La porte d'entrée s'ouvrit pour laisser passer un jeune homme d'une vingtaine d'années. Grand, brun, cheveux courts taillés en coupe, regard gris, nez légèrement pointu, lèvres d'un rose pâle, teint bronzé, il abordait malgré lui un air caractéristique d'un chef de gang. Sa démarche nonchalante mais maîtrisée faisait rouler ses muscles sous son t-shirt noir à manches courtes tandis qu'il prenait place sur le fauteuil bourré devant lui.
- Christian, enfin te voilà, fit froidement un homme assis quelques mètres en face de lui.
Le brun toisa son interlocuteur avec une mine indifférente, interlocuteur à qui il ressemblait diablement. Celui-ci, habillée d'un costume gris impeccable et muni d'une paire de lunettes optiques était occupé à pianoter de ses doigts sur la table de bois qui le séparait du jeune homme.
William DAVIS réajusta adroitement ses lunettes et croisa les jambes dans son fauteuil.
- Sais-tu pourquoi est-ce que je t'ai interpellé ? demanda t-il à l'intention de son fils.
- Je suppose que tu vas toi-même répondre à ta question tout à l'heure, lança l'autre pour toute réponse.
L'homme à la chevelure grise esquissa un sourire, habitué au comportement irritable de son rejeton. Sur ce point là, il ressemblait trait pour trait à sa mère qui elle-même était encore pire. Impulsive et éternelle insatisfaite, Martha était le prototype même de la «femme difficile». Parfois, William se demandait comment est-ce qu'il avait pu gérer une telle créature pendant à peu près trente longues années sans avoir de crise cardiaque.
- Nous avons une réunion importante avec nos investisseurs japonais à Tokyo demain et j'aimerais que tu t'y rendes à ma place. Les détails de la réunion te seront donnés par Kyle pendant le vol; vous partez dans deux heures.
Christian haussa un sourcil, septique.
- Je peux savoir ce qui t'empêche d'aller à cette réunion ? fit-il.
- Je t'en prie Christian. Il faut que tu commences toi-même à t'intégrer à la gestion de l'entreprise familiale. Je ne vais pas tout faire pour toi à moins que tu ne veuilles prendre les rênes après moi.
Le jeune homme émit un grognement en entendant ces paroles. Son père était en train de le mettre indirectement la pression et il n'aimait pas ça.
- Je pensais plutôt que c'est toi qui ne voulais pas me donner ces rênes.
William eut un petit sourire malicieux et retira ses lunettes.
- Je n'ai jamais refusé de te confier l'entreprise familiale. Je n'ai fait que poser une condition primordiale, c'est tout.
- Et en quoi un mariage peut être primordial dans la gestion de notre entreprise ? cracha Christian amèrement.
- Tu aimerais peut-être avoir les Wilson sur le dos parce que moi, non et je veux me débarrasser d'eux une bonne fois pour toute ! s'exclama le sexagénaire avec une pointe de colère.
- Tu n'avais juste pas à passer cet accord de m***e avec eux. T'as pensé uniquement à tes intérêts mais t'as pas songé à moi, ton propre fils, s'emporta Christian.
- Tu baisses d'un ton avec moi, jeune homme !
- Pardon?! T'es allé jouer sur mon destin avec les Wilson et maintenant tu me demandes de ne pas m'emporter ?
- Saches mon fils que dans les affaires, un bon chef se doit d'être un peu égoïste. Si je n'avais pas accepté cet accord, DAVIS HOLDINGS serait mort aujourd'hui et nous serions accablés sous les dettes.
- On aurait pu trouver une autre solution, je ne sais pas mais il y aurait eu un autre moyen pour sauver notre entreprise, p****n !
William leva les yeux au ciel et les reporta sur son fils qui était gonflé de colère.
Cinq ans en arrière, DAVIS HOLDINGS avait rencontré de graves problèmes financiers qui menaçaient de le faire courir à son apogée. William en tant que associé unique de l'entreprise ne pouvait pas supporter une telle chose alors il a fait ce qu'il croyait juste : accepter l'aide de Lewis Wilson. Celui-ci était le plus gros de ses investisseurs financiers et avait donc proposé de l'aider à relever son entreprise et donc de devenir actionnaire mais à une seule condition: Dès qu'il se verra prêt à passer les rênes de son entreprise à son fils, ce dernier devra épouser sa fille. De ce fait, Lewis assurait le versement de ses parts de dividendes sur le compte bancaire de sa fille et aussi un bon parti pour elle. Les Wilson sont des gens très égoïstes qui ne pensent qu'au profit. Lewis avait toujours rêvé que sa fille épouse un homme d'affaires puissant et lorsque l'occasion des Davis s'est présentée, il n'avait pas hésité à la saisir.
William savait que ça allait être difficile de convaincre son fils à épouser la fille de Lewis mais il savait à quel point Christian était intelligent.
- Maintenant qu'on y est, as-tu quelque chose à proposer pour éviter ce mariage ? demanda t-il.
Le jeune homme au regard gris se leva de son fauteuil pour faire les cent pas. Il passa une main sur son visage et laissa échapper un soufflement témoignant de son exaspération.
- Ce qui est sûr, je n'épouserai pas Shany Wilson. Plutôt me marier à une p**e que cette fille. Je refuse catégoriquement! clama t-il.
- Et comment comptes tu posséder pour éviter cette union ?
- Il n'aura rien à faire pour éviter cette union puisqu'il va se marier à Shany, fit une voix féminine derrière eux.
Christian n'eut même pas besoin de se retourner pour voir à qui il avait à faire. Ce ton sec et ce parfum aux senteurs de fraises n'étaient caractéristiques que d'une seule et unique personne dans cette villa: Martha DAVIS.
La femme aux cheveux blonds pâlis par le temps et aux yeux bleus s'avança prestement dans le bureau en faisant claquer ses talons sur le sol carrelé. William fronça les sourcils en voyant sa femme dans cette pièce sans qu'il ne l'y ait convié.
- Tu ne peux tout simplement pas respecter mes ordres lorsque je dis que je veux parler seul et en toute confidentialité avec mon fils ou toquer à la porte avant d'entrer ? Jetta t-il.
Martha aborra une mine hautaine en toisant son époux.
- Quel est le mal en tant que mère et épouse d'entrer ici sans toquer ? Dois-je comprendre que Christ et toi voudriez me cacher des choses ?
- Et où est le mal de te cacher des choses? Chacun a droit à ses secrets, je penses, réagit aussitôt Christian.
La femme écarquilla les yeux et fit quelques pas en direction de son fils. Celui-ci dû baisser la tête pour capter son regard parce que même malgré ses talons hauts, elle ne lui venait toujours pas à l'épaule.
"Normal quand elle est à 1m55 alors que toi tu es déjà à 1m89. Même avec des talons hauts de 10cm, elle aura encore du chemin à faire" marmonna sa conscience en mâchant du chewing-gum.
- Serais-tu en train de te retourner contre moi, mon chaton ?
- Arrête de m'appeler comme ça maman, je n'ai plus six ans, grommela le jeune homme en reprenant sa place sur le fauteuil bourré.
- Oh, tu as raison mais j'arrive pas à réaliser à quel point tu as grandi. Surtout quand je penses que tu vas te marier bientôt...
- Martha! tonna William en la coupant brusquement.
- Quoi? Il va bien se marier non? En plus j'ai déjà eue l'occasion de rencontrer Shany Wilson plusieurs fois. C'est une très belle fille, elle est digne de notre fils. Ce mariage sera le plus réussi de tout les temps, s'extasia t-elle.
- Rêves pas maman. Je n'épouserai que la femme que j'aime et ça s'arrête là !
Les yeux de Martha se mirent à lancer des éclairs glacés.
- Ne t'avises pas à détruire ce que ton père et moi avions difficilement construit avec ton entêtement, jeune homme, lança t-elle durement.
- Ça suffit ! Nous mettons cette discussion à plus tard. Christian doit prendre un vol pour Tokyo dans quelques instants et je ne voudrais pas qu'il soit en retard parce que nous nous sommes éternisé sur des futilités, intervint encore une fois William
Son épouse leva les yeux au ciel avant de s'adoucir.
- D'ailleurs, je n'étais pas venu pour ça.
Tout est prêt à la Villa des Neiges pour le bal du réveillon de Noël.
Nos stylistes seront présents demain soir pour l'essayage de nos tenues.
- Parfait ! fit William en tapant dans ses mains.
- Et oh, Rosalie sera là ce soir, informa t-elle.
- En voilà une qui ne m'a pas manqué du tout, marmonna Christian en se levant de son siège.
- J'avais oublié à quel point ta vie sans elle n'avait plus de sens, ironisa le sexagénaire en grimaçant.
Rosalie et Christian sont deux éternels opposés. Si la première était pleine de vie avec un humour contagieux, ce n'était pas le cas du second qui avait un caractère de cochon grillé. Rosalie était âgée de deux ans plus que son frère mais à les voir, on aurait dit le contraire.
À chaque fois qu'elle rentrait à la maison et qu'elle y trouvait son petit frère, c'était un c*****e. Elle le réveillait personnellement chaque matin avec des verres d'eau glacée, elle le forçait à prendre des Snapchat avec elle ou encore elle le poursuivait dans toute la maison dans l'espoir de le maquiller. Christian n'avait plus la paix mais il se devait de reconnaître que même si elle en faisant trop, les enfantillages de sa grande sœur l'amusait beaucoup. Il se sentait moins renfermé et plus vivant avec elle mais ça, il se gardait de lui dire; trop fidèle à son égo propre.
Une petite sonnerie interrompit le cours de ses pensées alors que son père fixait l'écran de son portable, impassible.
- Bon, je crois qu'il est l'heure pour toi d'aller t'apprêter mon fils. Le jet viens d'arriver, annonça William.
Christian hocha la tête et se dirigea illico presto vers la sortie.
- Bon voyage, mon chaton! envoya Martha.
Le brun envoya un regard désapprobateur à sa mère avant de quitter définitivement le bureau...
Et voilà ! Notre second personnage principal vient de s'introduire dans l'histoire. Pas mal hein ?
À bientôt ! Bisous bisous !