Tepito, Mexique

1294 Words
-Ne bouges plus ma chérie, juste encore quelques secondes et je réussirai ce chignon. -D’accord, compris, je compte sur toi Tia. Ma tante Gabriella, rassemble mes longs et épais cheveux noirs en un chignon au milieu de ma tête. Elle prend l’élastique qu’elle élargit et qu’elle enroule autour de cette masse. Je souris face au résultat obtenu. J’ai eu raison de lui avoir fait confiance. Je suis déjà prête pour le boulot. -Merci beaucoup Tia. Je vais être en retard pour le boulot alors j’y vais. Bisou à toutes les deux. Elle me sourient puis je me précipite vers la porte lorsque Tia Carminia m’interpella. Elle vient vers moi, saisit mon visage dans ses mains et me donne des bisous sur le front, le nez, les joues. Ça ne me gêne pas du tout. J’adore ça. Que l’on me câline. Je souris avant d’y aller. Madame Carminia est notre voisine depuis toutes ces années alors je la considère comme une tante. Elle est veuve et sa fille s’appelle Catalina. Je la considère comme ma cousine, même si biologiquement nous n’avons aucun lien de sang. Elle a 22 ans, trois ans de plus que moi. Nous sommes toutes les deux en troisième année de Droit à la faculté à l’université de Tepito. Nous sommes contraires, elle a beaucoup plus d’expérience et moi aucune. Je déteste les sorties nocturnes, elle oui et elle a, sans vouloir la saboter, fréquenté plusieurs hommes, moi aucun, jamais. J’apprends beaucoup d’elle. Elle travaille dans un bar les soirs. Comme moi en parallèle je travaille dans un fast-food comme serveuse. Je suis en route actuellement pour le boulot. Je les adores toutes et c’est réciproque. Nous nous entraidons depuis plus de 10 ans. Que serai-je devenue sans elles ?! Je serai probablement morte abandonnée dans la rue. Ou je serai dans une famille d’accueil et maltraitée. Pour ma petite histoire, je vivais avec mes deux parents au Brésil, mon pays d’origine. J’ai d’ailleurs la peau mate. Mon père était très riche et traînait dans des affaires plus ou moins illicites et louches. Ma mère l’aimait et était donc restée mais elle en a malheureusement payé le prix parce qu’ils se sont fait assassinés. J’avais que 2ans, il paraît que j’étais cachée dans le placard et j’ai vu mes parents se vider de leur sang petit à petit. Depuis lors, toutes mes nuits sont faites de cauchemar dans lesquels je revis la même chose. Avec le temps, j’ai même eu des crises d’angoisse. Cela m’arrive lorsque je suis effrayée. Je ne connais pas la raison de ce drame. Alors après cela, j’ai donc été rapatriée au Mexique où vit la sœur de ma mère, Tia Grabiella. Carminia est notre voisine et elle m’a toujours considéré et traité comme sa fille depuis toujours, d’où la naissance de ces liens. Une fois sur le trottoir, je saute dans le premier bus qui arrive à mon niveau. Je vais encore être en retard. Mon patron a l’air d’apprécier mon travail ou moi peut-être, autrement il m’aurait viré il y a longtemps. J’arrive en courant presque comme toujours. J’entre par les coulisses, c’est l’entrée pour les employés. Je présente mon badge d’employé à Damien, l’agent de sécurité qui surveille les entrées et venues. -Salut Damien, tu vas bien ?! Lui demandai-je ?! -Oui très bien et toi. Tu es arrivé pile à l’heure aujourd’hui. J’avais pas fait attention. Je regarde l’heure et il a raison. Ce qui m’arrache un sourire de soulagement. -Ohhh c’est génial. Soufflai-je. -Bonne soirée à toi Andrea. -Merci, à plus. Disais-je en m’engouffrant dans l’établissement. C’est bien l’un des seuls à part Catalina ma cousine, à m’appeler comme cela: Andrea. C’est mon deuxième prénom. Je travaille avec Elisabeth, une jeune femme, mère célibataire. Elle a un petit garçon adorable, je l’ai vu qu’une seule fois, suite à une invitation chez elle, pour la fête d’anniversaire du petit en question. Je me dirige dans les vestiaires directement pour mettre ma tenue de travail. Je récupère rapidement les menus puis reviens sur le lieu de travail. J’aperçois Elisabeth qui s’occupe déjà de certains clients. Je me dirige vers les clients n’ayant pas encore été pris en charge. J’ai honte de moi. Parce qu’elle est toujours à l’heure malgré qu’elle doit s’occuper de son fils. Peu importe, je suis là. *********** Il est bientôt vingt-trois heures. Je ressors de la même porte attribuée aux employés, rhabillée de mes propres vêtements de départ. Damien est assis à l’entrée sur sa chaise comme d’habitude, une cigarette à la bouche. C’est le seul souvenir que j’avais de mon père, même étant enfant. Il était connu pour être un grand fumeur. Et si j’ai très bonne mémoire, ma mère se plaignait toujours par rapport à ça parce qu’il commençait à avoir des problèmes de poumons. Alors j’aime pas voir Damien faire la même chose. -Faudrait vraiment que t’arrêtes avec ça. Lui ai-je calmement lancé. Il rive ses yeux remplis de fatigue et de tristesse, dus à ce travail mal rémunéré, dans les miens. Ses yeux sont sombres pas effrayant, plutôt tristes. Il regarde droit devant lui ensuite puis il sourit. -Je te le promets. J’arrêterai quand il sera tant. -Quand il sera tant ?! Vraiment !?? Ou plutôt lorsque la nicotine aurait complètement noirci tes poumons ?! Il me regarde de nouveau et sourit. -Ouais mais j’ai l’ultime conviction que rien que le fait de savoir qu’il y a encore au moins une personne sur cette terre qui s’inquiète pour moi, m’épargnerait sûrement d’un cancer de poumons. Je souris à mon tour. Même si je ne le voulait pas. Damien est très jeune, et ça me brise le cœur de le voir ainsi, souffrir dans le silence. Je m’approche un peu plus près de lui afin de lui dire sincèrement ces mots . -C’est vrai que cette vie est injuste envers nous mais il ne faudrait pas la gâcher davantage. Que dirait-tu de ces mendiants qui n’ont même pas un toit où dormir ?! Et il y en a plein d’exemples comme cela ou pire. Alors, arrêtes avec ça. Il a tout écouté attentivement. Il jette ensuite sa cigarette au sol et l’écrase avec sa chaussure. -Merci Andrea. Rentre maintenant. Il se fait tard. Dit-il simplement. Je lui souris sans vouloir en rajouter encore. -Bonne nuit Damien, prends soin de toi. -Toi aussi Andrea. Je tourne les talons avant de me diriger vers le prochain arrêt de bus qui mènerait jusqu’à chez moi. Je marche pendant un bon moment avant de finalement tomber sur un bus en partance dans la direction opposée à chez moi. Puis me viens en tête l’idée de me rendre chez Catalina, ma cousine. Le bar où elle travaille s’appelle: Makomba. Ma décision est prise. Je vais la chercher pour que nous rentrons à la maison. Elle me manque beaucoup, nous ne nous voyons plus dernièrement. Je traverse rapidement la voie pour me retrouver de l’autre côté afin d’attraper ce bus. ************** Au fur et à mesure que nous nous enfonçons dans le cœur de ma ville Tepito, je me suis mise à un peu regretter mon escapade. J’ai horreur d’être dehors à cette heure. Et je ne savais pas que ça prendrait autant de temps de trajet pour arriver à ce bar. Ma cousine y est serveuse. En tout cas, c’est ce qu’elle dit. Tepito est une ville du Mexique, avec environ cent-vingt mille habitants. Cette ville est connue pour être l’une des plus dangereuses du Mexique, et surtout contrôlée sous la tutelle du cartel de Guadalajara: un des cartels les plus dangereux du monde entier. ************** Si j’avais su la suite des événements futurs, je serai tranquillement rentrée chez moi mais nous ne pouvons pas prévoir l’avenir. Nous ne sommes que des humains.
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