Chapitre 3 ♠︎ Sugar
1174 Words
« Je ne m'attendais pas à ce que tu sois partie aussi longtemps, Azalea », me dit M. Terrip en haussant un sourcil tandis que je franchis la porte d'entrée du magasin.
« J'ai dû m'arrêter au bord de la route pour aller aux toilettes », je lui adresse un sourire et il secoue la tête, sachant visiblement que je plaisante.
« Comment était ton café ? » me demande-t-il en me conduisant vers un autre chariot de livres à ranger.
« La moitié de mon café que j'ai pu boire était tout simplement délicieuse, l'autre moitié a été bue sur le trottoir », me représentant Grey et moi en train de nous croiser.
« C'est dommage », me gronde-t-il, même si je le vois clair dans mon jeu.
« Ce n'est pas drôle, j'ai eu le cœur brisé, M. Terrip », je me tapote le cœur en montant sur mon escabeau et en posant un livre sur l'une des étagères du haut.
« Tu devrais faire plus attention, Azalea », dit-il en haussant les épaules. Je me retourne sur mon escabeau, le regard fixé sur son visage aguerri.
« En fait, ce n'était pas entièrement ma faute », me tend-il un autre livre, que je remets à sa place.
« J'ai du mal à y croire. »
« J'ai l'impression que vous me sautez à la gorge, M. Terrip », lui lancé-je en plissant les yeux, ce à quoi il se contente de sourire.
« Tu sais, cet inconnu dont je te parlais tout à l'heure ? Celui que j'ai rencontré tard hier soir ? » lui demandé-je en saisissant sa main fine tandis qu'il m'aide à descendre de mon tabouret.
Toujours un gentleman, M. Terrip.
« Pas vraiment », ne fait-il même pas semblant.
« Je vais faire comme si tu le savais », décidé-je. « Bref, je l'ai croisé après avoir pris mon café. »
« Cet ? » Il me regarde par-dessus ses lunettes de lecture.
« Je croyais que tu savais que c'était un homme ? » Je hausse les sourcils et il s'assoit à la réception, enlevant ses lunettes.
« Je ne me souviens même pas de ce que j'ai fait il y a dix minutes, tu t'attends à ce que je me souvienne de tout ce qui sort de ta bouche ? » dit-il, et je ne peux m'empêcher d'admirer sa façon de toujours dire la vérité.
Il m'a dit un jour que plus on vieillit, moins on se soucie de ce que les gens pensent de nous.
« Ça simplifierait les choses », chantonné-je et il souffle.
« D'accord, d'accord. Je ferai attention », il pose son menton sur sa main, faisant semblant d'être attentif, mais ce n'est probablement pas le cas.
Ce n'est pas la première fois qu'il fait ça.
« On a pris des milkshakes », je marmonne, et il a l'air sur le point de s'endormir.
Eh bien, j'ai pris un milkshake.
« C'est un ami horrible », je grimace en repensant à tout ce qu'il m'a dit.
« Bonne chance la prochaine fois, gamine, ce garçon ne doit pas être quelqu'un d'agréable. Il faut que tu te souviennes que tout le monde n'est pas gentil », sa voix devient paternelle.
« Ce n'est pas un garçon », je soupire en imaginant sa silhouette virile et ses yeux sombres.
« Je ne veux plus participer à cette conversation », il remet ses lunettes sur son nez et je rigole.
« Ne soyez pas comme ça, M. Terrip. »
« Tu es trop jeune pour les hommes », me montre-t-il du doigt et je lève les yeux au ciel. Il me le répète depuis que je l'ai rencontré, quand j'étais assez grande pour aller à pied de chez moi à sa boutique.
« Les hommes. En plus, je suis adulte… pour la plupart », corrigé-je, et il émet un son dédaigneux.
La sonnette à l'entrée du magasin sonne et je vois Aaron entrer, toujours aussi arrogant. Je soupire intérieurement, sachant que je ne peux pas me sortir de cette interaction que nous sommes sur le point d'avoir, malheureusement, il a déjà posé son regard sur moi.
Il est séduisant, je le lui accorde. Il l'a toujours été. Il a aussi toujours été un coureur de jupons arrogant.
Il se trouve que c'était le meilleur ami de mon frère.
« Azzy », ses dents blanches nacrées apparaissent tandis qu'il sourit, révélant ses fossettes.
« Bonjour, A-a-ron », je manque de rire à ma propre blague. Il passe sa main dans ses cheveux châtain clair ondulés tandis que ses yeux bleu foncé se fixent sur moi.
Du coin de l'œil, je vois M. Terrip le surveiller de près.
« J'adore ce beau sourire », dit-il en plaisantant.
« Ça ne marchera toujours pas », lui ai-je rappelé, et il a poussé un léger soupir.
Je ne le considère pas forcément comme un ami. Il vient me voir de temps en temps, la plupart du temps juste pour prendre de mes nouvelles, même si je lui assure que je n'ai pas besoin de visites.
Ce que j'aime, c'est qu'il me donne de l'argent.
Je suis sûre que je pourrais être son proxénète si je m'y mettais vraiment.
Ayant deux ans de plus que moi, il est en fin d'études et il n'hésite pas à me parler de ses fréquentes « aventures ».
La prostituée parfaite pour mon plan de proxénétisme.
Peu de gens m'énervent. Lui, si.
« Allons parler, Azzy », dit-il en passant son bras, certes bien bâti, sur mon épaule. Ouais, et alors, il a de beaux bras.
Il m'emmène à l'espace lecture au coin de la rue et je remarque M. Terrip qui roule sa chaise pour nous voir. Il me fait rire.
Il s'assoit sur le nouveau canapé que M. Terrip vient d'acheter et je m'assois à côté de lui, en faisant attention à ne pas me cogner le dos contre le canapé.
« Du calme, Azzy », dit-il avec un sourire narquois, « pourquoi es-tu si raide ? »
« Je suis détendue, je suis détendue, tu as vu ce que j'ai fait ? » Je ris. « Tu sais, combiner "détendu" et "détendu". »
« Génial », me lance-t-il avec un sourire à fossettes, « magnifique et un génie. »
« Aaron », je le préviens et il lève les mains en signe de reddition.
Je me laisse glisser dans le canapé et je retourne mon regard vers le sien.
« Comment vas-tu, Azzy ? » demande-t-il doucement, une lueur d'inquiétude dans le regard.
Je baisse les yeux vers mes genoux et ferme les yeux une seconde pour tenter de me changer les idées.
« Je vais bien », je plaque un petit sourire sur mon visage.
« Tu peux me parler, d'accord ? Je sais que c'est dur pour toi, Azalea. Tu étais la seule là-bas ; tu étais avec… »
« Aaron », je l'interromps, tremblante, « je te parlerai si j'en ai besoin. Je vais bien, vraiment. »
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