Chapitre 2

795 Words
Chapitre 2 Le cri muet de ma dignité brisée se perdit dans la musique du bal. Marc se détourna de moi avec un sourire acéré, celui d’un homme qui savourait sa cruauté. Ses dents étincelèrent lorsqu’il prononça, d’une voix basse mais claire : — Tu pensais vraiment que la Déesse unirait mon destin au tien ? Regarde-toi, Meredith… une aberration sans loup, une malédiction vivante. Des rires éclatèrent, tranchants, s’infiltrant dans chaque recoin de la salle. Je restai figée, incapable de respirer. Ce soir aurait dû être ma rédemption, le moment où la Lune me pardonnerait enfin. Au lieu de ça, elle me condamna devant tous. Les regards me transperçaient. La honte montait comme un poison dans mes veines. Même ma propre famille, postée au fond de la salle, baissait les yeux comme si je n’existais plus. Je refusai de fléchir. Les larmes brûlaient mes paupières, mais je les refoulai avec rage. Pas ici. Pas maintenant. Marc s’éloigna, la main enlacée à celle d’une autre. Et alors que son rire se mêlait à celui des convives, une chaleur étrange monta en moi. Mon corps me trahit. L’odeur. Ce parfum maudit qui n’appartenait qu’à moi – sauvage, envoûtant, incontrôlable. Les phéromones d’une louve désespérée. Le silence tomba d’un coup. Puis, des respirations saccadées. Des gorges serrées. Des mâchoires crispées. Certains hommes se raidissaient, les yeux écarquillés, les pupilles fauves. D’autres luttaient contre l’instinct qui les poussait à s’approcher. — Bon sang… elle sent le péché. — Ce n’est pas normal… — Reprenez-vous, l’Alpha regarde ! Les murmures serpentaient entre les invités, lourds de mépris et de curiosité malsaine. — Elle ose libérer cette odeur, ici, juste après son rejet ? — Elle cherche à exciter toute la salle ! — Quelle honte pour la lignée Carter. Chaque mot était une flèche plantée dans ma chair. Je voulais disparaître. Tremblante, je fouillai dans ma pochette à la recherche de mon flacon de parfum. Mais avant que je puisse lever le bras, un geste sec déchira le voile qui couvrait mon visage. Le tissu s’envola comme une plume arrachée. Un souffle collectif parcourut la foule. Ma cicatrice, celle qui barrait ma joue gauche, se dévoila sous les lustres. Un rire féminin retentit, cristallin et cruel. — Charmante tentative, Meredith, ricana Cora Nightshade. Qui voudrais-tu séduire avec cette gueule-là ? Elle s’approcha lentement, les yeux pleins de haine triomphante. Cora, ma vieille rivale de l’université, celle qui m’avait toujours enviée avant que le sort ne me détruise. Sa voix dégoulina de venin tandis qu’elle planta son doigt contre mon cœur. — Regarde-toi. Une fille maudite qui ose encore espérer. Je ne répondis pas. J’aurais voulu partir. Respirer ailleurs. Mais elle ne m’en laissa pas le temps. Une poussée violente me fit basculer en avant. Mon corps heurta le sol dans un bruit sec. La douleur remonta le long de ma hanche jusqu’à ma gorge. Les rires éclatèrent de nouveau, plus forts, plus sûrs d’eux. — Pathétique. — Même son odeur ne suffit pas à la sauver. Je serrai les dents. Les larmes roulèrent malgré moi, brûlantes, amères. Mais je jurai de ne pas pleurer pour eux. Pas pour cette meute qui m’avait déjà condamnée. Mon regard chercha instinctivement mon père. Il se tenait au fond, impassible, les poings crispés. Ses yeux s’assombrirent quand il me vit au sol. Un pas. Puis un autre. Il allait venir. Pas pour moi, mais pour sauver la réputation du Bêta qu’il était. Mais une main se posa sur son bras. Gary. Mon frère. Il murmura quelque chose à notre père, assez bas pour que je ne l’entende pas. Ce que je vis, pourtant, me coupa le souffle : il secoua la tête. Refusant. Il le retenait. Il lui interdisait de m’aider. Je crus que mon cœur allait s’arrêter. Je me relevai maladroitement, vacillante, les jambes tremblantes. Le monde autour de moi tanguait. Les sons devinrent lointains. Ma honte me submergeait, mes phéromones se mêlaient à l’air, chaotiques, suffocantes. Et puis tout s’éteignit. Une nouvelle odeur se répandit dans la salle. Féroce. Dominante. Sauvage. Les conversations cessèrent instantanément. Un silence épais s’abattit, brisant l’atmosphère comme une tempête. — Que se passe-t-il ici ? La voix. Grave. Commandante. Glaciale. Je levai les yeux. Lui. Draven Oatrun. L’Alpha des Fourrures Mystiques. Celui dont le nom suffisait à faire plier les genoux des plus puissants. Il avançait lentement, majestueux dans son costume noir, chaque pas faisant plier l’air autour de lui. Ses yeux d’or sondèrent la salle avant de se fixer sur moi. Tout vacilla. Mes phéromones s’éteignirent d’un coup, comme une flamme privée d’air. Mon corps tout entier se tut, soumis à sa présence. Le monde s’effaça. Il ne resta que lui. Draven s’approcha encore, son regard inébranlable rivé au mien. Et moi… j’oubliai de respirer.
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