CHAPITRE 16 — Sa cousine 16

1298 Words
Jade Je me réveille avant l’aube. Pas parce que j’ai mal dormi. Pas parce que j’ai fait un cauchemar. Non. Je me réveille simplement parce que j’en ai décidé ainsi. Il n’y a pas d’alarme. Pas de bruit. Rien. Juste ce moment suspendu, où la maison est encore engourdie. Et moi, parfaitement réveillée. Lucide. Le lit est confortable. Un peu trop. Les draps sentent la lessive familiale, douce, tiède, presque maternelle. Ce genre d’odeur qui rassure, qui berce, qui fait croire à une vie normale. Mais rien n’est normal ici. Pas depuis que je suis entrée. Il y a un cadre avec des fleurs séchées au mur. Un tapis à motifs. Une lampe en forme de boule. Tout est si propre. Si bien rangé. Si… fade. Je me lève. J’enfile une robe légère, fluide, qui ne crie pas mais qui caresse. J’attache mes cheveux d’un geste nonchalant, laisse deux mèches tomber volontairement devant mes tempes. Je pose un peu de parfum derrière les oreilles. Celui qu’Éric connaît par cœur. Celui qui s’accroche aux draps même quand je suis loin. Celui qui lui revient dans les narines quand il touche sa femme. Je sors de la chambre à pas lents. Pieds nus. Le parquet gémit doucement sous mes talons. Je ne me cache pas. Je traverse le couloir comme si c’était chez moi. Je m’arrête devant leur porte. Elle est fermée, mais je sens. Je ressens déjà leurs présences à travers le bois. Je pose la main sur la poignée. J’ouvre. Elle dort. Clara. En boule sous la couette. Les traits paisibles, presque jolis dans cette lumière pâle. Lui, non. Éric est là, figé. Allongé sur le dos. Les yeux grands ouverts. Il ne bouge pas. Mais son regard me transperce. Il est surpris. Tétanisé. Et il me regarde comme un homme pris la main dans le sac. Non. Pris le cœur dans le feu. Je ne dis rien. Je souris. Et je reste là, debout dans l’embrasure. Simple présence. Déjà intrusion. Je le tiens. Il ne le sait même pas encore, mais je le tiens. Je referme la porte. Tranquillement. Sans bruit. Je redescends. La maison est encore endormie. Parfaite. Je fais couler le café. Je prépare trois tasses. Trois. Comme si j’avais toujours été prévue. Je sors les bols. Le miel. Le pain frais. Le beurre. Je coupe même des quartiers de pomme. Une habitude familiale. Je les observe. Je les avale. Je les recrée. J’ouvre les volets. La lumière du matin se répand sur le carrelage. Et je me tiens là. Dans la cuisine. Au centre de leur monde. Je ne suis plus l’ombre. Je suis la lumière. Et personne ne me voit. Clara descend la première. Elle sursaute légèrement en me découvrant déjà debout, café servi. — Tu es levée depuis longtemps ? demande-t-elle en resserrant sa robe de chambre autour d’elle. — Je suis matinale, je réponds en versant le café. Elle sourit, encore un peu endormie. Elle s’assied, frotte ses yeux. — Tu es déjà bien installée, dit-elle. Tu te sens à l’aise ici ? Je la regarde. Juste une seconde. Pas trop. Juste assez. Je pourrais lui dire tant de choses. Que son mari n’a pas fermé l’œil. Qu’il me regardait comme un naufragé regarde une île. Qu’il pense à moi à chaque fois qu’il l’embrasse, qu’il la touche, qu’il la regarde. Mais je ne dis rien. Je lui tends une tartine. Elle la prend, me remercie. Et ça suffit. Éric descend. Il a les traits tirés, le regard fuyant. Il est pâle. Il n’a pas dormi, c’est évident. Mais Clara ne voit rien. Il s’assied. Elle lui prend la main, il sursaute. Elle ne remarque même pas. — Tu as bien dormi ? demande-t-elle, candide. — Oui, oui… Mensonge. Voix tremblante. Corps trahi. Je croise les jambes lentement, mon genou frôle le sien sous la table. Il tressaille. Je souris dans ma tasse. Je pourrais le faire tomber là, tout de suite, d’un simple effleurement. Mais je ne suis pas pressée. Pas encore. Clara sort déposer leur fille à l’école. Je reste seule avec lui. Il tourne en rond dans le salon, comme une bête en cage. Je l’observe sans un mot. — Tu es folle, dit-il enfin. C’est de la folie, Jade. Je penche légèrement la tête. Un sourire tranquille. — Et pourtant, tu m’as laissée entrer. — C’était une erreur. — Non. C’était ton vœu le plus profond. Tu voulais que je sois là. Que je t’appartienne. Que je t’avale. Il se fige. Je m’approche. Mes doigts frôlent son col. Il frissonne. Il ferme les yeux. Comme s’il priait que je m’éloigne. Ou que je l’achève. — Tu fais semblant de résister, murmuré-je. Mais tu adores ça. Ce théâtre. Ce double rôle. Cette corde raide au-dessus de l’abîme. Il rouvre les yeux. Et il ose : — Tu es un poison, Jade. Je souris, carnassière. — Je sais. Mais c’est moi que tu bois. Chaque nuit. Chaque silence. C’est ma voix que tu entends quand elle te parle. Ma peau que tu cherches dans son cou. Je me colle à lui. Ma bouche à deux centimètres de la sienne. — Ce soir , je t'attends à minuit. Dans la chambre d’ami , pas une minute de plus . Je vois la lutte dans ses yeux. L’envie. La honte. La faim. Et il cède , je le sais . Alors je l'embrasse avec fougue et fureur . Je m'abaisse lentement tout en le regardant droit dans les yeux , je me mets à genoux . Je caresse son sexe à travers son pantalon . Il ferme les yeux et savoure mon contact . Je fais sortir son membre bien dressé ,et je le caresse lentement du bout de la langue . Il frémi à mon contact . Au moment où il pense que je vais l'engloutir , je me relève et lui sussure à l'oreille : — Tu recevras le reste plus tard . Il ouvre brutalement les yeux et me regarde débité et surpris . Je le dépasse pour aller dans ma chambre . La journée continue. Je me fonds dans le décor. Je ris avec sa fille quand elle rentre de l’école. Je l’aide à faire un dessin. Elle me dessine un soleil. Je la félicite. Je cuisine avec Clara. On coupe des légumes. On parle de recettes. Elle me confie qu’Éric est parfois un peu… distant, ces derniers temps. Mais qu’elle ne s’inquiète pas. Il a toujours été comme ça. Je hoche la tête. Je la regarde. Elle est douce. Vraiment. Et je me demande, une seconde, si je pourrais la haïr. Mais non. Elle n’est pas le problème. Le problème… c’est que moi, je suis un vide. Et que je veux qu’il y tombe. Minuit. La maison dort , mais pas moi. Je suis assise sur le lit. Robe noire en soie. Pieds nus. Cheveux lâchés. Je ne bouge pas. La porte s’ouvre. Il entre. Il ferme. Il ne dit rien. Il avance, lentement. Il s’agenouille. Pose son front contre ma cuisse. Et reste là. Je le regarde. Longuement. Je passe une main lente dans ses cheveux. Il respire fort. Il brûle. Je pourrais l’embrasser. Je pourrais le prendre. Mais non. Je veux autre chose, ce soir. Je veux qu’il me supplie sans mot. Je veux qu’il apprenne à attendre. — Tu vois, Éric, murmuré-je… Je n’ai plus besoin de te prendre pour te posséder. Il suffit que je sois là. Que je vive dans ta tête. Dans ton corps. Dans ton mensonge. Il ne répond pas. Il ne peut pas. Et moi, je souris. Parce que je sais. Demain, il mentira encore. Mais moi… je serai là. Dans la cuisine. Dans les draps. Dans la chambre de sa fille. Partout. Je suis chez moi maintenant.
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