Le soir même, Yanncik emmena Mayah dans la villa qu’il avait fait construire il y a quelques mois. Une maison pensée pour sa vie future avec Jasmine. Ironie du sort, c’était désormais Mayah qui allait en franchir le seuil en tant qu’épouse.
La villa était moderne, spacieuse, décorée avec goût. Tout sentait encore le neuf. À leur arrivée, un domestique leur ouvrit, puis les laissa seuls, comme prévu.
Mayah, encore vêtue de sa robe beige champagne, marcha lentement dans le vaste salon, les yeux levés vers le lustre en cristal.
— C’est… immense, murmura-t-elle.
Yanncik, debout derrière elle, sourit légèrement. Il sortit une petite boîte de sa poche et la lui tendit.
— C’est pour toi.
Mayah ouvrit la boîte et resta bouche bée.
— Une clé de voiture ?
— Une Ferrari. Elle est garée dehors. Cadeau de bienvenue… et pour te remercier.
Elle releva les yeux vers lui, touchée malgré elle.
— Merci… Je ferai tout pour toi, Yanncik. Tout ce que je peux.
Ils s’assirent ensuite dans le grand canapé gris perle du salon. Le silence qui les enveloppa n’était pas pesant, mais chargé d’un drôle de sentiment.
— Je n’arrive pas à croire qu’on est mariés, souffla-t-elle.
— Moi non plus. C’est… bizarre, avoua-t-il en passant une main sur sa nuque.
Elle acquiesça, un petit rire nerveux s’échappant de ses lèvres.
— Et maintenant ? On fait quoi ?
— Tu fais comme tu veux. Tu peux choisir la chambre que tu préfères.
Mayah tourna la tête vers lui, un brin moqueuse.
— Dans laquelle tu as couché avec Jasmine ?
Un sourire presque gêné se dessina sur les lèvres de Yanncik.
— Celle au fond… à droite.
— Alors j’en prendrai une en haut, répondit-elle aussitôt. Je préfère.
Il hocha la tête, acceptant sans discuter.
— Très bien. Je resterai en bas, alors.
Mayah se leva lentement, ses talons claquant doucement sur le carrelage. Elle jeta un dernier coup d’œil à Yanncik avant de monter les escaliers, traînant sa robe derrière elle.
Un nouveau chapitre venait de s’ouvrir. Faux. Incertain. Mais pourtant bien réel.
Mayah referma doucement la porte de sa nouvelle chambre. Elle se tenait là, seule, dans cet espace qui ne portait encore aucune trace d’elle. Elle retira lentement ses bijoux, sa robe de mariée, et s’enferma dans la salle de bain attenante. L’eau chaude ruissela sur son corps, emportant avec elle les tensions de la journée. Une nouvelle vie venait de commencer. Une vie dans le faux. Mais elle n’avait plus le choix.
Après sa douche, enroulée dans un peignoir blanc, elle s’installa sur le lit et appela Jordan. Ils parlèrent longtemps. Il l’écouta, compréhensif, bien qu’encore un peu sous le choc. Puis, peu à peu, le sommeil l’emporta.
Le lendemain matin, la lumière filtrant à travers les rideaux la réveilla doucement. Elle s’étira, passa une main dans ses cheveux avant de remarquer que ses valises avaient été déposées dans un coin de la chambre. Elle se leva, fit sa toilette, se brossa les dents, puis enfila un legging noir et un haut beige. Simple, confortable.
En descendant les marches, elle sentit l’odeur du pain chaud flotter dans l’air. Elle suivit l’arôme, s’arrêtant à l’entrée de la grande pièce qui faisait à la fois office de cuisine et de salle à manger. Des bruits de vaisselle et une voix familière s’en échappaient.
En entrant, elle se figea.
Jasmine était là. Elle versait du thé dans une tasse, juste devant Yanncik, installé à la table, vêtu d’un t-shirt blanc et d’un pantalon de sport.
— Bonjour, Mayah, lança Jasmine en lui adressant un grand sourire.
Mayah, surprise, lui répondit d’une voix hésitante :
— Bonjour…
— Je suis venue très tôt pour préparer le petit-déjeuner de Yanncik, expliqua Jasmine tout naturellement. D’ailleurs, je pense venir m’installer ici bientôt.
Mayah força un sourire.
— Ah…
Elle s’installa à table, à l’opposé du couple. Jasmine, elle, se posa juste à côté de Yanncik, comme si c’était sa place habituelle. Elle lui tendit une assiette de pains chauds, puis se tourna vers lui.
— Tu veux quoi ce soir pour le dîner ? Je pensais à des köftes maison avec du riz pilav.
Yanncik releva la tête. Son regard croisa celui de Mayah. Il y eut un bref moment de flottement.
— Tu as bien dormi ? demanda-t-il à Mayah.
— Oui, très bien, répondit-elle en souriant doucement.
Jasmine, sans se démonter, continua :
— Je pense qu’il est temps que je m’installe ici pour de bon.
Cette fois, Yanncik reposa sa tasse, croisa les bras et la fixa.
— Jasmine… ce n’est pas une bonne idée. Si ma mère apprend ça, on est grillés tous les deux.
— Mais pourquoi ? Je suis ta vraie copine. C’est Mayah la fausse épouse, dit-elle d’un ton presque enfantin.
— Justement. Et pour l’instant, c’est elle qui porte mon nom, Jasmine. Faut pas être imprudente.
Mayah baissa les yeux sur son mug, faisant mine de ne pas écouter. Pourtant, chaque mot s’inscrivait dans son cœur.
Jasmine soupira.
— Je peux au moins rester quelques jours ? Juste pour… m’habituer ?
Yanncik ne répondit pas tout de suite. Le silence s’étira, lourd de sens.
Mayah, elle, mordit dans un morceau de pain, se concentrant sur son assiette, comme si le monde autour n’existait plus.
Mais elle le savait déjà : ce faux mariage allait être plus compliqué que prévu.
Lorsque Mayah eut terminé son petit-déjeuner, elle repoussa doucement sa chaise et se leva.
— Je vais sortir, dit-elle en prenant son sac.
Yanncik leva les yeux de son téléphone.
— Où ça ?
Mayah s’arrêta, le regarda brièvement.
— À l’entreprise familiale. J’ai des papiers à voir avec Murat.
— Pourquoi ? demanda-t-il, légèrement surpris.
Jasmine arqua un sourcil, étonnée par son ton.
— Tu t'intéresses à ça depuis quand ? Elle est majeure et vaccinée, non ? fit-elle d’un ton sec.
Yanncik l’ignora, gardant les yeux fixés sur Mayah, qui répondit calmement :
— Je vais voir mon cousin. Juste une petite visite au bureau.
Un silence s’installa. Finalement, Yanncik hocha la tête.
— D’accord, vas-y.
Mayah lui lança un dernier regard neutre, ignora Jasmine et sortit.
Une fois la porte refermée, Jasmine reposa son mug avec un petit bruit sec.
— Vous êtes des faux mariés, je te rappelle. T’as pas besoin de jouer au mari possessif, Yanncik.
— Arrête tes conneries, Jasmine, répondit-il aussitôt. J’ai toujours veillé sur Mayah. Ça n’a rien à voir avec ce mariage.
— Ok, ok, fit-elle en levant les mains en signe de paix. Je veux pas qu’on se dispute, d’accord ?
Elle se leva et tourna lentement autour de la table, puis s’arrêta derrière lui, posant ses mains sur ses épaules.
— Mais… dis-moi comment ça va se passer alors ? Tu veux pas qu’on vive ensemble ici… Tu comptes me cacher jusqu’à quand ?
Yanncik soupira longuement, ferma un instant les yeux, puis dit d’une voix basse :
— Tu peux venir, mais discrètement. Pour l’instant. Je veux pas que ma mère l’apprenne.
Il marqua une pause.
— Après, je te marierai. Officiellement.
Un sourire triomphant s’étira sur les lèvres de Jasmine. Elle s’approcha de lui, caressant lentement son bras.
— …En divorçant de Mayah, compléta-t-elle, le ton mielleux.
Yanncik répondit d’une voix calme, presque machinale :
— Bien sûr.
Elle éclata d’un petit rire étouffé, toute contente, avant de venir s’asseoir sur ses genoux et l’embrasser dans le cou.
Elle avait l’impression que tout commençait enfin à lui revenir.
Mais ce qu’elle ignorait, c’est que ce faux mariage allait bouleverser bien plus qu’elle ne le pensait.
Mayah passa toute la journée à l’entreprise familiale. Elle avait besoin de respirer, de mettre un peu de distance entre elle et cette maison où Jasmine régnait déjà comme une maîtresse des lieux.
À un moment, elle alla frapper doucement à la porte du bureau de Murat.
— Je compte venir travailler tous les jours, lui annonça-t-elle, déterminée.
Murat leva les yeux, surpris, puis hocha la tête avec un sourire bienveillant.
— Tu sais que tu es toujours la bienvenue, Mayah.
Elle le remercia d’un sourire discret. Le travail était son refuge désormais.
Le soir venu, elle décida de ne pas rentrer tout de suite. Rien ne l’attendait vraiment là-bas. Surtout pas l’ambiance glaciale entre elle et Jasmine. Alors elle s’arrêta dans un petit restaurant du centre-ville, commanda un plat chaud, et mangea seule, en silence.
Mais à peine avait-elle franchi la porte du restaurant qu’elle se figea.
Naelle.
Adossée contre sa voiture, les bras croisés, le regard sombre.
Mayah s’approcha prudemment.
— Naelle… qu’est-ce que tu fais là ?
— T’es vraiment une g***e, cracha Naelle entre ses dents.
Mayah recula d’un pas, prise au dépourvu.
— Quoi ? Mais pourquoi tu dis ça ?
— Jordan m’a tout dit. Tu t’es mariée, Mayah ! T’étais censée être ma meilleure amie.
Mayah baissa les yeux, gênée.
À suivre