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1351 Words
Point de vue de Daniel. Vingt et un ans. Demain marquera précisément vingt et un ans sans ma compagne à mes côtés. Je me sens torturé par son absence, angoissé par le fait de ne pas avoir la moindre idée d’où elle peut se trouver. Nous n’avons jamais cessé de la chercher, pas une seule seconde durant toutes ces années. J’ai consacré tout ce temps à suivre la moindre piste que je pouvais trouver, mais malheureusement, aucune ne m’a mené jusqu’à mon Elisa. Les années ont passé lentement, douloureusement. Depuis longtemps, je vis en pilote automatique. Mes journées se résument à me lever, m’occuper des affaires administratives du royaume , une tâche que je n’apprécie guère mais que je dois accomplir pour mon peuple et chercher des moyens de la retrouver. C’est, sans aucun doute, mon plus grand objectif. J’avais juré de la protéger, de prendre soin d’elle et de veiller à sa sécurité. Mais jusqu’à présent, je n’ai absolument rien pu faire pour ma destinée. Et c’est terriblement frustrant. Depuis son e********t, j’ai tenté d’utiliser notre lien pour la retrouver. Pourtant, un sort très puissant bloque cette connexion. Même les nombreux sorciers que j’ai engagés n’ont pas réussi à le briser. De la magie noire. Très puissante, destructrice. Peu après son e********t, j’ai fait un rêve. Elle y apparaissait comme un nouveau-né, enfermée dans une boîte, pleurant si fort que ça me déchirait l’âme. Je voulais la prendre dans mes bras, la protéger de tout et de tous, mais je n’arrivais pas à l’atteindre. Plus je courais vers elle, plus elle semblait s’éloigner. Mais je n’ai pas abandonné. J’ai tout donné pour la rejoindre. Et, à ma grande surprise, j’y suis parvenu. Quelque chose ou plutôt quelqu’un contrôlait mon rêve, comme pour me faire comprendre que tout était entre ses mains. Qu’il m’attende… le jour où je le tiendrai entre mes griffes, il ne lui restera rien. Je me suis approché de ma petite princesse. Elle était si parfaite… Mon cœur s’est apaisé, une paix profonde m’a envahi : ma compagne était là. En caressant son petit visage, elle a cessé de pleurer et a ouvert doucement ses yeux. Ce regard… jamais quelqu’un n’avait eu autant de pouvoir sur moi que ce petit louveteau. Ce que je ressentais pour elle était totalement fraternel : un amour pur, une affection sans limite. Elle me fixait, comme si elle me suppliait de la sauver. Et je comprenais que je ferais absolument tout l’impossible s’il le fallait pour elle. Sa minuscule main a touché ma joue, et elle m’a offert un sourire édenté. Adorable. Simplement adorable. Tout semblait si réel que, lorsque je me suis réveillé, j’ai senti quelque chose me ronger de l’intérieur. Ce n’était qu’un rêve… une maudite illusion que j’avais brièvement cru réelle. Je suis tiré de mes pensées lorsque le téléphone sonne. Je me redresse dans le fauteuil de mon bureau et décroche, déjà irrité par ce bruit assourdissant . Avoir l’ouïe d’un loup est parfois une véritable plaie. — Daniel Martin , ma voix est glaciale. Peu importe qui se trouve au bout du fil, personne n’oserait se plaindre de mon ton. Être une créature suprême et crainte a ses avantages. — Ici Christian. Je t’appelle pour t’informer qu’Elisabeth a décidé d’organiser une fête demain pour célébrer l’anniversaire d’Elisa. Il débite tout d’une traite, me laissant surpris et sans réaction. — Comment ça, fêter ? Je tente d’assimiler ses paroles, les poings déjà serrés sous l’effet de la colère. Comment pouvons-nous fêter l’anniversaire d’Elisa alors qu’elle n’est même pas là ? Ma voix se transforme en grondement. Je n’apprécie pas du tout cette décision soudaine et insensée prise par les parents de ma compagne. — Nous avons pensé qu’il serait bon de célébrer ses vingt et un ans, pour ne pas laisser une date aussi spéciale passer inaperçue. C’est le moment où elle aurait dû hériter du royaume des Collins. soupire-t-il, semblant épuisé. J’aurais pu compatir, si cette idée ne me semblait pas si absurde. — Tu sais mieux que quiconque à quel point cette date aurait compté pour moi aussi. C’est le jour où je l’aurais officiellement reconnue comme ma compagne et souveraine. Je passe nerveusement mes mains dans mes cheveux, les ébouriffant encore davantage. Mais une fête sans elle, Christian, c’est un supplice de plus à endurer. Et tu le sais. Je ferme les yeux, ressentant ce pincement familier dans la poitrine. Je voudrais juste qu’elle soit ici… — Je sais que ça fait mal, Daniel. C’est ma petite fille, tu te rappelles ? J’ai attendu neuf mois en rêvant de la tenir dans mes bras, de sentir son odeur de louveteau, d’entendre ses premiers mots… Mais je n’ai participé à aucun moment de sa vie. Je n’ai même pas vu son visage. C’est la pire chose qu’un père puisse vivre. Sa voix, d’abord ferme, devient faible. Toujours ainsi quand il parle d’Elisa. — Je ne peux pas prétendre comprendre la douleur d’un père. Mais je sais ce que c’est que de sentir une partie de ton âme t’être arrachée, sans pouvoir rien faire pour la retenir. L’impuissance est une des pires sensations qui existent. Je garde mon ton neutre. Il faut que je me montre fort, même dans ces moments-là. — Je suis désolé, Daniel. Le lien entre vous deux était vraiment fort. concède-t-il à contrecœur. Mais je ne peux pas annuler la fête. Elisabeth a tout préparé avec soin, et je ne peux pas la faire souffrir alors qu’elle essaie juste d’apaiser la douleur. Je pousse un soupir exaspéré. Je refuse de croire que je suis en train d’accepter une telle absurdité. Je pourrais très bien tout annuler moi-même. Mais si Elisa l’apprenait un jour, elle ne me le pardonnerait pas. Je ne veux pas abuser de mon pouvoir de suprême. — Très bien… Mais je ne promets pas d’être présent. Accepter cette idée est déjà un effort considérable pour moi. Je masse mes tempes, n’ayant qu’une envie : raccrocher et me replonger dans le travail pour tenter d’oublier. — Tu es libre de décider, Daniel. On ne te forcera à rien. dit-il, compréhensif. Mais si tu viens, tu seras le bienvenu. Et j’allais oublier… c’est une fête costumée. — Costumée ? Vous vous fichez de moi… je grogne, me levant pour me diriger vers le bar. Je me sers un verre de whisky pur. On en reparlera, Christian. Je raccroche sans attendre sa réponse et bois c*l sec. Même une bouteille entière ne me ferait pas tourner la tête. Mon métabolisme est bien plus résistant que celui des humains. Je pose le verre et quitte le bureau, me dirigeant vers la salle d’entraînement de mon château. Spacieuse, parfaitement équipée, elle me permettait de garder la forme et mes réflexes aiguisés. J’enfile les gants de boxe et commence à frapper le sac de toutes mes forces. Coup après coup, je décharge ma rage sur ce sac. C’était le seul moyen, pour le moment, de calmer ma colère. Bien sûr, je préférerais cogner un adversaire réel. Mais pour l’instant, ce sac ferait l’affaire. Mes pensées reviennent vers ma princesse. Je me demande à quoi elle ressemble aujourd’hui. A-t-elle toujours ces magnifiques yeux expressifs ? Ses cheveux sont-ils longs ou courts ? Est-ce qu’un misérable mâle aurait osé, ne serait-ce qu’imaginer, s’approcher d’elle ? Je rugis, incontrôlable, et le sac vole à travers la pièce, percutant le mur avec fracas. Mes poings tremblent de rage, rien qu’à cette idée. — Aucun mâle ne poserait ne serait-ce qu’un doigt sur elle. Elle est à moi. Pour que je la protège, que je veille sur elle, que je l’aime. À moi, et rien qu’à moi ! Tu veux dire à nous. Elle est à nous. gronde Klaus dans mon esprit. Je ne réponds rien. Je m’approche d’un autre sac et recommence à frapper, libérant un peu plus encore de cette rage qui ne cessait de bouillir en moi. Je devrais faire preuve de patience. Continuer les recherches. Je ne cesserai pas tant que je ne l’aurai pas retrouvée. Et ramenée là où elle appartient : dans mes bras.
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