Chapitre 10

1892 Words
Il avait cessé de pleuvoir lorsque Hakim retourna à l'hôtel, le jour n'était même pas encore levé. Assis à l'arrière de sa voiture, il pensait à sa maîtresse qui devait très certainement être toujours entrain de dormir. Hakim ne cessait de se remémorer ce qu'avait été leurs ébats de la veille. Il avait aimé tenir son corps contre le sien, l'embrasser, la caresser jusqu'à la mener vers la jouissance sous toutes ses formes. C'est avec le cœur lourd qu'il était parti en utilisant la clé qu'elle lui avait offerte. Jamais il n'aurait pensé s'en servir un jour car il n'était jamais parti de la sorte. Et pourtant après leur discussion de la veille, il savait que le voir partir allait mettre Bobbie dans tout ses états. Il allait l'appeler une fois à Melbourne et s'excuser encore une fois car laisser un mot n'était pas suffisant. Elle méritait plus et mieux que ça. Dès qu'il rentra dans sa suite, Hakim entreprit de se déshabiller. Il portait sa chemise souillée et avait donc besoin de la changer avant de répondre la route. Sous la douche italienne, il se savonna de partout sans se presser car ses idées étaient ailleurs. Le front appuyé contre l'une des cloisons vitrée, il laissa l'eau glisser sur son corps forgé par des années de combat et sa peau cuivrée la soleil du désert aride. Une fois propre, il se sécha et sortit. Un petit-déjeuner l'attendait déjà. Il enfila une thobe blanche avant de s'installer à table. Le jour faisait enfin son apparition. Après avoir ouvert son ordinateur, il se servit du café. Il en but une gorgée puis se plongea dans la lecture des rapports et des contrats qu'il allait faire signer à Melbourne dans quelques heures. Alors qu'il était concentré sur la lecture, la sonnerie de son téléphone raisonna. Il sourit en voyant de qui il s'agissait. Ce fut donc sans aucune hésitation qu'il décrocha. – Salam Mohamed. – Hakim, comment tu vas ? – Bien mon ami. Quelles sont les nouvelles ? – Je m'en veux de te déranger avec ça alors que tu croules sous les préoccupations que te causent Majid et ses terroristes mais je souhaite tout de même t'informer que je me marie bientôt avec Zakiya. Zakiya était la promise de Mohamed depuis leur enfance. Ils avaient la chance de s'aimer sincèrement malgré la nature de leur liaison qui à la base n'était sensé être qu'une histoire de mariage de convenance. Hakim n'aurait pas aimé avoir une promise. Contrairement au père de Mohamed, le sien n'avait jamais été du genre à imposer ses volontés à son héritier malgré l'éducation stricte qu'il lui avait certes donné. Hakim s'était justement lui-même forgé en faisant ses propres erreurs et en en tirant ensuite ses propres leçons. Et même dans le cas où on lui aurait choisi une épouse, il ne l'aurait pas aimé comme il aimait Bobbie, il en était persuadé à cent pourcent. – Ne t'en veux pas pour ça mon frère. Une bonne nouvelle parmi toute ce flot de soucis et de tensions ne peut que me faire plaisir. Toutes mes félicitations pour cette union qui se concrétise enfin. – Merci. Je dois dire qu'il était temps. Mais Zakiya m'a bien fait baver en me forçant à attendre qu'elle finisse ses études en médecine. – À ce propos, comment se porte la future épouse ? – Elle est excitée comme jamais, tu la connais. Actuellement elle est en pleins préparatifs avec les femmes de sa famille. – J'ai justement entendu dire que les filles de cette famille sont réputées pour privilégier les mariages en pompe. – Ne m'en parle même pas. Mon compte bancaire se fait déjà saigner à blanc. Ceci dit, je t'attends à Dubaï pour les célébrations. – J'y serai. Fais-moi juste parvenir la carte d'invitation lorsque le moment sera venu. – Je n'y manquerai pas. Et toi avec ton australienne ? – Ça se passe bien, tiqua le souverain. – Ce n'est pas ce que je veux savoir Hakim. Est-ce-que tu comptes la présenter à ton peuple ? – Oui, bien sûr que oui. Mais tu sais bien que le moment est mal choisi pour ça. Je ne veux pas faire d'elle la parfaite cible pour mes ennemis. – Je ne le souhaite pas mais : et si cette guerre durant des années ? Cela voudrait dire que cette femme devra attendre ton bon vouloir et ton feu vert ? Laisse-moi te dire que tu agis en homme peureux. Le cheikh gronda sourdement. Il n'aimait pas ce qu'il venait d'entendre mais il n'y a que la vérité qui blesse. Oui, en un sens il était lâche et peureux. Mais il ne pouvait se résoudre à afficher Bobbie au grand jour maintenant. – Sa sécurité passe avant tout le reste. – J'espère tout de même que tu viendras avec elle, ajouta le prince de Dubaï. – On verra Mohamed, on verra. Il faut que je te laisse à présent. J'ai une réunion à Melbourne cet après-midi et je dois quitter Sydney. – Si je comprends bien tu as finalement donné ton accord pour qu'ils implantent leurs hôpitaux australiens dans les régions reculées du Khayat ? – Oui. Mais c'est surtout des médecins dont il s'agit. On a toujours besoins de soignants. Et vu ce qui se prépare, il va sûrement y avoir des blessés. Majid ne cesse de rependre la terreur et ça m'agace de plus en plus. J'ai tellement hâte d'en finir avec lui. Néanmoins ces médecins savent à quoi s'attendre en se rendant au Khayat. Ils savent d'avance que les conflits armés ne seront pas une partie de plaisir et qu'ils risquent leurs vies. Bien sûr j'assurerai leur sécurité mais le danger demeurera. – Je dois avouer que je m'attendais à ce que tu refuses. Tu te méfies tellement de ces étrangers... sauf d'une. Hakim ignora sa dernière remarque dont la précision avait été faite avec humour. – C'est ce qui était prévu, je comptais dire non lorsqu'ils se sont portés volontaires. Mais j'ai beaucoup réfléchi par la suite. Tant que ça concerne le bien être de mon peuple, ça me va. Et puis eux au moins n'en n'ont pas après le pétrole de ma nation, c'est déjà ça. Néanmoins les choses seront faites avec mes conditions et restrictions. Je les surveillerai de près car on ne sait jamais. C'est sur le rire amusé de son ami qu'il raccrocha. Une demi-heure plus tard, il enfila un bisht noire sur sa thobe. C'était un long manteau noire uniquement destiné aux hommes populaires ou hauts placés dans la société arabe. Il ajusta le col doré de la cape fluide et enfila ensuite un keffieh blanc qu'il maintint sur son crâne avec un agal. Une fois les deux anneaux solidaires posés sur le foulard, Hakim rangea son ordinateur dans un sac. Un de ses hommes vint l'avertir qu'il était tant de partir. Le cheikh regagna donc sa voiture et quitta définitivement l'hôtel avec des gardes et son chauffeur. Mais alors qu'ils étaient en route pour l'aéroport où un jet privé les attendait sur le Tarnac, le cheikh reçu un appel de Kader. C'était un des hommes qu'il avait chargé de surveiller sa maîtresse jours et nuits. Il décrocha et activa le haut-parleur. – Kader, qu'y a-t-il ? – Altesse, on a un gros problème. Le cheikh fronça les sourcils en sentant l'inquiétude dans la voix de son homme de main qui n'avait pourtant pas l'habitude de laisser paraître ses émotions ou de paniquer. Était-il arrivé quelque chose à Bobbie ? La suite ne le rassura pas du tout. – Les journalistes ont appris pour mademoiselle Wiggins et vous. Le cœur du souverain rata un battement et sa main qui tenait l'appareil manqua de le broyer sous l'effet de la colère. – Sayf, fais immédiatement marche arrière, on retourne à Redfern, il ordonna à son chauffeur avant de beugler contre le garde-corps. Comment ont-ils fait pour savoir ? Et pourquoi personne ne m'a prévenu à l'avance ? – La nouvelle nous a surpris altesse. Quelqu'un vous a reconnu et aurait vendu l'information à la presse en échange de quelques billets. La nouvelle est sorti dans un magazine publié ce matin. À présent l'immeuble de mademoiselle Wiggins est assailli et nous pensons que la taupe vient de l'intérieur du local. Un de ses voisins peut-être. – C'est bien ce que je craignais, pesta le souverain avec animosité avant que un des gardes installés dans la voiture n'attire son attention. – Altesse, on vient de m'informer que les journalistes viennent de débarquer à l'hôtel. Il l'avait échappé bel alors. Mais Bobbie non. – Où est-elle ? – Dans son appartement. – Je suppose qu'elle est au courant, soupira le Cheikh en retenant mal son désespoir mêlé à de la colère. – En effet, elle était sortie tôt ce matin pour faire ses courses mais a semblerait-il rencontré son ami, le jeune antiquaire. Encore ce minable freluquet ? Quand allait-il cesser de tourner autour de Bobbie ? Hakim se força à se calmer concernant ce point là car ce n'était pas le moment de se laisser aller à la jalousie. Il savait que Bobbie continuait à voir l'androgyne mais s'il n'avait pas soulevé le sujet, c'était pour ne pas qu'elle devine qu'il la surveillait par l'intermédiaire de ses hommes de mains. – Quoi d'autre ? – Ils ont fait route ensemble jusqu'au magasin. Nous pensons qu'à l'intérieur elle est tombée sur le magazine en question. Ils sont tout de suite repartis. – Tu as dit qu'elle se trouvait dans son appartement. Comment a-t-elle fait pour passer ? – Ils ont dû passer par un autre chemin. Mademoiselle Wiggins a ensuite emprunté l'escalier de secours, débriefa l'homme de l'autre côté de la ligne. – Son ami est toujours avec elle ? – Non, il est parti dès qu'elle a atteint son balcon arrière. – Tant mieux. – Nous attendons vos consignes pour agir. Devons-nous utiliser la force pour les disperser ? _ Non, nous n'avons pas besoin d'en arriver là. Ils n'étaient pas sur leur territoire ici. Si jamais l'un de ces vautours se blessait ou les accusait de violence, cela créerait encore plus de problèmes. – Toutefois les autres et toi, je vous veux auprès d'elle. – Avec tout le respect que je vous dois, êtes-vous sûr de votre décision ? – Oui. Maintenant elle sait tout alors vous n'avez plus besoin de vous cacher. Ces charognards sont-ils entrés ? – Non. Pour le moment ils sont dehors et ne peuvent pas rentrer vu qu'ils s'agit d'un immeuble privé et que la loi interdit cette forme d'intrusion. Mais certains d'entre eux ne vont sûrement pas tarder à perdre patience. – Pour éviter cela, faites barrière et surveillez sa porte. Il ne faut absolument pas qu'ils rentrent. Je te charge d'aller frapper à sa porte pour voir si elle va bien. J'arrive. Et trouver moi la pourriture qui a ouvert sa gueule pour vendre la mèche. – C'est compris Altesse. Alors que la voiture roulait à vive allure vers la banlieue délabrée qu'était Redfern, le cheikh se mit à penser à une stratégie pour délivrer Bobbie d'entre les mains de ces vautours. Il n'osait imaginer l'état de choc dans lequel elle devait se trouver. Elle n'allait pas facilement lui pardonner vu comment elle avait découvert le pot aux roses.
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