Chapitre 1
La pluie tombait depuis plus d'une heure maintenant, le froid nocturne commençait à se faire ressentir, la musique tapait fort dans les oreilles de tous ses corps en sueur qui mélangeaient leur solitude ensemble, le frottement des peaux entre elles montrait à quel point la désespérance s'était emparée d'eux tout entier. L'odeur de la beuh enivrait l'atmosphère de la pièce enfumée, l'alcool giclait au sol sur les talons des jeunes demoiselles qui cherchaient un certain réconfort auprès de la gent masculine, qui eux en profitaient pour placer leurs mains un peu partout. Les corps se mélangeaient pour ne plus former qu'un, sur les battements de la musique les lèvres s'entremêlaient avec une certaine lenteur et un certain désir.
Au fond de la pièce principale qui faisait office de piste de danse se trouvait Eden, les yeux gorgés de sang, la peau moite, un joint qui fumait tranquillement entre ses doigts et la fin d'un flash de rhum qu'elle apportait à sa bouche pour en finir le contenu. Son regard se portait lentement sur tout ce qui l'entourait, toutes ces personnes hors d'elles-mêmes, dans un état second pour essayer de combler le vide qu'ils ressentaient au fond d'eux.
Eden aurait aimée pouvoir dire que tout cela était pathétique mais elle était comme eux, alors elle se contentait d'observer sans porter de jugement.
- Ah tu es là ! Tu ne sais pas à quel point j'ai galéré à te chercher partout, cet appart est immense, je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde à cette soirée, s'exclamait une jeune brune aux légers traits asiatique.
- Ouais, je me casse de toute façon, répondait Eden.
La jeune brune alcoolisée et droguée avait du mal à se relever de son tabouret en cuir noir, mais elle ne supportait plus l'idée de voir tous ces gens agir de la sorte et de les juger tandis qu'elle faisait pire à côté.
Elle regardait une dernière fois sa meilleure amis avant de tourner les talons en quête de la porte d'entrée et allait devenir son échappatoire, mais elle l'a retenue par le poignet.
- Eden, tu fais quoi ? Ça fait deux heures qu'on est là seulement, Dimitri nous a invité toutes les deux pour qu'on fasse enfin la connaissance de ses amis, c'est important pour lui, expliquait la grande brune à son amie qui sentait un besoin irrépressible de partir maintenant.
- Ecoute une prochaine fois, ce n'est pas le moment-là, je dois y aller, on se rejoint à la maison je ne laisserai pas les clés derrière la porte.
- Tu ne vas quand même pas me laisser toute seule ici ? Quel genre d'amie fait ça ? Et puis il pleut dehors, tu ne vas pas rentrer trempée.
- À demain Ève, Eden s'en allait parmi la foule.
- Mais tu es complètement faite, reste ici m***e ! Criait son amie mais elle s'était déjà éclipsée
Ce n'était pas son genre de quitter une soirée en plein milieu de la nuit, ou encore de laisser cette écervelée d'Eve toute seule mais elle étouffait.
En passant parmi tous ces corps chaud et transpirants, une rage violente venait enfin poser des mots sur ce qu'elle ressentait juste avant.
Eden avait l'impression que tout le monde stagnait, que rien n'avançait et que personne ne faisait bouger les choses pour avancer. Elle perdait son temps ici à essayer de chercher des réponses qui n'existaient même pas.
Elle aussi avait besoin de combler le vide qu'elle ressentait en faisait semblant à ce genre d'événement mais il n'était pas question qu'elle n'avance pas. Elle devait changer de mentalité au lieu d'essayer de le retrouver dans chaque homme qu'elle croisait et qu'il lui faisait oublier l'amour qu'elle portait au plus profond de son cœur pour une autre personne qui l'avait piétiné.
Arrivée en bas de l'immeuble, elle entendait toujours le son de la musique à travers le balcon. Elle s'arrêtait et prenant une grande inspiration avant de rallumer son joint. Laissait la pluie caresser ses cheveux bouclés, le froid lui gelait le bout des doigts et du nez. Elle se sentait déjà mieux. La pluie la réconfortait.
- Eh, t'as du feu ?
Une voix là fit sortir de son bien être intérieur, jusqu'à sentir une main chaude et douce se poser sur son épaule dénudée. Elle tournait donc légèrement le visage pour apercevoir un jeune homme, métisse de peau, des traits de visages assez marqués, des yeux sombres et brillants et une forte odeur d'un parfum qu'elle connaissait trop bien. Il portait une capuche mais elle arrivait à distinguer des bouclettes blondes sortir de celle-ci. Si elle ne se doutait pas qu'il sortait du même appartement qu'elle, elle aurait pensé qu'il était acteur ou quelque chose du genre en vue de sa dégaine et de son accoutrement. Il ressemblait totalement à un type sorti d'un film américain, ou en tout cas il en détenait le charisme.
- Est-ce que tout va bien ? Il lui demandait en baisant un peu plus le visage vers elle.
Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle le fixait depuis une bonne trentaine de secondes sans rien dire ou sans bouger. Elle secouait légèrement la tête avant de plonger la main dans sa poche arrière pour sortir son briquet.
- Désolée, je suis foncedé.
Elle lui tendait son briquet après avoir dit cette phrase qui semblait l'avoir fait rire. Il allumait son joint à son tour avant de s'adosser au mur de l'immeuble attrapant le bras de la jeune brune qu'il venait de rencontrer pour l'approcher du porche de l'entrée, juste à côté de lui.
- Tu vas finir trempée si tu restes sous la flotte comme ça, il disait en affichant un léger sourire, laissant la fumée enivrer les narines de la femme à ses côtés.
- J'allais rentrer chez moi en fait, elle répondait presque timidement, évitant de le regarder dans les yeux.
- Hum, il laissait sortir en murmure.
Un silence de mort c'était installé, la musique de la soirée ou les deux se trouvaient juste avant raisonnait encore dehors et la pluie qui tombait faisait office de bruit de fond qui coupait ce silence.
Les deux jeunes adultes fumaient leur joint sans un bruit, sans un contact visuel ou physique.
- Moi c'est Jey, il brisait enfin le silence et sortait sa main de sa poche pour la tendre à la brune.
- Éden, elle répondait doucement.
Sa main s'installait dans la sienne pour la lui serrer, elle était ci chaude et grande comparé à sa main qui était gelée.
- Et bien enchanté, Eden.
Leurs yeux ne se quittaient plus, tandis que leurs mains ne se lâchaient plus, Eden profitait égoïstement de la chaleur de la sienne.
- Enchantée également, elle répliquait en lâchant enfin sa main et son regard.
- Soirée compliquée ? Il la questionnait en buvant dans ce qui semblait être une bouteille de rhum diluée.
Il lui tendait la fiole qu'elle n'hésitait pas à prendre.
- Ouais bof, je commençais à m'ennuyer surtout... et toi ?
Elle buvait quelques gorgées avant de lui rendre son poison fort.
- Pareil, c'est mon coloc qui a organisé cette soirée en fait.
- Dimitri ?
- Je vois que tu le connais apparemment.
- C'est le mec de ma meilleure amie justement, ou en tout cas c'est quelqu'un qui se rapproche de ce que serait un copain, elle répondait en souriant légèrement levant le regard vers lui.
- Je vois... et alors la soirée ne te plaisait pas ?
- C'est chez toi non ? C'est plutôt à moi de te demander ça, Eden rétorquait en attrapant la bouteille dans sa main.
- Ouais, disons que j'avais besoin de voir les choses plus clairement et de bouger.
- D'avancer ?
Un silence de quelque seconde venait prendre parti dans la discussion après le questionnement de la petite brune. Jey la regardait intrigué et surpris, un sourire en coin venait s'installer sur ses lèvres.
- Ouais, c'est exactement ça.
Il ne disait plus rien et se contentait de fumer sur son joint en reprenant la bouteille dans les mains de la jeune demoiselle à ses côtés.
- Et du coup tu comptes faire quoi ? Elle le questionnait en titubant légèrement sur ses deux jambes.
- Et bien en vue de ton état je comptais te ramener chez toi si tu veux bien, ou alors t'appeler un taxi, il répondait la tête baissée.
- Je ne pense pas que le taxi soit une bonne option, je risque de lui refaire sa déco d'intérieur.
Jey souriait doucement face à ses dires.
- Dis-moi, Eden, tu es majeure pour boire et fumer comme tu l'as fait ce soir rassure moi ?
- Bien sûr que oui, j'ai vingt ans tout de même ! Elle s'exclamait légèrement offusquée, faisant rire le jeune homme.
- Alors tu m'explique pourquoi t'es torchée alors qu'il est à peine minuit ?
- Tout le monde l'est en haut.
- Pas autant que toi, c'est certain.
- Et ça te pose un problème ?
- Pas du tout, ça en dit long sur toi c'est tout.
- Ah ouais, et ça veut dire quoi alors ?
- Tu bois pour oublier quelque chose ou plusieurs choses, vu la couleur de tes yeux, je me doute que ce n'est pas ton premier j de la soirée, et ça ne m'étonnerais pas que tu prennes d'autres drogues à côté. Alors si tu veux avancer comme tu le dis tu devrais d'abord lâcher ces merdes.
Eden avait les yeux grands ouverts, abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre. Un homme qu'elle ne connaît ni d'Adam ni d'Ève venait lui faire la morale sur la soirée pourrie qu'elle venait de passer, et elle ne savait plus quoi dire pour le contredire.
- Je vois, on ne se connaît pas et tu te permets de faire un jugement de mon état alors que tu n'es pas mieux. Tu as sûrement besoin de te rassurer ou alors de booster ton ego d'homme insatisfait et viril, ça me fait plus pitié qu'autre chose alors je ne te reprendrai pas car je n'ai pas de comptes à te rendre, sur ce, bonne soirée mon grand.
Elle écrasait son joint au sol avant de s'aventurer sous la pluie laissant comme dernière image de son visage un sourire satisfait.
Le jeune homme capuché roulait ses yeux en écrasant à son tour son mégot au sol devant la porte d'entrée de son immeuble.
Rattrapant d'un pas rapide la jeune fille qui marchait sous la pluie en direction de son appartement qui se trouvait à une quinzaine de minutes à pied.
- Arrête de me suivre je vais prendre ça pour du harcèlement, disait-elle sèchement en ne lui lançant pas un seul regard.
- Je préfère que tu me prennes pour un vieux pervers et que tu rentres bien chez toi au moins, il rétorquait en retenant la brune qui était à deux doigts de s'étaler au sol.
- Je n'ai pas besoin de toi tu sais, tu devrais retourner voir ce qu'il se passe chez toi plutôt.
- Tu devrais la fermer et marcher plus vite, la pluie devient de plus en plus forte.
- Je m'en fiche.
- T'as beau avoir vingt ans, tu agis comme une gamine.
- Super, tu peux dégager maintenant si c'est pour me critiquer à tout bout de champ.
- T'es susceptible en plus.
Elle ne répondait pas et se contentait de marcher, la pluie battait de plus en plus fort, laissant Eden et ce nouvel inconnu trempés jusqu'aux os. Mais ils ne parlaient plus pour se plaindre ni l'un ni l'autre laissant le bruit de la pluie bercer leurs cœurs meurtris.
- Je peux ? Eden pointait du doigt la bouteille d'alcool de son accompagnateur qui lui tendu avec un petit sourire.
- Essaye pas de te faire pardonner en me donnant de l'alcool, elle continuait en s'arrêtant pour boire quelques gorgées.
- Qui a dit que je voulais me faire pardonner même ?
Eden roulait ses yeux en attrapant sa main pour y glisser la sienne dedans. Jey ne bronchait pas, il passait son pouce sur le dos de la sienne en traçant des petits cercles dessus, espérant la réchauffer.
Eden n'était pas du tout gênée, elle l'aurait sûrement été si elle n'avait pas trois grammes dans le sang, surtout avec un bel inconnu dont elle ne connaissait que le prénom, l'adresse et encore moins les motivations qui le poussait à la raccompagner chez elle.
- Alors, Ève c'est bien ça ? C'est donc elle la meuf de Dimitri ? Il brisait le silence.
- Ils couchent ensemble alors j'imagine que oui, elle répondait en levant les yeux vers lui.
- Et toi tu le connais ?
- Ouais, je le vois souvent à l'appart après le taff.
- Tu bosses dans quoi ?
- Ça t'intéresse ? Elle le narguait.
- Peut être...
- Hum... et bien je bosse après les cours dans un lycée, je donne des cours particuliers aux élèves en difficultés... et toi ?
- Ah je vois, un peu comme du tutorat ?
- Ouais exactement, c'est le terme.
- Et tes cours ils se passent où dans ce cas-là ?
- À la fac, je suis en double licence de sciences politiques et sociologie politique.
- Intello.
- Pas du tout, je veux juste prendre le pouvoir.
Jey riait en voyant le visage déconcerté d'Eden qui semblait très sérieuse.
- Je te le souhaite, si tu nous fou pas encore plus dans le chaos.
- C'est le but, petit génie, elle répliquait en le prenant de haut ce qui le fit rire encore plus.
- Tu me dis quand tu auras terminé de te foutre de ma gueule.
- Je suis désolé, c'est juste que tout ça, ça ne colle pas avec ton physique, on dirait une enfant.
- Excuse-moi papy, tu as quel âge d'ailleurs ?
- Vingt-huit ans.
- Tu m'étonne que tu me prennes pour une enfant, quand on est vieux pareil... et du coup le trentenaire il fait quoi dans la vie ?
- Ça ne te regarde pas.
- Ah oui ? Donc moi je dois répondre à tes questions et toi tu ne peux pas me répondre ?
- Je ne t'ai jamais forcé à me parler tu sais.
- J'en déduis que tu n'as pas encore trouvé ton chemin dans ce cas-là.
Un rictus se formait au coin des lèvres de métisse, tandis qu'Eden lâchait brusquement sa main en s'arrêtant.
- J'habite ici.
- Tu ne serais pas en train de me mentir pour que je te laisse toute seule par tout hasard ?
- Pas du tout, j'allais te dire de monter avec moi, mais bon tu dois avoir autre chose à faire.
Eden cherchait ses clés dans sa poche de sac à dos, Jey n'avait pas tout à fait tort quand il disait qu'elle ressemblait à une enfant. Il la regardait faire sans rien dire, les mains dans ses poches de jogging.
Les deux se regardaient quelques secondes qui semblaient durer une éternité, sans un mot ou un murmure.
Les yeux de l'homme en face d'elle là scrutaient avec insistance, comme s'il ne voulait pas oublier son visage.
- Bon, et bien merci j'imagine, elle disait timidement en baissant les yeux.
- Il n'y a pas de quoi, il répondait en la regardant toujours.
Il tournait les talons sans rien de plus, Eden le regardait s'en allait mais ne voulait plus le laisser partir.
- Eh papy ! Tu veux venir fumer un dernier j avec moi ? Elle élevait la voix pour se faire entendre tandis que Jey s'arrêtait subitement dans sa marche.
- J'ai plutôt faim là je t'avoue, il la narguait avec un petit sourire en se tournant à peine vers elle.
- J'ai des pâtes à la maison si tu veux, et j'ai même de la glace à la pistache.