1671

682 Words
1671Un manteau lactescent recouvre mon royaume. J’aime le blanc de la neige, j’aime quand elle n’est pas souillée par des traces de pas, j’aime la voir immaculée. Je me souviens, je suis non loin du château, je pouvais entendre les cris de ma mère qui m’appelait. Moi, je restais muet à ses suppliques, et à la croisée d’un chemin, le visage levé vers le gris du ciel, les bras en croix, les paumes de mes mains offertes à la voussure céleste, je recevais la neige qui tombait, froide et pesante. Moi, les bras en croix, les prières de ma mère, la petite colline où je me tenais près du château, j’étais entouré d’un linceul de blancheur. Je ne pouvais plus bouger, j’étais comme sous l’effet d’un charme. La douceur glacée de la neige qui fondait sur mes mains m’enivrait, j’expérimentais sans en avoir conscience, sans pouvoir mettre un mot sur cette sensation, un moment de bonheur, fragile, fugace. Je souriais. Je sentis un poids sur mon épaule. La main de mon père qui était là, je devais rentrer au château, je ne devais pas attraper froid, je devais rassurer ma mère. Tout d’un coup, le paysage blanc s’était transformé. Sorti de la rêverie par la brusquerie de mon père, je ne voyais plus la beauté de la neige. En un geste, il avait réussi à inverser mon extase. Je regrettais qu’il soit venu me chercher, je regrettais qu’il fut là, avec moi ; car il avait brisé le charme sous lequel j’étais, sous lequel j’aurais voulu rester pour une éternité. Arrivés au château, la neige ne tombait plus. On me frictionna devant la grande cheminée de la salle à manger et les flammes dans mes yeux esquissaient la peine que j’éprouvais. A ces silhouettes, j’aurais voulu dire toute ma déception, mais je restais muet ou n’osais parler. Le feu dans la cheminée crépitait, des étincelles venaient piquer ma peau nue, je tendais les paumes de la main vers ce feu, mes yeux étaient clos, je levais la tête vers le haut plafond sinistre de la pièce, mon esprit murmurait mille choses que je n’arrivais pas à déchiffrer. Je me mis à genoux devant ce feu, les paumes toujours tournées vers lui, le regard maintenant sur ce même feu grimaçant de douleur, je me mis à verser une larme qui s’écoula jusqu’à ma bouche et seul son goût salé me fit prendre conscience de sa présence sur mon visage. Je brûlais d’une fièvre intérieure, d’une vive agitation qui assombrissait mes états d’âme. A quoi bon finalement appartenir à cette humanité. Je n’en voulais pas. Je me suis approché de la fenêtre, celle tout près de la cheminée, son feu semblait deviser dans mon dos avec les flammes des lourds chandeliers tout à côté. Et j’admirais un soleil périssant qui semblait vouloir emporter avec lui le manteau de neige. De larges b****s rougeoyantes parcouraient un sol froid et laiteux et j’imaginais cet astre incandescent et d’or triste tirant sur ces b****s afin de les attirer vers lui. J’imaginais ce soleil vouloir me ravir un peu de ce qui avait été pendant un instant, mon moment de bonheur. Mais le soleil disparaissait et la nuit croissait dans le déclin de ce jour, la neige se remit à tomber, je souris, j’étais seul dans cette grande pièce, j’aurais voulu de nouveau sortir et sentir la neige choir sur moi. Mais je restais à ma fenêtre, incapable de bouger, bercé et charmé par le spectacle de cette neige qui tombait, la vie à l’extérieur se résumait à une couleur noire surprenante, belle et à du blanc que la lune dans son infinie tendresse rehaussait de sa propre lumière blanche. Les deux couleurs représentaient un rêve encore flou à l’époque, l’union antinomique peut-être de deux personnes. Je ne sais pas. Et ces souvenirs d’enfance qui me déchirent, c’est si loin, je ne sais plus si j’ai vraiment vécu tout ceci. Je la regarde encore, encore et toujours et je ne peux m’empêcher de lui dire qu’elle est belle, qu’elle est lumineuse. Je soupire, je prends une autre feuille de papier, je trempe ma plume dans l’encre noire, je continue car je sens ma volonté faiblir, il me tarde tant … et je ne veux pas prolonger son attente …encore des mots, encore des phrases … encore des larmes … toujours la nuit autour de moi, autour de nous …
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