Chapitre 10

3183 Words
Lorsque Alfred Chazel eut dit à Hélène le bonsoir habituel et qu’il fut resté seul, il se prit à souffrir avec une intensité dont lui-mème ne se serait jamais cru capable. Il n’y avait plus à discuter le fait, maintenant. Sa femme lui avait menti. Cette seule évidence le terrassait. Il l'entendait dire de cette voix dont il connaissait les moindres inflexions : « Comment vous portez-vous, depuis hier ?… » Ces trois syllabes résonnaient dans son oreille et jusqu’au fond de son cœur, implacablement. Il venait de perdre, pour ne la retrouver jamais, plus jamais, la foi entière dans cette voix douce, dans ces yeux aimés. Il n'y a pas de petites insincérités, et qui a menti une fois peut mentir toujours. La vision de cette loi de nature, cette même vision qui avait empêché Armand de croire à Hélène, torturait Alfred à cette minute. Menteuse !… Menteuse !… Quand il en arrivait à se prononcer ce mot, il jetait un halètement de douleur, allant et venant autour de son cabinet de travail où il s’était retiré, comme il faisait souvent le soir. Sur un des murs se déployait un long tableau noirci, tout bariolé de formules d’algèbre. Entre les deux fenêtres se dressait une table en bois blanc, ménagée pour écrire debout. Une autre table basse, destinée à la correspondance, une bibliothèque remplie de hauts volumes de mathématiques, les portraits gravés de Lagrange, de Fresnel, de Cauchy et de Laplace, un divan de cuir et un tapis, achevaient le mobilier de cette pièce, dont l’abstrait, le paisible aspect offrait un contraste étrange avec le visage bouleversé de celui qui s'y promenait à ce moment; et ce contraste symbolisait trop bien le drame qui se jouait dans l’existence de cet homme, né pour l’étude, les longues, les lentes réflexions, le travail heureux, et contraint d’agir par la soudaine révélation qu’il venait de subir. Oui, la nécessité d’agir était là, inévitable. Demeurer sur le soupçon qui l’assassinait à cette heure, il ne le pouvait pas, ni moralement, sans perdre sa propre estime, — ni physiquement, cela lui faisait trop de mal. Comme il relevait sa tête par un mouvement désespéré, ses yeux rencontrèrent le tableau ; il aperçut les signes de ses calculs, tracés à la craie avec cette égalité absolue des lettres, cette absence de pleins et de déliés qui donnait à son écriture une physionomie d’incomparable lucidité. Cette vue subite changea le cours de sa douleur : « Raisonnons, » dit-il à haute voix, et involontairement il retrouva, pour les mettre au service de sa passion, toutes les habitudes de méthode contractées par son esprit : « Oui, » reprit-il, « raisonnons… » Il s’assit au coin de son feu dans un fauteuil, et, le front appuyé sur ses mains, il assembla toutes ses idées, qui ne tardèrent pas à prendre la forme du dilemme suivant : « De deux choses l’une, ou bien cette promenade et ce mensonge s’expliquent par un petit motif innocent, visite de charité, hasard d’une rencontre, et ils ne m’en ont point parlé par une fausse crainte de me déplaire, — ou bien cette promenade et ce mensonge signifient qu’il y a un mystère entre Hélène et Armand ; disons le mot, qu’ils s’aiment… Il n’y a pas moyen de sortir de cette alternative. Dans le premier cas, j’aurais à gronder Hélène de me croire si enfantinement jaloux ; — dans le second cas… » Ici son imagination s’arrêtait, prise au dépourvu. Il n’avait en lui aucune prévision anticipée d’une telle sorte de malheur. Les règles pratiques reçues et acceptées dans sa jeunesse et sur lesquelles était fondée toute sa vie ne répondaient pas à cette cruelle hypothèse. D’autre part, il n’avait, pour déterminer sa volonté, ni la crainte de l’opinion qui sert de guide à presque tous les maris en une semblable crise, — ni le sursaut de l’image physique, cette obsédante, cette intolérable image qui affole un jaloux en lui montrant l’union des sexes, l’abandon de la chair, l’ineffaçable souillure. Qu'Hélène et Armand s’aimassent, cela ne signifiait pas une seule minute pour Chazel qu’elle fût la maîtresse du jeune homme. Cela signifiait qu’elle lui avait donné son cœur. Mais alors quel était son devoir, à lui, le mari ? A défaut de principes adoptés par avance, il se laissa entraîner à la manie des théories absolues et idéales propre aux mathématiciens… « Mon devoir, si je deviens un obstacle à son bonheur, est de me sacrifier. Il faudra la laisser libre, tout quitter : » Il pensa aussitôt à son fils; il vit les gestes menus, le joli visage, les yeux clairs de cet enfant qu’il avait déjà façonné à sa ressemblance : « Ah ! » se disait-il, « je n’ai pas le droit de l’abandonner… Mais le prendre avec moi ? Le priver de sa mère ?… » Le tragique de cette possibilité désorienta de nouveau son esprit, et, pareil à un nageur peureux qui s’est aventuré trop loin de quelques brasses, il revint bien vite à la place où il avait pied, là où son raisonnement posait , tout près des faits. « Je perds la tête, » gémitil ; « la question est celle-ci : l’aime-t-elle ? ne l’aime-t-elle pas ?… » Il s’était levé de nouveau, et il marchait, d’un pas plus précipité qu’auparavant. « Comment savoir ? Comment ? Comment ?… » se demandait-il, et l’émotion de l’incertitude lui devint insupportable à un tel degré qu’il se dit : « Finissons-en… Je vais avoir une explication avec Hélène, — et tout de suite… » Il regarda la pendule qui marquait minuit. Il était dans cette agonie depuis une heure. Il sortit de son cabinet, la lampe à la main. L’étroit escalier de bois, que garnissait un tapis rouge, était vide et de bruit et de lumière. Tous les domestiques étaient couchés. Il descendit les marches de cet escalier en s'appuyant à la rampe, les jambes tremblantes, la bouche sèche, la gorge serrée. Il était devant la porte de la chambre de sa femme. Il frappa deux coups légers du revers de sa main… Pas de réponse… Il fit tourner la poignée de cuivre et appuya. La porte était fermée à double tour, et la clef mise en dedans. « Elle dort, » se dit-il… L’action de descendre les marches de l’escalier, puis de peser sur la porte, avait usé le mouvement de fièvre produit par l'excès de l’incertitude. Au lieu de frapper à nouveau, il s’arrêta immobile. « Elle dort, » se répétait-il ; « si je la réveille, que lui dirai-je ? » Il se tenait debout, contre le mur, la lampe posée à terre, et il écoutait. La rumeur du Paris nocturne arrivait seule jusqu’à lui, et il songeait. Il voyait d’avance la manière dont Hélène le recevrait : elle serait couchée dans son lit, sa natte enroulée autour de sa tête. A son cou et à ses poignets frissonnerait la dentelle de sa fine chemise de nuit. Alfred subit, à cette pensée, un frémissement d’émotion amoureuse qui lui rendit la timidité dont l’accablait toujours le désir de la personne de sa femme, et il continuait à imaginer la scène. « Que lui dirai-je ?… — Tu m’as menti !… — Que répondra-t-elle ?… » Il entrevit les innombrables prétextes qu’Hélène pouvait donner pour expliquer sa promenade. « Je lui demanderai : Aimes-tu Armand ?… » Il se sentit incapable d’articuler cette phrase, comme cela, de lui-même, le premier. D’ailleurs à quoi cette question pouvait-elle aboutir ? Si ce n’était pas vrai qu’elle fût éprise d’Armand, il lui infligerait une peine inutile et qui aggraverait encore leur divorce intime. Si c’était vrai ?… Mais elle ne l’avouerait pas. Elle avait bien menti tout à l’heure. Que lui coûterait un mensonge de plus ? L’irrésolution fut la plus forte. Il remonta dans son cabinet de travail sans avoir fait une nouvelle tentative. Il eut quelques minutes d’accalmie, comme il arrive après les crises aiguës. Il était une heure du matin : « Je vais dormir, » se dit-il. « A mon réveil, il sera temps de prendre un parti ! » Comme d’ordinaire, il rangea quelques papiers, couvrit soigneusement le feu par crainte d’un incendie, et il alla se mettre au lit, presque tranquille. Mais, à peine couché, l’angoisse recommença, plus torturante. L’allée du Jardin des Plantes étendit de nouveau sa voûte de branches nues sous laquelle Hélène et Armand passaient. Que se disaientils ? La voix connue prononça de nouveau les fatales syllabes : « Depuis hier. » Ah ! Menteuse ! Menteuse !… Et encore une fois la nécessité d’agir s’imposa, inévitable, à cette nature toute spéculative. Ses pensées se distribuèrent encore en groupes de deux : « Ou bien ils s’aiment, ou bien ils ne s’aiment pas… S’ils ne s’aiment pas ?… S’ils s’aiment ?… Comment le savoir ? Par elle ? Par lui ? » L’idée d’une explication avec de Querne se présenta brusquement, et comme cette idée, tout en satisfaisant le besoin d’agir, reculait l’action de plusieurs heures, Alfred se mit à ramasser en esprit tous les arguments qui militaient pour elle. Cette explication ne comportait aucun des inconvénients qui devaient suivre l’entretien avec Hélène. Si Armand et elle ne s’aimaient point, tout demeurait en l’état, puisqu’elle ignorait le doute de son mari et sa démarche. S’ils s’aimaient, il arracherait plutôt cet aveu à la loyauté de son ami. Ce dernier du moins ne lui avait pas menti. Pouvait-il répondre autrement qu’il n’avait fait à la phrase d’Hélène, cette phrase si simple et si terrible pour lui, Alfred : « Comment vous portezvous, depuis hier ?… » C’était défendre au jeune homme de parler que de l’accueillir par ces mots… Et puis, il y a des soupçons qu’un ami n’a pas le droit de taire à un ami. S’il apprenait, lui, Alfred, qu’Armand avait gardé, à son sujet, une insultante défiance sur le cœur, et sans la dire, n’en serait-il pas blessé profondément ? Ne considérerait-il pas un tel silence comme un affront gratuit ? Hé bien ! il n’infligerait pas cet affront à de Querne. Il irait à lui la main ouverte, le cœur ouvert, il lui montrerait sa peine. Cette démarche avait encore pour elle de comporter des résultats pratiques. Il pouvait demander à son ami de venir moins souvent rue de La Rochefoucauld. Il pouvait, s’il se trompait dans sa défiance et si Armand avait reçu la confidence de la vraie cause du chagrin d’Hélène, en parler cette fois, au cours de la conversation, et sans indélicatesse… Durant toute cette longue nuit, il tourna et retourna ce projet, qui finit par s’imposer à sa volonté. Vers le matin, il s’endormit du sommeil obscur et brisant qui suit les trop grandes déperditions de force nerveuse. A son réveil, il se retrouva en face de sa délibération de la veille ; il prévit, s’il n’agissait pas, une journée pire que cette horrible nuit, et, dès neuf heures, il sonnait à la porte d’Armand, non sans un frisson de tout son cœur, mais avec décision. Ces âmes abstraites, à qui l’action répugne tant, sont capables d’énergie, pourvu que cette énergie soit soutenue par le raisonnement, de même que les âmes passionnées puisent leur force dans l’impulsion aveugle, et les âmes très sèches dans la vue claire de l’intérêt. Des jours et des jours avaient passé depuis que Chazel n’était pas venu dans l’appartement de la rue Lincoln. Le valet de chambre qui répondit à son coup de sonnette, vieux serviteur de la famille de Querne, était le même qui venait, autrefois, à la pension, chercher Armand afin de le conduire en vacances. Les quelques mots que cet homme prononça, en demandant des nouvelles de l’ancien camarade de son maître avec la familiarité de jadis, eurent une réelle douceur pour Alfred. Il subit un réveil de souvenirs qui fut pour lui comme l’équivalent d'une impression d’amitié. « Monsieur le baron est dans son bain, » continuait le domestique, « mais si Monsieur Alfred veut entrer au salon, » et il en ouvrait la porte avec empressement, « lire les journaux, » et il les tendait, et il s’agenouillait devant le feu pour y mettre une bûche nouvelle, et il demandait : « Monsieur Alfred prendra le thé avec Monsieur le baron ?… » Ces prévenances insignifiantes attendrirent Alfred. Il y retrouva, comme rendue palpable, l’intimité où il avait vécu avec Armand. La physionomie de la pièce augmenta encore cette première impression. Il la connaissait trop bien, cette chambre ; il l'avait vue se faire année par année, et les meubles s’ajouter aux meubles. A chaque visite il constatait quelques menus changements. « Tiens, c’est nouveau, cela ?… » disait-il à son ami qui lui expliquait le caractère commode ou rare de sa récente acquisition. Il s’approcha de la bibliothèque basse, et reconnut au dos de leur reliure quelques livres qui devaient être des prix de collège. Il en retira un et il vit la marque de l’institution Vanaboste, imprimée en or sur le chagrin vert. Il remit le volume en place et la cour de la pension ressuscita devant son esprit. Que d’heures délicieuses passées à tourner dans cet étroit préau, avec Armand, — un Armand qui ressemblait, malgré les années, à l’Armand d’aujourd’hui ; et, pour s’en convaincre, il vint contempler un profil de son ami exécuté par Bastien-Lepage dans la manière fine et précise des portraits de ce maître. Du portrait, Alfred passa aux photographies éparses sur la cheminée ; les camarades, morts ou vivants, qu’elles représentaient, il les avait connus, lui aussi… Ah ! des moindres objets de cette pièce une voix s’échappait, pour protester en faveur de l’amitié qui les unissait, de Querne et lui. Après les déchirements de sa nuit, cette atmosphère d’affection certaine agissait puissamment sur le cœur d’Alfred et lui procurait une détente. « Comme j’ai bien fait de venir, » se dit-il, en s’abandonnant sur un fauteuil, et regardant le feu dont les flammes vives prenaient un éclat joyeux, « je lui dirai tout, bien simplement. A quoi bon ruser ? Et j’ai bonne confiance que tout s’expliquera. » Il en était à ce point de ses réflexions, lorsqu’il sentit une main se poser sur son épaule, celle d’Armand, qui venait d’entrer. Mais l’absorption d’Alfred était trop forte pour que le bruit de la porte l’eût dérangé. De Querne portait une charmante veste du matin en soie noire piquée, un pantalon clair, des petits souliers vernis, et tout autour de lui flottait l’odeur fraîche d’une eau de toilette que Chazel reconnut soudain. Ce même arôme délicat, sa femme le répandait autour d’elle aux heures du matin, quand elle se promenait dans ces robes lâches qui marquaient mieux la souplesse des lignes de son corps. Qu’Hélène et Armand fissent usage du même parfum, cela suffisait, avec la disposition d’âme où se trouvait Alfred, pour que l’apaisement des souvenirs d’enfance cédât de nouveau la place à cet indéfinissable, à ce vague et torturant soupçon de la veille et de toute la nuit. Il regarda son ami, mais ce dernier semblait uniquement préoccupé des préparatifs de son déjeuner. Le valet de chambre avait roulé auprès du feu une petite table mobile, disposé la théière d’argent, la tasse, les tartines de pain grillé, du beurre et du miel. — « Une autre tasse pour M. Chazel, » dit Armand. — « Monsieur Alfred a déjà refusé, » fit le domestique. — « Tu permets, alors ?… » reprit Armand sur un ton de gaieté. Il s’assit et versa le thé trop noir dans la tasse, puis l’eau chaude, en calculant la proportion, comme si son ami n’eût pas été là. Étaitce l’attitude d’un homme qui a un secret à cacher ? « Non, » se disait Alfred, « s’il y avait un mystère entre Hélène et lui, ma visite le troublerait, il chercherait à savoir… » Puis, tout haut : « Tu n’es pas étonné de me voir si matin ? » demanda-t-il, avec cette incapacité de dissimulation propre aux personnes de très bonne foi, et qui les fait, comme involontairement, prolonger au dehors et par des paroles leurs réflexions intimes. — « Je suppose que tu as quelque petit service à me demander, » répondit l’autre, « et je suis tout prêt… » Puis en lui-même : « Ce pauvre Alfred est aussi par trop naïf. S’il veut savoir pourquoi je ne suis pas étonné, c’est que je devrais l’être, m’attendre à une question de sa part, et sur quoi, sinon sur Hélène ? Elle ne voulait pas me croire quand je lui affirmais qu’il devenait jaloux… Hé bien ! nous mentirons de notre mieux, puisque c’est le devoir envers elle… » et il beurrait une tartine, non sans une certaine mélancolie à cause de cette nécessité de mentir, car il avait gardé la fierté de l’amourpropre qui survit si souvent à la véritable, celle des sentiments. — « Oui, » reprit Alfred avec un son de voix dont la gravité révélait jusqu’à quel degré cet entretien lui tenait au cœur, « tu es mon ami… mon ami… Oui, je le crois, je le sais… » On eût dit qu’il se questionnait lui-même afin de mieux s’assurer de sa propre sincérité. Il répéta encore : « Je le crois, » en regardant Armand comme il n’avait jamais osé le regarder de sa vie. Ses yeux n’exprimaient plus cette timidité gauche qui faisait que dans toute discussion Alfred se trouvait battu d’avance, même quand il avait cent fois raison. « Et c’est parce que tu es mon ami, » continua-t-il, « que je viens à toi aujourd'hui. Armand, tu vois en moi le plus malheureux des hommes… » L’autre releva sa tête, qu’il avait baissée sous le regard de son ami, — comme pour se verser encore du thé, quoique sa tasse fût plus d’à moitié pleine. Il vit bien en face l’homme loyal dont il avait fait si bon marché, en pensée, dans cette même pièce, la veille du premier rendez-vous. Chazel avait laissé tomber son lorgnon. Ses prunelles claires montraient jusqu’au fond de son âme. Il s'y lisait une souffrance affreuse et si véritable qu’elle rendait touchante et tragique cette situation qu’Armand eût jugée très ridicule à toute autre minute, celle d’un mari qui souffre du soupçon de la tromperie en présence de celui-là même qui l’a trompé. Non, c'était de la douleur humaine toute simple et nue, de cette douleur vraie qui vous prend aux entrailles, comme le cri d’un passant écrasé par une voiture, au coin d’une rue. Armand sentit brusquement cette sympathie d’humanité, puis aussitôt un malaise intérieur, à l’idée qu’il était, lui, la cause de cette visible douleur, et il écoutait Alfred qui continuait de parler : — « Je vais te dire des choses qu’on ne dit pas, mais il faut que tu m’entendes… Je suis très malheureux, mon ami, et pour des raisons bien vulgaires. Ah ! il n’y a rien de romanesque dans mon histoire. Cela tient en une ligne : J’aime ma femme et ma femme ne m’aime pas…

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