Pdv Ambers
Quand j’entre dans la classe, le silence tombe comme une enclume.
Les regards fusent dans ma direction, certains choqués, d’autres admiratifs, d’autres… prudents.
Je me met à côté de Beverley.
— Tu vas bien ? Me demande-t-elle en chuchotant, les yeux rivés sur ma mâchoire crispée.
— Très bien, répondis-je d’un ton sec.
— Hmm… mens encore, pour voir.
Je souffle, exaspérée.
— C’est rien, Bev. Juste une journée de merde.
— Une journée de merde où tu as encore failli envoyer quelqu’un aux urgences.
— Il l’a cherché.
— Oui, mais… un stylo, Ambers ? Un. Stylo.
Je détourne le regard.
— Il m’a provoquée. Il croyait m’intimider.
— Et tu pouvais pas juste… je sais pas… le pousser ?
— Je me suis retenue.
— ÇA, c’était te retenir ?
Elle soupire.
— Ok. Très bien. J’arrête de faire la psy. Mais juste… reste calme. Parce que là, tout le monde te regarde comme si t’allais exploser.
Les yeux braqués sur moi.
Les murmures et respirations retenues.
Et puis… lui.
Le nouveau.
Assis là, un bandage propre autour de la main, le coude posé sur la table, me fixant sans aucune gêne.
Pas un brin de peur.
Pas un brin de honte.
Juste un sourire insolent, à peine levé.
Beverley suit mon regard et grogne.
— Il te regarde encore.
— Je m’en fiche.
— Ouais, c’est ça, tu t’en fiches tellement que t’es sur le point de broyer ton stylo.
Je regarde ma main.
Le plastique est en train de se fissurer sous mes doigts.
— Je vais le tuer, murmuré-je.
— Non, tu vas respirer, corrige Bev. Et tu vas surtout éviter de provoquer un deuxième passage à l’infirmerie.
Je ferme les yeux, inspire.
Quand je les rouvre, Josh est toujours là.
Et soudain… il lève la main — la bandée — et m’adresse un petit salut comme si on était potes.
Beverley s’étouffe.
— Il est suicidaire ou quoi ?
— Visiblement.
Un brouhaha discret traverse la classe.
—Si Ambers ne le tue pas c'est moi qui vais le faire!
— Il est fou ? Il veut mourir ?
— Elle va le frapper…
Je me retourne brusquement.
— Tu veux quelque chose ? demande-t-il, faussement poli.
Je le fixe froidement.
— La prochaine fois que tu m’insultes, je ne viserai pas la main.
Des frissons parcourent la classe.
Josh rapproche sa tête de la mienne, sans perdre son sourire.
— Et si t’arrêtais de jouer à la reine glaciale deux minutes… tu pourrais peut-être admettre que t’as eu tort.
Un écho de stupeur éclate dans la salle.
Je plisse les yeux.
— Je n’ai jamais tort.
— Tu m’as transpercé la main pour un mot, Ambers.
Il hausse les épaules.
— On peut dire que t’as légèrement abusé.
— Pas suffisamment, répliqué-je.
Beverley intervient enfin, surgissant à mes côtés, paniquée :
— Ok, ok, on se détend ! Ambers, respire. Josh, tais-toi.
Il secoue la tête, amusé.
— C’est fou comme tout le monde a peur d’elle.
Il me fixe.
— Sauf moi.
Je me penche vers lui, lentement, dangereusement.
— Ça viendra.
Les murmures reprennent.
Beverley me saisit doucement le bras.
— Ambers… arrête.
Je la regarde, puis Josh.
Et le reconcentre sur mon carnet.
Le professeur entre à ce moment précis, ignorant complètement qu’il vient de marcher sur un champ de mines.
PDV de Josh
Elle tourne la tête. .
Moi ?
Je suis calme.
Mais intérieurement… je suis en train de rire.
Cette fille est un volcan.
Un volcan qui choisit quand il va détruire une ville.
Le prof commence son cours. Ambers… tente de faire semblant de prendre des notes.
Sauf que je vois ses épaules tendues.
Je souris.
Elle est différente.
Pas “méchante”.
Juste… "différente".
Je prête zéro attention au cours.
Je suis occupé à l’observer en douce.
Elle finit par tourner la tête.
Une micro-seconde.
Juste assez pour croiser mes yeux.
Elle détourne aussitôt.
Ouch.
Touché.
Je ricane pour moi-même.
À côté de moi, Nico pose brutalement son stylo et m’assène un coup de coude discret.
— T’es inconscient, souffle-t-il entre deux lignes d’intégrales.
— J’appelle ça vivre, mec.
— Tu vas surtout mourir.
— Elle m’a planté un stylo dans la main, pas un couteau. Je suis encore là.
— Et elle peut viser plus haut la prochaine fois.
Je lève ma main bandée.
— Une preuve de son affection, sûrement.
Nico me fixe avec l’air le plus blasé de la Terre.
— T’es timbré. J’te le dis clairement.
Je ne réponds pas.
Nico baisse la voix.
— Je vais pas tourner autour du pot : excuse-toi.
— Pardon ?
— Tu m’as très bien entendu. Tu vas t’excuser.
Je hausse un sourcil.
— Pourquoi je ferais ça ?
— Tas vu comment elle est ? Elle est agressif mais aimé. Et aujourd’hui…
Il soupire.
— Aujourd’hui, elle était pas bien. Rien à voir avec toi, rien à voir avec ton ego.
Son regard devient sérieux.
— Si tu veux pas finir à l'hôpital ou te faire détester pour rien… excuse-toi. Pas pour la main. Pour l’avoir provoquée.
Je cligne des yeux, surpris.
— Depuis quand tu joues les grands frères ?
— Depuis que je t’ai traîné jusqu’à l’infirmerie, espèce d’idiot.
Point pour lui.
Je souffle, m’affale dans ma chaise.
— Ok… je vais y penser.
— Non, pas “y penser”. Fait-le.
— Ça dépend de son humeur.
— Ah bah super, t’es mort alors.
J’éclate de rire, mais je sens que derrière son humour, Nico s’inquiète vraiment.
Pour moi.
Mais surtout pour elle.
Je jette un regard vers Ambers.
Elle écrit.
Ou du moins fait semblant.
Mais ses doigts tremblent légèrement.
Ouais.
La journée l’a bousculée.
Peut-être que j’ai été con.
Peut-être que j’aurais pu éviter le commentaire qui a déclenché cette explosion.
Peut-être…
La porte claque d’un coup.
Le prof lève un sourcil.
Un mec entre.
Grand. Sec. Le regard dur.
Il balaye la classe du regard, puis fixe Ambers.
Les yeux brillant.
Intéressant.
Nico souffle :
— Merde… voilà Thomas.
— Thomas ?
— Son ex. Le con de service. Dit-il. Et crois-moi, ce mec… c’est de la nitroglycérine humaine.
Thomas avance dans l’allée, s’arrête juste à côté de la table d’Ambers.
— Sérieux ? Tu compte m'ignorés jusqu'à quand ?
La classe se fige.
Même l’air se crispe.
Ambers se retourne lentement.
Très lentement.
Sa bouche se tord en un sourire dangereux.
Je connais déjà ce sourire.
C’est celui qu’elle m’a adressé avant de presque me transformer en kebab.
Thomas souri.
— Ne me regarde pas comme ça, je veux juste récupérer .
Je me lève sans réfléchir.
Nico me tire par la manche.
— Josh ! T’es un fou !
— J’aime cette ambiance, ça me stimule.
— C’est pas un terrain de jeu !
— Et pourtant, j’ai l’impression que si.
Je marche vers lui.
Les regards me suivent.
Le prof arrête d’écrire et attend la suite des événements.
J’arrive à côté de Thomas.
Il me détaille comme si j’étais un moustique.
— Quoi ? Tu veux aussi mon stylo dans ta main ? me balance-t-il.
Je souris.
Il est sérieux?
— Non. Je veux juste t’aider.
— À quoi ?
— À fermer ta bouche.
Oh, ça… ça fait réagir la classe.
Thomas se rapproche.
— T’es qui, toi ?
— Le mec qui a survécu à elle.Je pointe Ambers du menton.Toi, visiblement, t’as pas réussi.
Un “ouuuh” collectif surgit.
Ambers passe sa main sur son visage, désespérée.
— p****n… souffla-t-elle.
Thomas me pousse de l’épaule.
— Dégage. Tu sais pas dans quoi tu mets les pieds.
— Toi non plus, mec. Ça te tuerait d'arrêté de t’en prendre à elle ?
Il éclate de rire.
— Tu comprends rien.
Il regarde Ambers.
— Elle m'ignore mais elle est à moi...
Ambers claque sa table du poing.
Tout le monde sursaute.
Même moi.
Ses yeux…
Froids.
Prêts à réduire quelqu’un en miettes.
— Continue une seule phrase, Thomas, et je t’arrache la langue avec les dents.
Silence.
Total.
Thomas recule de deux pas.
Je souris.
— Voilà. Ça c’est la Ambers que je préfère.
Elle me fusille du regard.
— Ferme-la, Josh.
Je lève les mains.
Ok. Message reçu.
Nico se lève à son tour.
— Allez, c’est bon ! Thomas, dégage. Josh, arrête. Ambers, respire. J’en peux plus de vous.
Thomas marmonne un truc et retourne s’asseoir, vexé.
Ambers reprend sa place sans un mot.
Moi aussi.
Une fois assis, Nico souffle, épuisé :
— Tu veux mourir jeune, c’est ça ?
— Peut-être.
— Si tu continues comme ça, elle va te détruire.
Je souris.
— Peut-être… ou peut-être pas.
Je regarde Ambers.
Elle fixe son cahier, mais ses épaules tremblent encore.
Et là, quelque chose se coince dans ma poitrine.
Nico a raison.
Il va falloir que je m’excuse.
Pour vrai.
Et surtout…
Il va falloir que je comprenne ce qui brille derrière sa colère.