Chapitre 1: Luna

2461 Words
Au milieu d’un océan infini, sombre et sans fin, Il y avait cette île, seule au milieu de nulle part. Elle était désertique, ravagée par des tempêtes passées et si calme, Ou plutôt, c’était le calme avant la tempête. Sept heures. Mon réveil sonne. La petite musique insupportable de chaque matin me réveille d’une nuit de deux heures de sommeil. Une journée qui commence mal. Je sens déjà que je vais passer une mauvaise journée. Je tends le bras vers mon téléphone, mais je lui donne un grand coup et il tombe par terre. J’en ai marre de cette musique agaçante. Je me décide et me redresse en position assise, énervée, et me penche par dessus le sol de ma chambre en cherchant à tâtons ce foutu téléphone. Je le trouve sous mon lit. Je m’en empare et coupe l’alarme. Mauvaise journée. Je suis déjà fatiguée. Je soupire avant de reposer mon téléphone sur la petite table de chevet à côté de mon lit. J’ai déjà envie de me rendormir. Je fais de gros efforts pour me lever de mon lit et aller allumer la lumière de ma chambre qui m’éblouit. Je traîne des pieds jusque mon armoire où je prends mes vêtements du jour : pull bleu gris, débardeur noir en dessous, jean bleu clair, pour un mois de novembre. Je me change en pensant à la journée qui m’attend, puis coiffe mes longs cheveux noirs en queue de cheval, n’aillant aucune motivation pour coiffer soigneusement chaque boucle, ce matin. Hayvil, mon chien, se réveille en baillant, aussi épuisé que moi vu son peu d’énergie. Il se lève et s’étire puis vient vers moi en remuant la queue. — Salut mon chien, je chuchote en lui caressant la tête. Je me dirige vers la porte et l’ouvre sur l’immense couloir qui me rappelle tous les matins que je suis condamnée à vivre ici, en internat. Et encore, j’ai la chance d’avoir une chambre individuelle car il n’y a presque personne, ici. Hayvil sort dans le couloir, l’air enthousiaste. Il a déjà mieux dormi que moi. La lumière du couloir s’allume – ayant détecté du mouvement – et je prends une grande inspiration avant d’éteindre la lumière de ma chambre, sortir dans le couloir et refermer la porte derrière moi. J’aurais tant aimé sécher les cours, mais ça, c’était avant. Je m’apprête à me diriger vers les escaliers lorsque j’entends une porte claquer dans mon dos. Je me tourne et aperçois Valentine, une fille de la chambre voisine. — Salut Luna ! Tu vas au petit-déjeuner ? — Salut ! Euh ouais, j’allais descendre avec Hayvil. — Cool ! On y va ensemble, alors ! Tu as l’air fatiguée, aujourd’hui, dis donc. — Je n’ai pas très bien dormi, mais ça va. — Ah bon, allons-y. Elle me devance et je la suis dans le couloir. Valentine n’est pas très sociable, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Elle est brune aux yeux marron, de peau mat, et s’habille comme la plupart des filles du lycée. Elle est plutôt bonne élève, et c’est un peu mon amie. Du moins, nous ne sommes pas très proches. Je n’ai pas d’ami proche, de toute façon, à part Hayvil. — Allô, Luna, je t’ai perdue ? — Quoi ? Je me rends compte que maintenant que nous sommes arrivées en bas des escaliers et que Valentine m’avait posé une question. — Je te demandais à quelle heure tu finis les cours. — Ah euh…je ne sais plus. Je n’ai pas menti en disant ça. Je ne sais vraiment plus. Seize heures trente ou dix sept heures ? — Et bah, tu es vraiment fatiguée. Enfin, ça ne change pas de d’habitude, que tu oublies tout. — Désolée. Et toi, tu finis à quelle heure ? — Seize heures trente. — Ah si, ça me reviens, je finis à dix sept heures. — Génial, tu n’oublieras pas que tu dois me rendre mon manuel de physique pour demain. — J’essayerai. Nous venons d’arriver au self. Comme tous les matins, il n’y a qu’une dizaine de personnes réparties sur deux tables, mangeant lentement tout en discutant. — Tiens. Je prends le plateau que Valentine me tend et la suis vers les tables où nous nous servons. Hayvil, derrière moi, me suit pour que je lui donne son repas – même si il a une gamelle pleine dans ma chambre pour la journée, le matin, il mange avec nous. Je prends juste un jus d’oranges et un bout de pain – ainsi que la nourriture pour Hayvil – et m’installe à ma table habituelle pendant que Valentine finit de se servir. — Salut Luna ! Alors, bien dormi ? me salue Victor, un autre ami. — Salut tout le monde. Ne m’en parle même pas, je n’ai dormi que deux heures ! — Tu commences bien ta semaine, on dirait, ironise Sophie. Je lève les yeux au plafond. — Valentine, comme toujours, mange la table entière du self, rigole Raphaël lorsque Valentine nous rejoint. — C’est toi qui parle ! riposte la concernée en accusant les deux verres de jus de fruits, l’assiette remplie de croissants et de pains au chocolat, et la montagne de pâtes à tartiner sur le plateau de Raphaël. — Autant profiter de ce qu’on a ! soupire l’accusé en levant les yeux au plafond. Nous sommes six à notre table : Victor, un petit brun aux yeux bleus, Sophie, avec des cheveux blonds et courts et des yeux marron, Raphaël, un grand aux cheveux noirs et à la peau foncée, Hugo, avec des cheveux châtain qui se fait discret, Valentine et moi-même. À nous six nous formons les reclus qui devons vivre en internat à cause de nos problèmes de famille et qui ne voulons pas traîner avec l’autre groupe composé uniquement d’élèves perturbateurs de terminale et de première. Je me penche pour déposer la gamelle de Hayvil par terre à côté de moi. Mon chien se précipite vers son repas et mange comme si je l’ai laissé mourir de faim pendant une semaine. — Luna, tu nous écoutes ? — Quoi ? Et voilà, encore une fois, je n’ai pas suivi la discussion. — Je disais qu’on a un nouveau dans l’internat. Apparemment, il est en seconde, répète Victor. — Il s’appelle comment ? je demande. — Aucune idée. William ne voulait pas me dire. William, c’est notre surveillant préféré de l’internat. Il n’est là que le mardi et le vendredi, malheureusement. Les autres jours, on a Ulysse le lundi, lui, ça va, il passe juste son temps dans son bureau à écouter de la musique et lire, et le pire du pire, c’est le mercredi et jeudi, avec Marion, qui nous interdit limite de respirer. Les week-ends, on retourne chez nous, ou où on veut. C’est là que je vais chez ma grand-mère, la mère de mon père et la seule famille qu’il me reste. Bien que ma mère soit toujours vivante, elle ne veut pas entendre parler de moi car d’après elle, je lui rappelle trop mon père qui lui manque terriblement. Je peux le comprendre, mais c’est assez compliqué de perdre son père et de se faire rejeter par sa mère et toute sa famille du jour au lendemain, et de n’avoir comme compagnie que Hayvil, qui a connu mes pires jours au collège, et ma grand-mère à qui je dois parler fort et qui oublie même mon nom, des fois. Il y a mes amis, mais je ne les connais que depuis septembre, et ils ne savent rien de ce qu’il m’est arrivé, à part que j’ai perdu mon père et que ma mère ne veut pas de moi. Dès que j’ai fini de manger mon pain et de boire mon verre, j’abandonne les autres pour aller me balader dix minutes avec Hayvil. Dehors, le soleil est à peine levé et il fait encore froid. Je reste autour de l’internat, je n’ai pas vraiment le choix, de toute manière, sinon, je vais me retrouver autour du lycée. Il y a quand même un mini parc avec simplement une pelouse et un banc au milieu. Il n’y a personne, à part Hayvil et moi. Je m’assois sur le banc et mon chien ne tarde pas à s’installer à côté de moi. Je lui caresse doucement la tête tandis que j’observe le ciel et le soleil qui se lève. Personne ne vient me déranger. Mes yeux deviennent lourds, je ne sais pas comment je vais tenir toute la journée. Je ne remarque même pas que je finis par m’endormir sur le banc. Je suis dans une ville que je ne connais pas. Un rêve, sans doute ? Cette ville ne ressemble pas à une ville classique, pourtant, mais à une ville futuriste, avec des étagères géantes sur lesquelles reposent des maisons. Des escaliers et des ascenseurs sont situés de part et d’autre de ces sortes d’immeubles étagères. À part ça, il n’y a pas de route bétonnée, mais uniquement des chemins de graviers et de l’herbe. Le ciel paraît tout à fait normal. Le soleil est levé haut, c’est pourquoi je suppose qu’il est aux alentours de midi ou treize heures. J’aperçois alors une silhouette au loin. Elle s’approche rapidement vers moi. Je crois l’entendre crier un nom. Je distingue peu à peu chaque détail de la personne. C’est un garçon de mon âge, plutôt grand, mat de peau, avec des cheveux châtain courts en bataille et des yeux marron. Il est mince et a des cernes noires sous les yeux. Il ralentit devant moi puis s’arrête pour me dévisager. Je reste perplexe car je suis persuadée de ne l’avoir jamais vu de ma vie. — Qui es-tu ? je demande. — Je pourrais te poser la même question. Tu viens de la Terre ? — Comment ça ? Évidemment. Je sais que je suis dans un rêve donc tu n’es pas réel, et je ne t’ai jamais vu bizarrement à moins que je ne t’ai croisé qu’une fois mais que je ne m’en… — Attends ! Son regard s’est illuminé. — Elle t’a envoyée ? — De qui tu parles ? Personne ne m’a envoyée enfin seulement ma propre conscience et tu ne m’as pas dit qui tu es. Son euphorie se dissipe tout à coup et il soupire. — Je suis Elven. Et toi, qui es-tu ? — Luna. — Tu as créé quelqu’un ?! Je sursaute et fais volte-face vers la personne qui vient de parler. C’est une fille de petite taille, dans les un mètre cinquante, de corpulence moyenne, aux cheveux châtain clairs mi-longs et lisses, avec des yeux marron. Elle me lance un regard noir sans que Elven ne le remarque. — Non, pas du tout. C’est une autre terrienne, répondit Elven. — Comment c’est possible ? — Je ne sais pas… — Elle l’a envoyée ? — Non. — Oh, je suis là, je vous rappelle ! je les coupe. Je suis toujours sûre de rêver. Ce que mon imagination peut être débordante ! La fille pince les lèvres et lève les yeux vers moi. — Tu es qui ? — Luna. — Bon, Elven, retourne chez toi. Je m’occupe d’elle. Je ne veux pas que tu aies encore des...désagréments...avec les terriennes. — Quoi ? Comment ça ? je demande, perdue. Je n’ai aucune confiance en cette fille. Je ne l’aime déjà pas. Elven me fixe l’espace de quelques secondes avant de hocher la tête et de repartir. La fille attend qu’il soit complètement reparti pour me secouer par le bras. — Tu vas me dire la vérité ! D’où tu viens ?! — De Bretagne ! — Elle t’a envoyée n’est-ce pas ?! Je ne la laisserai pas faire ! Pas cette fois ! Elle enfonce ses ongles dans ma peau. — Aïe ! Je jure que je ne sais pas de quoi tu parles ! Tu es qui, même ? Elle me relâche le bras en soupirant. — Je suis November Babou. Si ce n’est vraiment pas elle qui t’a envoyée, il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas, ici. C’est un rêve, Luna, réveille-toi. Ce n’est qu’un rêve. C’est un délire. Ces personnes n’existent pas, ce monde n’existe pas. — Bon, je vais t’envoyer voir ma mère. Elle aura peut-être des réponses. Elle est bipolaire ou quoi ? Après tout, ce n’est qu’un rêve, c’est pourquoi tout est bizarre. — Tu viens ou bien tu veux te faire tuer par des serpents rouges ? Je me décide et la suis, malgré ma haute méfiance. Nous traversons plusieurs rangées d’immeubles étagères avant d’arriver devant une petite maison aux couleurs claires. November toque à la porte et entre juste après. — Entre, me dit-elle. J’obéis et arrive dans un petit hall décoré de plantes. November ferme la porte derrière moi. Je reste plantée dans le hall, ne sachant que faire, tandis que la fille disparaît dans la maison. L’endroit est paisible et chaleureux, avec une odeur de muguet dans l’air. Un petit escalier blanc mène à un étage. Le hall donne une ouverture sur un salon avec des fauteuils et une cheminée, et à ma droite un couloir. November ne revient pas, mais c’est une femme qui vient m’accueillir. — Tu es Luna, j’imagine ? — Euh…oui. Elle m’invite à m’installer dans le petit salon puis disparaît chercher du thé. Elle a l’air âgée, ou plutôt, vidée d’énergie. Ses cheveux châtain clair similaires à ceux de November sont grisés et ses yeux vides sont gris. Elle est pâle, très pâle, et mesure quelques centimètres de plus que moi. Elle revient au bout de quelques minutes, deux tasses de thé en main, et vient s’asseoir sur le fauteuil face à moi. J’ai l’impression d’être dans le cabinet d’une psychologue un peu vaudou. — Tu dois sûrement te demander ce que tu fais ici. Et tu dois sûrement penser que tu es dans un rêve. Mais ceci n’est pas un rêve, Luna Châtelet. — Comment vous connaissez mon nom ? — Nous t’attendons depuis un moment. Enfin, nous attendons la venue d’un terrien. Et c’est tombé sur toi. — Je ne comprends pas. — Tu es dans un monde parallèle, qui est censé ne pas exister. Hors, nous sommes là. Et nous avons besoin de ton aide. — Euh…vous vous trompez de personne. J’ai une vie, je dois aller en cours, là, je dois me réveiller sinon je vais être en retard. Je ne suis qu’une lycéenne, je ne peux rien faire pour vous. Je ne vous connais pas, de toute façon, ce n’est qu’un rêve. J’ai un chien qui s’appelle Hayvil et… Tout autour de moi commence à s’estomper. La dame disparaît, la maison disparaît, tout disparaît. Puis je me réveille.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD