— Maman...
— Mayah, tu peux préparer la soupe, il faut que…
— Non maman, je dois sortir ! dis-je, un peu sèchement.
Je ne sais pas si elle le fait exprès, mais j’ai l’impression que chaque fois que je dois mettre un pied dehors, elle trouve toujours quelque chose à me faire faire. C’est limite si elle ne m’attache pas à la cuisine.
Je reconnais qu’elle n’aime pas que j’aille voir Jordan, mais là, c’est carrément abusé. Elle m’empêche même de sortir.
— Où est-ce que tu vas ? Et qui va m’aider avec les tâches ?
— On a une aide-ménagère pour ça ! lançai-je, excédée.
— Sa mère est malade. Elle est partie la voir à l’hôpital.
— m***e…
— Ton langage, jeune fille !
— Qu’est-ce que je dois faire ?
— Surveille la sauce pendant que j’épluche les légumes.
— D’accord.
Pendant qu’elle épluchait en silence, je sentais ses regards insistants. Je savais ce qu’elle mijotait. Ce genre de silence chez elle, c’est toujours annonciateur de questions gênantes.
— Tu veux m’expliquer pourquoi Yannick était là hier soir ? Et pourquoi vous vous êtes embrassés alors que vous êtes censés être des "potes", comme tu le dis ?
— Bah… on n’est plus de simples amis.
— Que veux-tu dire par là ? Tu as oublié qu’il va bientôt se marier ?
— Justement. Demain, maman. Il se marie demain. Et c’est avec moi.
Elle éclata de rire, pensant que c’était une mauvaise blague.
— Je suis sérieuse, maman. C’est précipité, oui, mais je vais vraiment l’épouser.
Elle lâcha l’éplucheur, qui tomba bruyamment au sol.
— Quoi ? Tu vas te marier demain ? Mais enfin, Mayah, tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas te marier, encore moins sans prévenir personne ! Qui as-tu mis au courant avant de prendre une telle décision ?
Au même instant, mon téléphone vibra. Un message de Yannick.
Fais-toi belle, j’arrive avec ma mère et mon oncle.
Je sentis mon cœur s’emballer. Le stress monta d’un coup.
— Maman, il faut que j’aille me préparer… Toi aussi d’ailleurs.
— Pourquoi ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.
— Yannick arrive avec sa famille.
— Et alors ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Qu’est-ce qui se passe exactement, Mayah ?
— Il va sûrement vous demander ma main. Alors s’il te plaît, viens avec moi, habille-toi. On ne peut pas les recevoir comme ça.
— Mayah, le mariage n’est pas un jeu !
— Tu devrais être contente, non ? C’est Yannick que je vais épouser, pas Jordan. Ou alors… peut-être que vous préférez que j’épouse Jordan ? Toi et papa ?
Elle resta silencieuse, me fixant longuement.
Je savais que tout ça allait trop vite. Je savais que ce mariage était une mascarade… mais je ne pouvais pas lui dire la vérité. Ce mariage n’a rien d’un conte de fée. Il est là pour sauver Yannick. Et moi, je suis en train de tout risquer pour lui.
Mais dans le fond, je savais aussi une chose : si elle me laissait faire, c’est parce qu’elle savait que Yannick était le bon choix. Même si je devais mentir, au moins, je mentais dans la direction qu’ils approuvaient.
Je montai dans ma chambre, le cœur battant. Je savais que tout allait basculer dans les heures à venir. Chaque pas résonnait comme une alerte dans ma tête. Tout cela allait trop vite, mais je n’avais pas le droit de faiblir.
Point de vue de Fatiha
Je ne pouvais pas garder ça pour moi. Encore secouée par les paroles de ma fille, je montai à mon tour à l’étage et allai trouver Huseyin. Je frappai doucement à la porte de notre chambre, puis entrai.
— Huseyin… Yannick vient demander la main de Mayah, dis-je d’un ton hésitant.
Il leva les yeux de son téléphone, étrangement calme.
— C’est une bonne chose, répondit-il simplement.
Je fronçai les sourcils. Comment pouvait-il prendre ça aussi légèrement ?
— Mais enfin, c’est précipité tout ça ! On ne les a même pas vus se fréquenter sérieusement.
— Fatiha, si notre fille est heureuse, c’est tout ce qui compte. Mayah est une fille intelligente. Elle sait ce qu’elle fait.
Je secouai la tête, toujours troublée.
— Je n’arrive pas à croire que tout cela soit réel.
— Et puis, ajouta-t-il avec un petit sourire, tant qu’elle n’épouse pas Jordan, moi je suis content. Tu devrais l’être aussi.
Je n’étais pas convaincue. Quelque chose en moi résistait encore. Mais j’avais compris que, cette fois, je n’avais pas vraiment le choix. Je me dirigeai vers la salle de bain pour me préparer, tout comme mon mari.
Point de vue de Mayah
Dans ma chambre, je fixai mon reflet dans le miroir, le souffle court. J’avais pris le temps de me maquiller légèrement, préférant un style chic et sobre. Il fallait que je sois impeccable, crédible.
Je portais une robe longue, moulante, à fines bretelles. Des fleurs rouges et violettes s’étalaient sur un fond noir profond. Une dentelle fine habillait le haut du bustier, révélant juste ce qu’il fallait de ma peau. À mon poignet, une montre dorée brillait délicatement, en harmonie avec mes boucles d’oreilles épaisses et un jonc discret. J’avais glissé un petit sac noir siglé YSL à mon bras, et mes talons noirs Dolce & Gabbana complétaient parfaitement ma tenue.

Je pris une profonde inspiration. Ce soir, j’allais jouer un rôle que je n’avais jamais envisagé : celui d’une fiancée potentielle. Même si ce n’était qu’une mascarade, je devais être convaincante. Je n’avais pas le droit de trembler.
Point de vue de Mayah
En attendant que les invités arrivent, j’entendais au rez-de-chaussée mon père passer un coup de fil. Il parlait calmement, mais son ton laissait deviner qu’il voulait que les choses soient bien faites. Il avait appelé mon oncle Cemal pour qu’il vienne prendre part à la rencontre. Je savais que son avis comptait beaucoup pour mon père, et même pour moi.
De son côté, maman s’affairait dans la cuisine, préparant des thés et mettant de l’ordre. Même si elle n’approuvait pas entièrement cette histoire, elle tenait à ce que tout paraisse respectable.
Quelques minutes plus tard, j’entendis la sonnette retentir. J’ouvris légèrement la porte de ma chambre pour écouter. Mon oncle Cemal venait d’arriver. Je descendis quelques marches discrètement, assez pour les entendre échanger.
Point de vue de Huseyin
— Cemal, merci d’être venu, lui dis-je en le serrant dans mes bras.
— Tu m’as semblé sérieux au téléphone… alors me voilà. Mais j’avoue que je suis un peu perdu. Yannick vient officiellement demander la main de Mayah ? reprit-il, encore étonné.
— Oui. C’est rapide, je sais, mais notre fille est décidée. Elle sait ce qu’elle veut. Et puis... tu connais l’histoire avec Jordan. Je préfère voir Yannick que quelqu’un comme lui.
Cemal hocha la tête. Son regard était empli de bienveillance, même s’il gardait une certaine réserve.
— Si elle est heureuse, alors moi je le suis aussi, répondit-il enfin. Mayah mérite ce qu’il y a de mieux.
Point de vue de Mayah
J’eus à peine le temps de souffler que la sonnette retentit de nouveau. Cette fois, je dévalai les escaliers pour ouvrir moi-même.
Ils étaient là.
Yannick, debout, dans un costume sombre qui lui allait à merveille. Sa mère, digne et élégante, tenait un petit sac dans les mains. Un homme, que je reconnus comme étant son oncle Burak, les accompagnait. Et à côté d’eux se tenait Khalis, son meilleur ami, toujours aussi souriant.
— Bonsoir, lançai-je en essayant de cacher le tremblement dans ma voix.
Yannick me tendit un magnifique bouquet de roses rouges. Mon cœur rata un battement.
— Pour toi, dit-il doucement.
Je pris les fleurs, émue. Il sortit ensuite une rose isolée qu’il tendit à ma mère, derrière moi.
— Et celle-ci, pour vous, Madame.
— Merci, répondit-elle poliment, surprise mais touchée par le geste.
Nous les invitâmes à entrer, et tout le monde prit place dans le salon. Je m’installai à table, aux côtés de Yannick. Nos épaules se frôlaient à peine, mais je sentais la tension monter en moi.
La gouvernante arriva avec le plateau de thé. Elle le posa avec soin devant nous, remplissant les tasses une à une. L’odeur chaude et apaisante du thé à la menthe se diffusa dans l’air, contrastant avec le tumulte de mes pensées.
Je jetai un coup d’œil vers Yannick. Il avait l’air si calme… Moi, j’étais au bord de l’implosion.
Mais il fallait rester digne. J’étais celle que l’on venait demander en mariage, même si ce n’était qu’un rôle. Un rôle que je devais incarner à la perfection.
A suivre...