi. Mais pour ma part, je pencherais sur l’idée qu’il est très loin d’ici de peur de se faire démasquer.     J'ai les nerfs rien que d'y repenser. De toute façon, qu’il soit ici ou ailleurs je veux qu'une seule chose : le retrouver et lui mettre une bonne correction, puis l'emmener au poste et le voir prendre plusieurs années de placard. De longues années au placard. Il ne mérite que ça.     Etre policière, c'est bien. J’aime mon métier. On bouge souvent, on a des rôles polyvalents pour chaque enquête, on est assez bien payé. Le seul truc que je n'aime pas, ce sont les policiers qui se croient tout permis, ainsi que les corrompus. Notre but est de protéger les habitants de notre ville et faire régner la loi, rien d'autre. Cependant, certains se prennent de haut avec la population et osent des choses totalement interdites. Vous serez surpris d'apprendre que j'aie vu trop souvent de fois un collègue frapper gratuitement un individu alors qu'il n'avait aucun comportement v*****t.       C'est affreux de voir ce genre de chose. Moi je suis contre la violence gratuite. Hélas, d'autres ne pensent pas pareil. —          Hey ! Tu veux qu'on sorte ce soir ? m'interpelle Zak tandis que j’effectue la tâche que m’a donné Ricardo. Je lève la tête vers lui et lui souris gentiment. —          Je ne sais pas, je suis un peu fatiguée en ce moment tu sais… —          Oh, tu ne vas quand même pas refuser l'invitation, beauté orientale.    Ça c'est le surnom qu'il m'a donné en référence à mes origines algériennes et mexicaines. Depuis le temps, j'ai l'habitude de l'entendre m'appeler comme ça, bien que je trouve ça ridicule. Lui est breton et italien, ce n’est pas pour autant que je fais référence à ses origines à chaque fois que je lui parle. —          En plus il y aura tout le monde, continue-t-il. Allez, viens Aïlah. —          Qui ça tout le monde ? —          Fanny, Gabi, Nathan, Raphaël, Sara...    Je serre la mâchoire à l'entente des deux derniers prénoms. Raphaël et Sara sont des collègues que je ne côtoie jamais en dehors du travail. Même lorsque nous avons une affaire ensemble, j'essaie un minimum de me faire discrète avec eux pour ne pas engager la discussion. Car à la vérité, je ne les aime pas. C'est physique, c'est mental, bref, je n'aime pas leur compagnie. C'est pourquoi je réponds à mon ami : —          Désolée Zak, j'ai vraiment besoin de repos.    Il grimace un peu, mais fini par lâcher l'affaire. Je crois qu'il a compris ce qui clochait. Avec Zak j'aime bien me confier, papoter de tout et de rien ; il est au courant de mon ressenti envers Raphaël et Sara. On s'entend très bien et il me fait rire. Avec Gabi c'est pareil. Cette fille a un cœur énorme, je suis fière de travailler avec elle, vraiment. D’ailleurs, elle est ce qui se rapproche plus d’une meilleure amie. —          Très bien, beauté orientale. Je te laisse finir ton boulot et je te dis à demain, moi j'y vais.    Zak dépose un b****r furtif sur ma joue et nous fausse compagnie. Dans la salle il y a encore quelques personnes qui travaillent. Je m'estime heureuse de finir dans pas longtemps, car j'en connais qui ont encore un tas de dossier à s'occuper pendant toute la nuit.    Je baille et termine de noter les adresses dans l’ordinateur comme le chef me l'a demandé. Ensuite, j'appelle Max et les lui donne un par un. On raccroche juste après et je pars dans les vestiaires pour enlever mon ensemble de travail. Je troque ma chemise pour un t-shirt décontracté et mon bas pour un jean taille haute. Ça fait du bien de retrouver ses vêtements ! La tenue que l’on doit porter est lourde, et me serre un peu au niveau des hanches. —          À demain, je leur lance avant de quitter le commissariat.    Dehors il fait bon. Le soleil est sur le point de se coucher, laissant place à une lune bien blanche et éclairée. Je laisse ma veste ouverte et rejoins ma voiture dans le parking de derrière.      Lorsque j'entre dans le véhicule mon téléphone se met à vibrer. J'espère juste que ce n'est pas le boulot, je viens à peine de le quitter. J'ai un soupire de soulagement quand je vois le nom de ma cousine s'afficher sur le portable. —          Allô Siham ? —          Oui, Aïlah, j'espère que je ne te dérange pas ? Et biens, disons que... —          Non, ne t’inquiète pas. Qu'est-ce qu'il y a ? —          C'est par rapport à Mehdi, je dois absolument sortir ce soir et j'aimerais que tu me le garde un petit moment. Ça ne sera pas pour longtemps, je te le promets.      Mehdi c'est son fils, et je suis sa marraine. Comme le mari de ma cousine a un travail qui l’oblige à partir souvent à l’étranger et qu'elle n'a personne à part moi pour garder son fils, je suis bien obligée d'accepter. Même si je suis fatiguée, même si j'ai une folle envie de rejoindre mon lit douillet, même si... —          Alors, c'est OK ? s'assure Siham, m'extirpant de mes pensées. —          Oui, je suis sur la route.     Nous raccrochons et j'allume le moteur. J'ai quelque à priori. Je ne connais pas tellement la cité de ma cousine, mais je sais que de nombreuses racailles y traînent. Le peu de fois où je m’y déplace pour garder Mehdi, je fais exprès de passer le moins possible devant eux. Je suis un brin paranoïaque, mais j’ai peur qu’ils découvrent que je fais partie de la police. Si ça venait à s’apprendre, Dieu sait ce qu’il pourrait se passer…     En arrivant sur les lieux je décide de ne pas m’inquiéter. Sans ma tenue professionnelle, c’est-à-dire lorsque je suis en civile, je suis tout ce qu’il y a de plus normale. Je suis juste moi, Aïlah, une jeune femme allant chez sa cousine. Rien de plus, rien de moins.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD