Et si on se perdait ?

Chapitre 13

Après le repas, chacun s'est mis à discuter un peu à droite à gauche, dans une ambiance plus détendue. Mais Yannick, lui, s'est levé brusquement et est sorti. Je n'ai pas su où il allait, ni ce qu'il comptait faire. Et cette ignorance m'a rongée de l'intérieur.

À ce moment-là, j'étais en pleine conversation avec Raja. J'essayais de rester polie, d'écouter, mais toute mon attention était ailleurs. Je n'avais qu'une envie : que cette discussion prenne fin pour que je puisse aller retrouver Yannick. Il avait besoin de quelqu'un. Et cette personne, je voulais que ce soit moi.

De ce fait, je me suis levée et je suis partie à la recherche de Yannick. Mon premier réflexe a été de me rendre à son bureau. En ouvrant la porte, je tombe sur lui... et Naelle. Ils étaient en pleine discussion.

- Naelle ? Qu'est-ce que vous faites ici ? demandai-je, interloquée.

- Yannick ne se sentait pas bien, il voulait rester seul. Alors j'ai proposé de lui tenir compagnie, répondit-elle avec un sourire faussement innocent.

Je la connais trop bien. Elle profite encore une fois de la situation. Elle prétend vouloir l'aider, mais en réalité, elle cherche juste à se rapprocher de lui. Elle est douée pour ça, jouer les bienfaitrices au bon moment.

- Tu peux nous laisser seuls, s'il te plaît ? lui demandai-je calmement.

- Tu vois bien qu'il n'a pas envie de discuter. Laisse tomber, Mayah, ce n'est pas le moment, me rétorqua-t-elle avec un ton irritant.

Elle est vraiment culottée ! Elle ose me dire ça alors que même dans ses pires moments, Yannick n'a jamais refusé de me parler.

- Naelle, je t'ai dit de nous laisser. répétai-je fermement.

Elle roula des yeux, fit une grimace et quitta la pièce. Enfin.

Je m'assis sur le canapé, à présent seule avec lui. Je le regardais, mais lui, il évitait mon regard. Alors, doucement, je posai ma main sur la sienne.

- Je suis désolée pour tout ce qui t'arrive, Yannick. Je m'en veux tellement, murmurai-je.

- Ce n'est pas ta faute, répondit-il simplement.

- Si. Ma mère m'a dit que toi et Jasmine, c'était terminé...

Il me fixa aussitôt, son regard se durcissant.

- Je n'ai jamais dit que c'était fini, dit-il, le ton tendu.

- Eh bien, ta mère raconte à tout le monde que c'est fini entre vous.

- J'avoue que j'aurais dû le faire... Mais tout le monde mérite une seconde chance.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Yannick, ne te laisse pas embobiner par mère Neslihan. Je sais que c'est ta mère, mais elle fait tout pour vous séparer.

- Elle m'a plutôt ouvert les yeux sur Jasmine. J'étais vraiment aveuglé, admit-il.

Je le regardais, stupéfaite. Je ne le reconnaissais pas. Je n'arrivais pas à croire que ces mots sortaient de sa bouche.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? soufflai-je.

- Jasmine m'a trompé, déclara-t-il.

Je restai figée, choquée. C'était inimaginable. Jasmine ? Non, elle ne ferait jamais ça.

- Non... c'est impossible. Jasmine ne ferait jamais une chose pareille.

- Figure-toi qu'elle l'a fait. Et le soir de ton anniversaire, en plus.

Et là... tout s'éclaire. Elle a mal interprété ce qui s'est passé ce soir-là. Ce b****r entre Yannick et moi, elle l'a vu comme une trahison.

- Comment a-t-elle pu te faire ça ?

- C'est une pu...

- Non, Yannick.

Il était vraiment très énervé. Heureusement que j'étais là pour l'arrêter avant qu'il ne dise quelque chose qu'il pourrait regretter.

- J'ai tellement la rage, Mayah...

- C'est à cause de moi...

- Le b****r qu'on a échangé, reprit-il, c'était juste un prétexte. Elle savait qu'on était proches. Mais elle m'a quand même trompé... en se basant là-dessus.

- J'avoue qu'elle n'aurait pas dû... Mais nous non plus, on n'aurait pas dû s'embrasser. Je te l'ai dit, Yannick, les gens interprètent toujours mal notre relation.

- On s'en fiche de ce que les gens pensent. On est assez grands et responsables. Ce qu'on partage est sincère, amical. Ni toi ni moi n'avons de sentiments amoureux l'un envers l'autre, et s'ils ne sont pas capables de le comprendre... eh bien, tant pis pour eux.

- Tu es vraiment têtu, Yannick.

- Approche, que je t'en fasse un autre, de b****r, dit-il avec un sourire.

Je souris à mon tour, soulagée de le voir enfin retrouver un semblant de paix. Mais je ne soutiens pas son idée, pas cette fois.

Yannick est toujours en colère. Il n'est plus lui-même, et j'ai l'impression que c'est la rage qui parle à sa place.

- Arrête, Yannick. Tu ne vois pas que tu es en train de tout détruire ? votre relation, tes principes...

- Ne t'en fais pas. J'ai déjà pris ma décision : je vais épouser une autre femme.

Je reste bouche bée. Je ne m'y attendais pas. C'est la colère qui le pousse à dire ça, j'en suis certaine.

- Ne fais pas ça sous le coup de l'émotion, Yannick.

- Ça n'a rien à voir. J'étais prêt à me mettre à dos ma propre mère pour Jasmine. Mais grâce à elle, j'ai ouvert les yeux. Elle ne mérite pas que je sacrifie tout pour elle.

- Je comprends ta douleur, mais tu l'as dit toi-même : tout le monde mérite une seconde chance...

- Arrête d'insister, Mayah. C'est fini. J'ai pris ma décision. Je vais suivre les souhaits de ma mère. Je pardonnerai à Jasmine, oui, mais je vais épouser une autre femme.

Je le regarde, partagée entre compréhension et inquiétude. Il parle de mariage, alors qu'il aime encore Jasmine. C'est dangereux, et je sais qu'il le regrettera.

- Et cette femme, qui c'est ? je demande doucement.

Il tourne la tête vers moi et sourit :

- Toi.

Je le fixe, un sourcil levé.

- Est-ce que tu viens vraiment de me demander en mariage là ? je lâche avec un petit sourire amusé.

- Pas encore... mais je le ferai.

- Haha, arrête tes bêtises. Sois sérieux deux minutes.

- Bon, plus sérieusement, tout à l'heure, Naelle m'a proposé de m'aider.

Et voilà. Je m'en doutais. Naelle n'est pas là par hasard. Elle se rapproche de lui depuis des jours, elle attendait juste une brèche.

- Ne me dis pas que tu vas accepter.

- Pourquoi pas ? Naelle est la candidate parfaite pour ça.

- Yannick... elle est amoureuse de toi !

- Et alors ?

Je reste figée. Il ne veut pas comprendre.

- Comment ça "et alors" ? Elle pourrait finir brisée. Tu ne vois pas à quel point elle tient à toi ?

- Mayah, elle est adulte. Si elle accepte, c'est son choix.

- Non. Je ne vous laisserai pas faire.

- Alors suggère-moi quelqu'un d'autre.

- Je ne sais pas... mais pas Naelle. S'il te plaît. Elle est plus qu'une simple amie pour moi. Je ne veux pas qu'elle souffre.

Il me regarde longuement, puis dit :

- D'accord. Comme tu veux.

Mais son sourire en coin me met mal à l'aise. Je le connais trop bien. Il va sûrement tenter quelque chose dans mon dos. Et Naelle, aveuglée par ses sentiments, acceptera sans poser de questions. C'est compliqué. Je fais tout ce que je peux pour les empêcher de faire une bêtise, mais eux, ils ne m'aident pas.

On continue à discuter. De tout, de rien. Petit à petit, je le vois se détendre. Son sourire revient, plus sincère cette fois. Juste pour quelques instants, il oublie ses problèmes. Et ça, ça me soulage.

●●

Point de vue de Yannick

Le soir, je suis rentré à la maison. Je suis très reconnaissant d'être entouré par de très belles personnes. Ces personnes qui sont présentes quand tout va mal.

J'ai aussi apprécié passer un bon moment avec Mayah. Nous avons beaucoup discuté. Ça m'a fait un bien fou, j'en avais vraiment besoin.

Elle a toujours les bons mots pour me faire remonter le moral. Je ne pourrais pas imaginer ma vie sans elle.

C'est une belle personne.

Arrivé à la maison, je suis allé voir ma mère dans sa chambre. En y allant, j'ai croisé Sonia dans le couloir. Elle avait l'air très heureuse.

- Ah Yannick, tu es rentré.

- Est-ce que ma mère est dans sa chambre ? je demande.

- Oui.

- Ok, dis-je.

J'étais sur le point de partir, mais elle m'a attrapé par le bras.

- Qu'est-ce que tu veux ? je lui demande.

- J'ai appris que tu as changé d'avis et que tu comptes épouser une autre femme, répond-elle.

Je pouvais voir dans ses yeux qu'elle était ravie de cette nouvelle. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle espère encore quelque chose de moi. Pourtant, j'ai été très clair.

- Ne te réjouis pas trop. Même si je ne compte pas épouser Jasmine, ce n'est pas toi que je vais épouser.

- Quoi... ?

À suivre...