Chapitre 2

1409 Words
Point de vue de Rachel.   —   Où est-il ? demandé-je en inspectant les alentours de la chambre d'hôpital, le souffle haletant dû aux étages que j'ai dû monter à pieds.     Ma sœur tourne difficilement la tête vers moi. Elle a d’énormes cernes sous les yeux et son visage est blême. J’espère ne pas ressembler à ça quand j’accoucherais, parce que ce n’est pas du tout gracieux. —   Ils l'ont emmené, répond Sandra, épuisée. —   Oh…    Je m'assois à côté d'elle et l'embrasse sur le front, avant de poser ma main sur la sienne. J’ai raté tout le spectacle. C’est officiel, je suis la pire sœur du monde. —   Je suis vraiment désolée, dis-je en baissant les yeux. J'ai eu beaucoup de mal à venir. C’est à cause de cet abruti. Il… il n’a fait que s’arrêter à chaque rue pour saluer quelqu'un.    Sandra me lance un regard dubitatif. —   Un taxi a le droit de faire ça ? Tu devrais te plaindre à son agence... —   Non, ce n'était pas un taxi. C'était un… connard de cité qui voulait faire son mariole, j’imagine. Par pitié ne me demande pas comment j'ai fait pour me retrouver dans sa voiture. —   C’est n’importe quoi. Tu devrais passer ton permis, Rach.     Elle me regarde maintenant d'un air sévère. Ça y est, c’est reparti pour la leçon de moral. Je sais qu'elle a raison, mais en ce moment je n'ai pas envie de me prendre la tête à ce sujet. J'ai encore le temps, de toute façon, non ? —   Je le ferai bientôt, prétexté-je en hochant la tête. Bref, comment tu vas, toi ? Pas trop fatiguée ?     Question bête, je l’admets. —   Pire que ça ! se plaint ma sœur. Tu ne sais pas à quel point Adam a prit de la place en sortant de mon vagin. Mon trou était énorme ! Je souris. Même dans ces moments-là, elle a toujours un langage familier et cru... —   Oh, c'est donc Adam, finalement ! je m'exclame. Toi qui voulais tant l'appeler par l'autre prénom... Je suis rassurée. —   Ça c'était avant que je me rappelle que ton ex s'appelait comme ça... Et puis, Samuel, ce n'est pas si beau que ça, en fait.     Ma mâchoire se contracte à l'entente de son prénom. Même un an après, cette enflure fait encore parler de lui. En plus sortant de la bouche de ma propre sœur ! Mais bon, elle vient d'accoucher, alors je lui pardonne pour cette fois-ci. Par contre le jour où elle reparlera de lui – si elle ose le faire –, je ne me gênerais pas pour lui enfoncer ma fourchette dans le... —   Tu restes encore combien de temps à l’hôpital ? je demande pour changer de sujet et par la même occasion chasser mes pensées pour les moins loufoques. —   Deux jours, histoire que nous reprenions des forces, moi et le petit. Et toi, quand est-ce que tu te trouves un appart ?... À toi toute seule, ajoute Sandra en faisant les gros yeux.     Une chose que j'avais oublié de préciser : non seulement je n'ai pas le permis, mais je vis encore chez ma famille. Enfin, plutôt chez ma sœur, car mes parents ont déménagé en Espagne il y a plus d'un an, notre pays d'origine. En réalité, notre famille est française d'origine espagnole et marocaine, mais je ne connais pas tellement mes pays d'origines, donc bon... —   Pour l'appartement, ça se fera aussi bientôt, dis-je finalement en lui faisant un clin d'œil.     Et si j'essaie d'être le plus convaincante possible, je sais que ma sœur, quant à elle, n'est nullement convaincue. Comme à chaque fois que nous parlons de ça, et que je lui réponds "bientôt". Parce qu'en vrai, tous les gens qui me connaissent savent que ce mot ne signifie rien quand il sort de ma bouche.     Point de vue de Nassim.      Ne pas dormir. Ne pas perdre patience. Ne pas se tailler. Voilà les règles qui tournent et retournent dans mon p****n de cerveau en surchauffe. Gazelle est partie à toute allure en laissant un billet de vingt euros dans la voiture sans se retourner, et ça m'a fait rager. Mais vraiment rager de ouf, genre. Non mais sérieux, elle m'a prit pour qui ? Comme si j’avais une gueule à accepter son billet sans broncher et repartir comme si de rien était. Je suis sûr que je suis plus thuné qu'elle, en plus, alors qu'est-ce que j'en ai à faire de ce billet de merde ? Je crois qu’elle n’a pas encore compris à qui elle avait affaire. Je dois lui montrer qui est le vrai gars, et qui tient les rennes...    C’est pourquoi je suis toujours dans le parking de l'hôpital. Je me suis mis en tête que je devais l’attendre. Et même si elle doit prendre trois heures de visite pour sa sœur, je l'attendrai quand même, rien que pour lui redonner son billet et la voir galérer à trouver un chauffeur pour le retour. p****n, je me languis déjà de la voir dégoûtée. En plus, elle a trop un visage de tarée quand elle pète un câble. Je crois même que je devrais l'afficher sur i********: ; à tous les coups je récolterais des milliers de j'aime sur son dos.    Une heure passe. Je fouille le parking du regard tout en augmentant le volume de la musique qui passe, car j'aime beaucoup l'auteur. En fait, le morceau est de moi – plus précisément de mon frère et moi. Nous faisons du Rap depuis plus d'un an. Au début ça ne marchait pas, mais plus les sons sortent et plus nous faisons entendre parler de nous. Encore un an de plus et on passera sur Skyrock. Je suis pas du genre à me venter, mais c'est la vérité. Faut l'avouer, Tarek et moi on a du talent. C'est pas pour rien qu'une maison de disque s'est intéressée à nous le mois dernier. Et je peux vous dire qu'il y a un tas de jeunes de cité dans la même galère que nous qui charbonnent dur pour en arriver là...    Tiens, la folle est de retour. Je la suis des yeux en silence. Avec toujours la même expression au visage, elle se dirige d'un pas régulier vers ma voiture sans poser une seule fois le regard sur moi. Elle est myope ou quoi ? —   Je suis là ! crié-je en passant mon bras par la vitre. —   Sérieusement ? Je vais finir par croire que tu es un psychopathe..., marmonne-t-elle en entrant dans ma voiture. Wech, elle s'est crue chez sa mère ? —   Tu fais quoi là ? —   Comment ça je fais quoi ? dit-elle en bouclant sa ceinture. —   Qui t'as dit que tu pouvais monter dans ma caisse ? Elle se tourne vers moi et me lance un air furieux. —   Tu te fous de moi ? C'est pas toi qui tenais tant à m'emmener ? —   Si, mais j'ai jamais dit que je ferais la même pour le retour. —   Hein ? Bon, baisse le volume de cette musique au lieu de jouer avec mes nerfs. Jamais de ma vie j'ai vu une meuf aussi insolente qu'elle. Jamais ! —   Tu vas te détendre, Gazelle... —   Adam.     En plus elle prend un de ces tons avec moi... attend, quoi ? Qu'est-ce qu'elle vient de me dire ? Adam ? C'est qui ça, encore ? p****n mais elle déraille vraiment celle-là ! —   Développe les choses au lieu de lâcher des bouts de phrases qui n'ont aucun sens. —   Ma sœur : elle a décidé d'appeler son fils Adam. —   Euh... OK, mais en quoi c'est mon problème ? —   J'avais juste envie de le dire.     Elle est chelou. Trop chelou même. Pourquoi j'ai toujours le don de rencontrer des cassos de ce genre, bordel ? —   S'il te plaît, tu peux baisser le volume ? répète-t-elle plus gentiment. J'ai très mal au crâne. —   Rien à foutre. Ecoute mieux le son, c'est de moi et mon frère. —   On dit mon frère et m... —   Eh mais c'est dingue ! Écoute au lieu de jouer les profs de français !     Elle me fixe deux secondes, puis avance doucement son oreille près des basses. Incapable de dire si elle aime ou pas car son visage reste neutre. —   Mouais..., finit-elle par dire après un long moment d’absence. C'est pas si mal que ça. —   Bon, écoute la fin et ferme-la.    Ce sont les dernières choses que je lui ai dites avant de la raccompagner chez elle.    Finalement, je ne lui ai même pas rendu le billet. J'ai préféré l'utiliser pour aller au grec avec mes potes, parce que j'avais grave la dalle.  
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