L’avantage quand on déménage dans une nouvelle ville, c’est l’odeur de l’inconnu — ce mélange d’asphalte chaud, de pluie d’été et de café brûlé qui flotte devant les diners à l’aube. Ça sent le changement. Le renouveau.
L’inconvénient, c’est le goût de solitude qui colle au fond de la gorge les soirs de pluie, quand le silence d’un appartement vide résonne plus fort que n’importe quelle sirène de police.
J’ai fini mes études à Los Angeles, en Californie. Six mois plus tard, j’ai tout plaqué pour recommencer ici, à Oklahoma City — sans attaches, sans repères, sans plan. Juste moi, quelques valises et l’envie urgente d’un nouveau départ.
Contre toute attente, j’ai trouvé un boulot assez vite dans une société de comptabilité. Rien d’excitant, je suis la secrétaire du patron.
Un homme qu’on entend avant de le voir.
Mr Johnson.
Ses chaussures italiennes claquent sur le parquet ciré à intervalles réguliers, son parfum boisé et citronné annonce sa présence comme une menace élégante. Sa voix, lisse et glaciale, est devenue une musique d’ambiance désagréablement familière.
« Vous avez l’air encore plus fatiguée que d’habitude. »
« Tâchez de mieux vous habiller demain. »
Chaque jour, une petite pique. Toujours subtile, jamais assez frontale pour se plaindre. Mais suffisante pour gratter sous la peau.
Pourtant, à mon entretien, il m’avait presque semblé... normal.
Ses cheveux noirs soigneusement séparés, ses yeux noisette qui scrutaient mon CV sans vraiment le lire, ses longs doigts tapotant le bureau en acajou d’un rythme nerveux. Un homme bien sous tous rapports.
Un peu trop lisse, peut-être. Trop propre. Trop contrôlé.
Maintenant, je reconnais l’ombre de sa silhouette dès qu’il passe dans l’encadrement d’une porte. Je connais le froissement particulier de sa chemise quand il croise les bras. Je connais cette tension dans mon ventre chaque fois qu’il s’approche trop près.
Je m’appelle Alyssa Clark. J’ai 25 ans.
et vous allez bientôt entrer dans ma vie......