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1710 Words
Point de vue de Scarlett. Mes yeux balayent la ville, et sans vraiment comprendre pourquoi, j’ai l’étrange sensation de la connaître. Comme un déjà-vu qui me parcourt l’échine, me laissant frissonner d’un mélange d’anxiété et d’excitation. Je descends du taxi devant une petite maison charmante. Simple, mais jolie. Elle ne m’a pas coûté cher, ce qui est parfait puisque je compte économiser autant que possible tant que je n’ai pas trouvé de travail. Je m’approche de la porte d’entrée. Après avoir un peu galéré avec les clés ce qui, connaissant ma maladresse, est tout à fait normal . Je réussis à entrer en mettant le pied droit en premier. Oui, c’est un cliché. Mais si ça peut me porter chance, qui s’en soucie ? On n’a jamais trop de chance. Je regarde autour de moi. Mon petit chez-moi est propre, bien rangé, chaque chose à sa place. Évidemment, il manque encore ma petite touche personnelle, mon style à moi, le style Scarlett, mais pour l’instant, c’est parfait. J’ouvre les fenêtres pour aérer et remercie mentalement l’ancienne propriétaire, une dame gentille et chaleureuse, d’avoir laissé la maison propre et impeccable. Je fais le tour : salon, cuisine, petite buanderie, salle de bain, et deux chambres. En entrant dans l’une d’elles, je sautille de joie et fais une danse de la victoire un peu honteuse. C’est une suite ! Rien de gigantesque, mais j’aurai ma propre salle de bain , le luxe. Je dépose mes valises près de la porte et me jette sur le lit. Il est moelleux, doux, un vrai nuage. Je suis à deux doigts de céder à la fatigue du voyage, mais je dois encore m’occuper de quelques affaires… comme ranger mes vêtements, par exemple. Je quitte à contrecœur mon cocon douillet, m’approche de mes valises, et commence à trier mes habits. Heureusement, je n’ai pris que l’essentiel, rien d’exagéré. * Après avoir changé les draps du lit et les housses du canapé parce que même si tout est nickel, je préfère en être certaine , mon estomac gronde. Je jette un œil à l’heure et me rends compte que le temps a filé. J’ai même raté l’heure du déjeuner. Je décide donc de sortir, à la recherche d’un resto encore ouvert. Et si je n’en trouve pas, je me contenterai volontiers d’un bon vieux hot-dog de rue. Rien que d’y penser, j’en salive. Je prends une douche rapide, enfile une robe légère au-dessus des genoux et une paire de sandales plates. Il fait chaud aujourd’hui, ce que je déteste ,j’aime l’hiver. En plus, pour une louve comme moi, cette chaleur est loin d’être agréable : on dégage déjà assez de chaleur comme ça. Avant de sortir, je mets mes lentilles de contact brunes et mes lunettes de soleil foncées. Je préfère éviter que les gens voient mes yeux bleus si clairs qu’ils en paraissent presque irréels. À l’internat, les surveillantes essayaient de faire taire les filles qui parlaient de mes yeux, mais j’ai déjà entendu des mots comme « monstre » ou « abomination » sortir de leurs bouches. Depuis, je porte des lentilles, même si elles me gênent parfois. C’est toujours mieux que d’être regardée comme une bête de foire. Je sors de la maison, ferme tout à clé… et manque de trébucher sur une marche. J’étais trop occupée à fouiller dans mon sac. Je suis née avec deux pieds gauches, ce n’est pas possible autrement. Je me promène dans les rues pour mieux découvrir mon nouveau quartier. Je remarque une jolie place pleine d’enfants, de parents et de couples enlacés. Je soupire en baissant les yeux. Cette image est bien loin de ma réalité. Un petit bruit me sort de mes pensées. Un pleur, à peine audible. Je regarde autour de moi, intriguée, et je finis par voir un petit garçon, trois ou quatre ans, assis seul sur un banc. J’hésite à m’approcher, de peur de l’effrayer, mais je suis mon instinct. Je m’assois doucement à côté de lui. Dès qu’il me remarque, il se recroqueville, me fixant avec méfiance, les sourcils froncés, presque défiant. Ces yeux-là… Ils me rappellent quelqu’un. Je secoue la tête pour chasser cette pensée. — Hé, petit bonhomme, qu’est-ce qui se passe ? Je demande doucement. Il me dévisage encore, hésitant, comme s’il tentait de lire dans mon âme. Qui ne le ferait pas, à sa place ? — J’me suis pedu… J’voulais juste blinquer avec les autles, mais ma maman elle a pas voulu… alors j’suis pati en cachette… — dit-il, la voix tremblante, les yeux pleins de larmes. Mon cœur se serre. — Dis-moi à quoi elle ressemble et où vous étiez. Peut-être que je peux aider ce courageux petit guerrier à retrouver sa maman ? je suggère avec un sourire. Il redresse la tête, renifle, fier, le torse bombé par ma remarque. Je ris intérieurement de sa bravoure adorable. — Ma maman, c’est la luna du leyaume des Jackson. Et on était plès d’un banc devans un endroit où y’a de l’eau qui saute me dit-il, mélangeant un peu ses mots. Je suppose qu’il parle d’un… jet ? Une fontaine, sûrement. — Eh bien, petit Palito, tu as eu de la chance de tomber sur moi. Je crois savoir exactement où elle est . je réponds. Oui, « Palito », un surnom bizarre, mais il est si frêle qu’il me fait penser à un petit bâton. — Ma maman a dit pas parler aux étrangers, mais comme on est une équipe, le guellier et la donzelle, ça compte pas, hein ? dit-il, espérant que je confirme. Moi c’est Henlique ! Même sa petite moue boudeuse me semble familière. Je deviens folle ou quoi ? — Elle a bien raison ta maman, mais comme tu l’as dit, on est une équipe maintenant. Guerrier et guerrière, pas de demoiselle ici ! je lui fais un clin d’œil. Enchantée Henrique. Mais moi, je vais continuer à t’appeler Palito. Il me sourit timidement. — J’t’aime bien, toi… dit-il, curieux de connaître mon nom. — Scarlett. Je m’appelle Scarlett . je réponds en souriant. Allons retrouver ta maman. Il prend ma main et nous partons en direction de la fontaine. En chemin, il me décrit sa mère, surpris que je ne la connaisse pas. Est-elle célèbre ici ? Un peu plus loin, une femme, plus jeune que je ne l’aurais cru, court vers nous, affolée. Dès qu’elle atteint le petit, elle le serre fort dans ses bras, les yeux fermés de soulagement. — Maman, tu m’éclates ! gémit-il. Regalde, c’est Scalet, elle m’a aidé. C’est ma guelille. Et elle est trooop gentille ! La mère, qui semble enfin me remarquer, me lance un regard méfiant , exactement le même que son fils. Ce regard me déstabilise. Trop familier. — Il pleurait sur un banc, je n’ai pas pu l’ignorer , je dis honnêtement. Elle m’observe longuement, puis, contre toute attente, me prend dans ses bras. Surprise, je mets un moment à répondre à son étreinte. — Tu as l’air sincère, ma chérie dit-elle avec un sourire. Tu es nouvelle ici, non ? — Oui, je viens d’arriver. Je cherchais un endroit où manger… je dis, au moment où mon ventre se fait de nouveau entendre. — Alors viens manger avec nous. J’aimerais en savoir un peu plus sur la femme qui a aidé mon fils . elle me sourit et t’expliquer certaines choses sur cette ville. J’accepte, intriguée. Est-ce une sorte d’Alphate ? L’odeur de certaines personnes ici me semble… familière. On trouve une échoppe qui vend différents snacks. Mon regard se pose sur un immense hot-dog garni de deux saucisses, de mayonnaise, de ketchup, de moutarde et d’une montagne de pommes pailles. Exactement ce qu’il me faut. On s’installe, on commande. Henrique insiste pour prendre la même chose que moi : une vraie équipe de guerriers doit manger pareil, dit-il. — Bon, je vais t’expliquer un peu comment fonctionne la ville commence-t-elle . Il y a cinq royaumes : les Müller, force moyenne, commandement structuré. Les Willer, un peu similaires. Les Jackson, dont je suis la Luna, avec une grande force et autorité, comme les Collins. Et enfin, les Martin, le royaume du suprême alpha. Le plus puissant de tous. — Donc le royaume Martin domine tout ? je demande. — Oui. Mon fils a été le tout premier suprême alpha. Il allait diriger les Jackson quand il a été choisi pour régner sur tous les royaumes. Wow… Ce gars doit vraiment être impressionnant. — Comment a-t-il été choisi ? — Grâce à la marque. Les anciens disent que le suprême porterait la marque de la souveraineté, et il l’a eue à sa majorité. Si j’étais humaine, j’aurais déjà fui en hurlant. Mais… — Comment sais-tu que je suis une louve ? Tu ne m’en parlerais pas sinon. — Ton odeur, Scarlett. Je la sens, même si elle est étrangement faible dit-elle, pensive. Nos plats arrivent. On savoure. C’est divin. Palito mange comme un petit glouton, les sauces partout sur son visage. Katherine j’apprends enfin son prénom et moi éclatons de rire. On passe un super moment. On parle de tout et de rien. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens entourée. J’ai des amis. Vers dix-huit heures, on se dit au revoir. Palito est épuisé, il baille sans arrêt. — Merci pour tout, Scarlett. Tu es un vrai ange . me dit Katherine en m’enlaçant. — Tu aurais fait pareil. je souris. — J’aimerais garder contact. Demain, c’est l’anniversaire de la fille d’une amie. Tu veux venir ? J’hésite, mais son regard plein d’espoir me fait dire oui. — Je ne risque pas de déranger ? Tu es sûre que je peux venir ? — La fille ne sera pas là, Scarlett. Elle a été enlevée à la naissance. On ne l’a jamais retrouvée… Mais on célèbre son anniversaire chaque année, pour ne pas l’oublier. Mon cœur se serre. Sans réfléchir, je réponds : — Je viendrai. Elle me donne son numéro, et je découvre que ce sera une fête costumée. Une excellente occasion de dissimuler mes yeux. On se dit au revoir une dernière fois. Palito bougonne qu’un duo de guerriers ne devrait jamais se séparer. J’aimerais le mettre dans une boîte et le garder pour toujours.
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