Chapitre 4

984 Words
Chapitre 4 : — Docteur Roman ! lança l’infirmière en haletant. Il ne prit même pas la peine de l’entendre. D’un pas sec, il s’avança vers Patricia, lui agrippa violemment le poignet et l’arracha du chevet de la malade. — Je… je tentais une réanimation… elle est en danger de mort, bredouilla Patricia, suffoquée par la pression de sa poigne et par la flamme glacée de son regard. Sa colère vibrait comme une lame prête à s’abattre, et Patricia comprit qu’il n’existait aucune échappatoire. — Qui t’a autorisée à la toucher ? rugit-il. Le son de sa voix la figea, et ses yeux se remplirent de larmes qu’elle tenta de retenir. Son assurance se dissolvait sous ce regard noir. Comment avait-elle seulement pu croire pouvoir soutenir un duel face à lui ? — Je me porte garante ! répliqua l’infirmière qui l’avait entraînée ici. La patiente doit recevoir de l’aide, laissez-la continuer ! Patricia crut respirer à nouveau. Mais le répit fut bref. — Et toi, si elle meurt, paieras-tu le prix de ta vie ? rétorqua Roman, toujours rivé sur Patricia. La défenseuse se tut, frappée de stupeur. Patricia, le cœur en déroute, pria intérieurement que tout cela s’achève. — Vous me faites mal, souffla-t-elle à voix basse. Mais au lieu de la lâcher, il resserra son emprise. Elle étouffa un gémissement. Puis, brusquement, il la tira vers lui, si près que leurs souffles se mêlèrent. Leurs visages séparés d’un souffle, Patricia croisa ses prunelles abyssales. Elles l’effrayaient autant qu’elles l’attiraient. Ses yeux glissèrent malgré elle sur l’encre sombre qui marquait sa peau : un mot gravé, implacable — *mort*. Un frisson parcourut son dos. Ses souvenirs des tyrannies familiales s’effacèrent devant l’évidence : cet homme dépassait de loin tout ce qu’elle avait connu en cruauté. — Si elle s’éteint, tu l’accompagnes, murmura-t-il, la voix glaciale. Enfin, il la relâcha. Patricia chancela, encore secouée, quand l’infirmière la rappela à l’ordre : — Ne restez pas plantée là ! Continuez ! Reprenant contenance, Patricia remonta sur le lit et poursuivit ses compressions. Cinq longues minutes s’écoulèrent, ses bras lui semblant peser une tonne. Au moment où elle pensait n’être plus qu’à bout, la patiente inspira soudainement. Patricia écarquilla les yeux, un rire nerveux s’échappa de sa gorge, des larmes de soulagement roulant sur ses joues. — Vous me voyez ? Combien de doigts ? demanda-t-elle en agitant sa main. — Qua… quatre, murmura la malade, d’une voix d’abord brisée, puis plus ferme. Patricia recula, encore essoufflée. — Donnez-lui de l’eau, et préparez un traitement, ordonna-t-elle. Une voix derrière elle coupa court à toute autre parole : — Conduisez-la dans mon bureau. Lorsqu’elle se retourna, Roman n’était déjà plus là. — Merci, souffla l’infirmière, avant que l’assistante de l’homme ne s’approche. — Mademoiselle, suivez-moi, dit Kay avec calme. Patricia acquiesça. Son sac ! pensa-t-elle soudain. L’infirmière le lui tendit juste à temps, et elle se hâta de rejoindre Kay. Son premier jour n’avait pas encore pris fin qu’elle avait déjà provoqué la fureur du maître des lieux. Elle se disait qu’elle n’en ressortirait pas indemne. Mais si elle obtenait le divorce, l’humiliation en vaudrait la peine. Le bureau où elle fut introduite dépassa toutes ses attentes : vaste, aménagé comme un refuge, avec un coin qui ressemblait à un appartement privé, et même une salle de sport. Tout respirait l’homme qui vivait pour son travail… et pour son pouvoir. — Elle est arrivée, annonça Kay avant de s’éclipser. Seule, Patricia serra son sac contre elle. Elle évalua la distance qui la séparait de la porte, prête à fuir si nécessaire. Roman, assis de dos, paraissait une silhouette sculptée dans l’ombre. Ses épaules larges, sa nuque sombre… Il dégageait une puissance qui semblait écraser l’espace. Elle pensa, malgré elle, qu’un tel homme devait être entouré de femmes chaque nuit. Puis elle chassa cette idée absurde : elle n’était pas là pour ça. Il parla soudainement, sans tourner la tête : — Qu’est-ce que tu veux ? Argent ? Ou bien coucher avec moi ? — Quoi ? s’étrangla-t-elle. Il se redressa, sa voix tranchante : — Je ne gaspille pas mon temps. Réponds. Le sol vibra presque sous ses pas lorsqu’il se tourna et s’avança vers elle. Patricia recula d’instinct, le cœur affolé. — Je… je ne demande rien. Je n’attends rien de vous, dit-elle en baissant les yeux. — Alors, tu soignes une inconnue, dans MON hôpital, simplement par charité ? siffla-t-il. — Je… je viens à peine d’être recrutée. Je n’avais pas encore signé. Mais je n’ai pas pu détourner le regard. La patiente s’étouffait, j’ai agi, murmura-t-elle. Le silence tomba. Puis, brusquement, il lui saisit la mâchoire. La douleur la fit crier. — Qui t’a envoyée ?! Était-ce lui ?! Terrifiée, elle tomba presque à genoux, une larme s’échappant malgré elle. Sa voix trembla, mais elle parla : — Je… je suis venue pour te demander le divorce. Nous sommes mariés. Ses doigts se desserrèrent. Ses sourcils se haussèrent. Patricia, massant sa mâchoire, poursuivit avec courage : — C’est insensé, je sais. Mais c’est la vérité. Nous avons un acte légal, et je veux y mettre fin. Elle fouilla dans son sac, sortit une feuille pliée qu’elle déploya devant lui. L’acte de mariage. Roman le parcourut d’un regard froid. — Étonnant, dit-il. Tu es la première à me l’apporter ainsi. Les autres n’osaient pas. Il tourna les talons, comme si tout cela n’avait aucune importance. — Attendez ! cria-t-elle, courant derrière lui. Je ne comprends pas comment c’est arrivé, mais aidez-moi à l’annuler. Ensuite, je disparaîtrai de votre vie. — Et que feras-tu, maintenant que tu travailles ici ? lança-t-il sans se retourner. La prochaine fois que nos chemins se croiseront, tu seras renvoyée. Sors. D’un geste sec, il ouvrit une porte annexe et disparut. Patricia fit un pas pour le suivre, mais deux silhouettes imposantes surgirent aussitôt : ses gardes du corps.
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