1670

610 Words
1670Je … je ne vous donnerai pas mon nom, mais ma famille était l’une des plus vieilles de cette région de … où nos terres s’étendaient à perte de vue, à travers vallons, collines et forêts grouillant de gibiers. Une eau pure serpentait à travers nos domaines. Je me souviens de moi encore enfant et déjà en proie à la mélancolie, venir m’asseoir sur une grosse pierre tout près de cette eau chantante ; j’y plongeais ma main, l’eau froide caressait ma peau, j’oubliais tout et alors je pouvais communier avec la nature tout autour de moi. Je devenais attentif au moindre bruit, l’éclat de l’eau et sa musique berçaient mon âme et je me surprenais même à sourire. Tout devenait si calme, si simple, si beau ; de la chaleur enveloppait tout mon être, j’étais si bien, plus rien n’avait d’importance, juste le bruit de l’eau et ses caresses. Le temps n’avait plus court, le temps n’était plus ce cadre familier de toutes ses maudites et longues minutes qui s’écoulent, inéluctables et souvent cruelles. Pour moi, le sablier du temps qui passe n’existait plus dès lors qu’enfant, j’étais là, silencieux, près de l’eau qui court sur les galets endormis. Et je pouvais rester là des heures entières, mon esprit errait ça et là à travers mes pensées les plus sombres, les plus secrètes. Et j’aimais tant vagabonder sur ces terres qui m’avaient vu naître, puis dépérir et qui maintenant me devinent vouloir mourir près de celle qui fut la seule vraie lumière ayant jamais illuminé mon cœur et mon âme. Je suis né un matin d’avril 1665, dans cette ville de Londres. La pluie frappait les fenêtres de cette chambre qui me vit naître. Dehors, un ciel ténébreux pesait de tout son poids et semblait vouloir étouffer la vie. Cette pluie s’écrasait sur les pavés comme pour balayer crasse et ordures amoncelées. Et ce vent qui frappait les visages, ralentissait la marche d’hommes trop pressés voulant fuir une certaine réalité … la réalité crue de l’existence elle-même. L’humanité évolue dans un parfait mécanisme de sombre réalité. Je nais, je suis enfin moi, et pour combien de temps ? Avril, une pluie en furie, si forte, si glacée ; elle voulait assurément assouvir un noir dessein. Frapper encore et encore ces visages, leur faire mal. Elle qui désirait tant brouiller leur réalité tout en obscurcissant les formes spectrales de leur environnement familier. La pluie tombant en trombe qui déforme la rue, renforce ses secrets, trompe le passant. La pluie qui efface tout repère. Et l’on peut avoir peur, car la pluie battante, frappante et noire se déverse, gangrenant la ville. La pluie sombre s’abat tel un cortège funèbre qui avance à grands pas pour célébrer la Mort et ses paires. Et moi, je nais. Ma famille, pour quelque raison obscure que je ne sus jamais, des hasards de fortune peut-être, resta à Londres et ce, jusqu’au jour de mon baptême. Et en cette grande église de … en plein cœur de Londres, le 3 septembre 1666, je fus baptisé. On avait préparé mon âme pour le paradis. On m’avait sauvé, sauvé du péché originel, mais peut-être aurait-on du m’immerger entièrement dans cette eau lustrale et m’oublier afin que je ne puisse jamais regarder la lumière. Et nous rejoignîmes nos terres situées à des lieues et des lieues de Londres, capitale d’une moitié du monde. Et Londres s’éloignait. Et si l’on avait fait attention à mon regard ce jour-là, on aurait pu y voir une étrange lueur dans mes yeux, comme s’ils étaient dévorés par des flammes, ardentes et belles, et qui dépassaient le ciel pour annoncer une nouvelle mortifère aux anges perdus dans les cieux, ceux-là même, faisant sonner leur trompette de mélodies pleines de louanges à Dieu. Ces flammes dans mes yeux étaient comme le prélude à une vie faite de déceptions, de désillusions et de tristesse malgré la passion qui allait bouleverser la fin de ma vie.
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