CHAPITRE TROIS

2993 Words
CHAPITRE TROIS Six lunes plus tard Rea s’était étendue sur des fourrures, devant le feu qui brûlait dans l’âtre. Elle était désespérément seule. Le travail avait commencé et elle retenait ses cris d’agonie. Dehors, un vent v*****t soufflait. De grosses bourrasques faisaient claquer les volets et de la neige s’insinuait sous les portes, comme si le ciel était d’aussi mauvaise humeur que Rea. La lueur des flammes faisait reluire la sueur sur son visage, mais elle n’arrivait pas à se réchauffer. Le bébé ne cessait de donner des coups de pied et de se retourner dans son ventre. Elle se sentait humide et froide. Elle tremblait de tout son corps. Elle allait mourir. Une contraction l’assaillit. Si seulement ce maraudeur l’avait tuée, cette nuit-là… Il aurait fait preuve de plus de clémence. Cette t*****e interminable, cette nuit d’agonie, tout cela, c’était la pire chose qu’il aurait pu lui infliger. Ce fut alors que, par-dessus ses propres cris et les bourrasques de vent, un autre bruit se détacha – peut-être le seul bruit capable de la faire frémir. Les bruits d’une foule en colère. Des villageois. Ils venaient tuer son bébé. Rea rassembla ses forces. En tremblant sur ses jambes, elle parvint à soulever son corps. Elle atterrit sur les genoux, chancelante, et tendit la main vers un bâton. Au prix d’un dernier effort et avec un grand cri, elle se redressa sur ses deux jambes. Difficile à dire si la position debout lui était plus inconfortable que la position allongée, mais elle n’avait pas le temps de se poser la question. La foule se rassemblait à l’extérieur, de plus en plus bruyante, de plus en plus proche. Ils seraient bientôt là. Mourir ou vivre ne lui importait plus. Mais son bébé ? C’était une autre histoire. Elle devait protéger l’enfant, à n’importe quel prix. C’était une étrange sensation : elle accordait maintenant plus d’importance à la vie d’un bébé qu’à la sienne. Rea tituba jusqu’à la porte et se retint à la poignée pour ne pas tomber. Elle s’appuya un instant, le temps de reprendre son souffle. Enfin, elle s’empara d’une fourche qui se trouvait là, pour s’en servir comme d’une canne, et ouvrit la porte. Une bourrasque de vent et de neige l’accueillit, assez froide pour lui couper le souffle. Des cris s’élevaient par-dessus le sifflement de la bise. Son cœur manqua un battement quand elle vit les torches filer dans sa direction comme une nuée de lucioles enragées. Elle leva les yeux vers le ciel. Une immense lune rouge sang se montrait entre deux nuages. Non, c’était impossible ! Rea n’avait jamais vu de lune rouge, encore moins au milieu d’une tempête. Le bébé lui donna alors un coup de pied et elle sut, sans l’ombre d’un doute, que la lune était un signe. Elle annonçait la naissance de son enfant. Mais qui est ce bébé ? se demanda-t-elle. Elle referma les bras sur son ventre. Elle sentait son pouvoir et son impatience. C’était comme s’il avait bien l’intention d’affronter lui-même la foule en colère. Leurs torches illuminèrent la nuit quand ils émergèrent des ruelles. Autrefois, en d’autres circonstances, elle se serait défendue. Aujourd’hui, elle tenait à peine debout. Elle était sans défense. Cependant, une rage primale pulsait sous sa peau. Cette force lui venait du bébé. Une bouffée d’adrénaline l’assaillit et, l’espace d’un instant, les contractions s’arrêtèrent. Elle eut presque l’impression de retrouver son ancienne énergie. Un villageois trapu et corpulent courut vers elle, en brandissant une faux. Rea prit son élan, fit un pas de côté et l’embrocha en pleine panse avec sa fourche. L’homme s’effondra à ses pieds. La foule s’immobilisa, choquée par l’audace de Rea. Rea n’attendit pas. Elle récupéra sa fourche d’un geste vif, la fit tourner au-dessus de sa tête et frappa le villageois le plus proche au visage, quand il s’élança vers elle avec une massue. L’homme s’étala à son tour dans la neige. Un autre la plaqua au sol. Ils glissèrent dans la neige, emportés par son élan. Rea retint un grognement de douleur quand elle sentit le bébé donner des coups de pied. Elle se débattit. L’espace d’un instant, l’étreinte de l’homme se desserra. Poussée par l’énergie du désespoir, Rea planta ses dents dans sa joue et le mordit jusqu’au sang. Il porta une main à son visage et Rea saisit l’occasion. Non sans patiner maladroitement dans la neige, elle se releva et se mit à courir. Elle leur avait presque échappé quand une main l’attrapa par les cheveux. On la jeta sur le dos, avant de la traîner par terre. Le visage de Severn se pencha vers elle, sourcils froncés. — Tu aurais dû obéir, siffla-t-il. Maintenant, nous allons te tuer avec le bébé. Des acclamations retentirent et Rea sut que c’était la fin. Elle ferma les yeux. Elle n’avait jamais été très dévote mais, à cet instant, elle trouva Dieu. Je prie, avec tout ce que je suis, pour que cet enfant soit sauvé. Vous pouvez me laisser mourir, mais sauvez l’enfant. Ses prières avaient-elles été entendues ? Soudain, la main lâcha ses cheveux et un coup sec se fit entendre. Elle ouvrit les yeux, stupéfaite. Elle resta bouche bée devant celui qui lui avait porté secours. C’était Nick, un garçon plus jeune qu’elle, le fils d’un paysan. Il n’avait jamais eu l’air particulièrement dégourdi. Les autres se moquaient souvent de lui. Rea lui avait toujours montré du respect et de l’amitié. Peut-être s’en souvenait-il… Nick frappa Severn avec un gourdin. Il se tourna alors vers la foule, campé fermement sur ses jambes. Il était prêt à la protéger. — Va-t-en vite ! lui cria-t-il. Avant qu’ils ne te tuent ! Rea lui jeta un regard de gratitude et de surprise. La foule allait le rouer de coups. Elle sauta sur ses pieds et s’enfuit à toutes jambes, glissant sur le verglas et les flaques de neige fondue, bien décidée à profiter de ces quelques secondes de répit. Elle s’enfila dans une ruelle. Avant de disparaître complètement, elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Nick agitait sa massue devant les villageois comme un beau diable. Il en assomma quelques uns. D’autres, toutefois, le plaquèrent au sol. Ils se lancèrent alors à la poursuite de Rea. Elle courut à perdre haleine, sans demander son reste, tournant dans les allées, à la recherche d’un abri. Elle réalisa avec horreur qu’elle ne savait même plus où elle allait. Elle déboucha en ville, entre les élégantes maisons de pierre. Par-dessus son épaule, la foule se rapprochait. Encore quelques mètres. Elle titubait maintenant plus qu’elle ne courait. C’était la fin. Une autre contraction la plia en deux. Ce fut alors qu’une porte en vieux chêne s’ouvrit devant elle. Fioth, l’apothicaire, passa la tête dehors, les yeux écarquillés. Il lui fit signe d’entrer, la prit par la main avec une force étonnante pour son âge et Rea s’engouffra dans son élégante maison fortifiée. La porte se referma en claquant derrière elle. Un instant plus tard, les poings et les faux des villageois en colère vinrent tambouriner sur la porte. Au grand soulagement de Rea, le battant était très épais et sans doute bien plus vieux qu’elle. Les gonds ne frémirent même pas sous les attaques répétées. Rea prit une grande inspiration. Le bébé était en sécurité. Fioth se pencha pour l’examiner. Ses yeux étaient pleins de compassion. Sa bonté valait toutes les médecines du monde. Ces derniers mois, personne n’avait montré à Rea le moindre signe de gentillesse. Il retira les fourrures dont elle s’était couverte, alors qu’une contraction la pliait en deux. La vieille maison était très silencieuse et très chaude : le toit et les murs les protégeaient des bourrasques. Fioth la conduisit devant le feu et l’aida à s’asseoir sur un tapis. Ses derniers efforts la rattrapèrent alors : la course, la bataille, la douleur… Ses genoux lâchèrent. Elle sut qu’elle ne bougerait plus d’ici, pas même si plusieurs milliers d’hommes venaient se jeter contre la porte. Une douleur brutale lui arracha un hurlement. — Je ne peux plus courir, hoqueta-t-elle. Je n’en peux plus. Il épongea la sueur sur son front. — Plus besoin de courir, dit-il d’une voix chevrotante et rassurante. Je suis là, maintenant. Elle poussa un cri, transpercée par une douleur abdominale. C’était comme si son bébé voulait la déchirer en deux. — Allongez-vous ! ordonna-t-il. Elle s’exécuta. Une seconde plus tard, elle le sentit une pression énorme entre ses cuisses. Puis elle entendit un bruit qui la terrifia. Un vagissement. Le cri d’un bébé. Elle s’évanouit presque. Dans un état second, elle regarda les mains de l’apothicaire tirer le bébé par la tête, tendre le bras à l’aveuglette pour ramasser un objet tranchant, puis couper le cordon ombilical. Il essuya le nourrisson avec un linge, pour nettoyer ses poumons, son nez et sa gorge. Les vagissements retentirent de plus belle. Rea éclata en sanglots. Quel soulagement d’entendre ce bruit, par-dessus la clameur des villageois qui s’acharnaient encore contre la porte ! Un enfant. Son enfant. Il était vivant. Contre toute attente, il était né. L’apothicaire la couvrit d’une couverture, mais Rea n’avait d’yeux que pour le petit paquet tout chaud qu’il déposa entre ses bras. Elle le serra contre sa poitrine. Il pleurait et gémissait. Elle n’avait jamais été aussi heureuse. Des larmes de bonheur coulèrent sur ses joues. Ce fut alors que le claquement des sabots et le fracas des armures rejoignirent la troupe des villageois. Ensuite, des cris. La foule ne réclamait plus sa mort. Non, la mort venait de se retourner contre eux. Rea tendit l’oreille, étonnée. Une bouffée de soulagement la traversa. Bien sûr. Le seigneur était venu la sauver – ou sauver son fils. — Les chevaliers sont venus à mon secours, souffla-t-elle. L’avenir lui parut soudain un peu plus rose. Peut-être allait-il la sauver de sa misère. Peut-être aurait-elle enfin la chance de vivre une autre vie. Son garçon grandirait dans un château. Il apprendrait à devenir un seigneur. Elle aussi, peut-être. Son bébé aurait une belle vie. Elle aurait une belle vie. Des larmes de soulagement inondèrent ses joues. — Non, corrigea l’apothicaire d’une voix grave. Ils ne viennent pas sauver ton bébé. Elle lui renvoya un regard stupéfait. — Alors pourquoi sont-ils venus ? — Pour le tuer. Une douche glacée s’abattit sur Rea. — Ils n’ont pas fait confiance aux villageois, ajouta-t-il. Ils viennent s’assurer que c’est fait. Ils veulent le tuer de leurs propres mains pour en être sûrs. De la glace pulsait maintenant dans les veines de Rea. — Mais…, balbutia-t-elle, …mon bébé appartient au chevalier. Leur commandant. Pourquoi ? Pourquoi voudraient-ils le tuer ? Fioth secoua la tête. — Ton chevalier, le père du bébé, a été assassiné, expliqua-t-il. Il y a bien des lunes. Ces hommes ne sont pas les siens. Ce sont des rivaux. Ils veulent la mort du bébé. Ils veulent ta mort. Sa voix s’était réduite à un murmure empressé et paniqué. Elle sut qu’il disait la vérité. — Vous devez quitter cet endroit, tous les deux ! A peine avait-il prononcé ces mots que la porte trembla sur ses gonds. Il ne s’agissait plus des faux des paysans : c’était un bélier qui s’attaquait au battant. Le vieux bois de chêne semblait prêt à céder. Fioth tourna vers Rea un regard paniqué. — Fuyez ! hurla-t-il. Dans sa condition, Rea pourrait-elle seulement se lever ? Le vieil homme la tira brutalement par le bras. Elle hurla de douleur. — S’il vous plait ! s’écria-t-elle. J’ai trop mal ! Laissez-moi mourir. — Regarde le nourrisson dans tes bras, répondit-il. Tu veux qu’il meure, lui aussi ? Rea baissa les yeux vers l’enfant qui vagissait au creux de ses bras. Un autre coup ébranlait la porte. Il avait raison. Elle ne pouvait pas le laisser mourir ici. — Et vous ? gémit-elle. Ils vous tueront, vous aussi. Il hocha la tête d’un air résigné. — J’ai vécu assez longtemps, répondit-il. Si je peux te protéger, je le ferai avec ce qui me reste de souffle. Maintenant, pars ! Vers la rivière ! Trouve un bateau et file ! Vite ! Avant qu’elle n’ait eu le temps d’y réfléchir, il l’entraîna brutalement vers la porte de derrière. Elle était dissimulée derrière une tapisserie. Il s’appuya contre le battant pour le faire pivoter et un filet d’air frais s’insinua dans la maison. Il les poussa aussitôt dehors, elle et le bébé. La tempête de neige les engloutit. Ballottée par les bourrasques, Rea descendit la berge escarpée et glissante de la rivière, son bébé serré dans ses bras. Le monde semblait prêt à s’effondrer sous ses pieds. Un éclair frappa de plein fouet un arbre non loin d’elle, illuminant la nuit, puis le tronc calciné s’écrasa à ses pieds. Le bébé hurla. Rea resta bouche bée : elle n’aurait jamais cru possible qu’un éclair frappe en pleine tempête de neige. C’était une nuit de présages. Une glissade la fit dévaler la pente. Elle poussa un cri. Avec un soupir de soulagement, elle réalisa que sa maladresse l’avait aidée : elle n’aurait sans doute pas pu arriver jusque là, au bord de la rivière, sur ses deux jambes. Quand elle leva les yeux par-dessus son épaule, elle vit que les chevaliers avaient envahi la maison fortifiée de Fioth et mettaient le feu. Les flammes léchaient le ciel. La culpabilité noua l’estomac de Rea : le vieil homme avait dû mourir. Quelques secondes plus tard, les chevaliers firent irruption par la porte de derrière et des cavaliers surgirent des allées. Ils l’avaient repérée. Sans perdre un instant, ils s’élancèrent à sa poursuite. Rea se retourna pour fuir, mais elle ne pouvait plus faire un pas. Elle tomba à genoux devant la rivière. Elle sut qu’elle allait mourir ici. Elle avait atteint la fin de son existence. Pour le bébé, il y avait encore de l’espoir. Les yeux de Rea tombèrent sur un enchevêtrement de brindilles. Sans doute le nid d’un castor. Il était si épais qu’il ressemblait à un panier. Poussée par son instinct maternel, Rea s’en saisit et déposa le nourrisson à l’intérieur. Elle ne le lâcha pas tout de suite : elle s’assura d’abord qu’il flottait. Heureusement, c’était le cas. Si le courant l’entraînait, il partirait loin d’ici, en aval de la rivière. Combien de temps ? Cela, elle n’en savait rien. Elle savait seulement qu’une chance de survivre, cela valait mieux que rien du tout. Elle déposa un b****r mouillé de larmes sur le front de son petit, avec un gémissement d’agonie. D’une main tremblante, elle retira le collier qu’elle portait encore autour de son cou et le glissa autour de celui du bébé. — Je t’aime, lui souffla-t-elle entre deux sanglots. Ne m’oublie jamais. Le bébé lui répondit par un cri perçant, comme s’il comprenait. Un cri qui recouvrit le bruit du tonnerre et même la cavalcade des chevaux. Il n’y avait plus un instant à perdre. Elle poussa le panier plus loin dans la rivière et, bientôt, le courant l’entraîna dans ses sillons. Elle le regarda se perdre dans l’obscurité. Il avait à peine disparu quand le fracas des armures retentit derrière elle. Elle roula sur elle-même. Plusieurs chevaliers mettaient pied à terre. — Où est l’enfant ? demanda l’un d’eux, la visière de son heaume baissée, sa voix tranchante dans le blizzard. Son armure ne ressemblait pas à celle du père de bébé. Celle-ci était rouge. En outre, il n’y avait aucune gentillesse dans la voix de cet homme. — Je…, commença-t-elle. Elle sentit alors une rage monter en elle – la rage d’une femme qui se sait aux portes de la mort. Une femme qui n’a rien à perdre. — Il est parti, siffla-t-elle. Elle sourit avant d’ajouter : — Et vous ne le trouverez jamais. Jamais. L’homme poussa un grognement de frustration. Il leva son épée et la poignarda en plein cœur. Transpercée par sa lame d’acier, Rea resta un instant hors d’haleine. Autour d’elle, le monde se para d’une vive lumière blanche et elle sut que la mort était proche. Elle n’avait plus peur. Au contraire, elle ressentait même de la satisfaction. Le bébé était vivant. Elle tomba face contre terre, arrosée par le courant de la rivière qui se chargea de sang. Sa vie difficile et brève venait de s’achever. Mais son garçon vivrait pour toujours. * Mithka, la paysanne, s’était agenouillée avec son mari près de la rivière. Tous deux récitaient des prières, dans l’espoir de se protéger de cette effrayante tempête. C’était comme si le ciel leur tombait sur la tête. La lune rouge sang était un présage funeste. Il paraissait encore plus sinistre de la voir apparaître entre les nuages d’une tempête pareille. Personne n’avait jamais entendu parler d’une telle chose. Il se passait quelque chose d’extraordinaire, Mithka en était certaine. Des bourrasques de vent et de neige fouettaient leurs visages. Elle demandait au ciel de protéger sa famille et de leur pardonner leurs péchés. Mithka était une femme pieuse. Elle avait donné naissance à beaucoup d’enfants. Elle était pauvre, mais heureuse. Elle s’était toujours tenue loin de ragots. Elle avait toujours pris soin des autres, sans jamais faire de mal à personne. Elle demanda à Dieu de protéger ses enfants, sa maisonnée et leurs maigres possessions. Elle se pencha, les paumes de ses mains enfouies sous la neige et les paupières baissées. Sa tête toucha le sol. Si seulement le Seigneur lui envoyait un signe… Lentement, elle releva la tête. Aussitôt, ses yeux s’écarquillèrent et son cœur battit plus vite contre ses côtes. — Murka ! appela-t-elle vivement. Son mari tourna la tête et tous deux restèrent bouche bée. Impossible ! Mithka battit des paupières, mais ses yeux ne lui jouaient pas des tours. Il était là, porté par le courant. Un petit panier qui flottait. Et dans ce panier, un bébé. Un garçonnet. Ses cris percèrent la nuit, par-dessus la tempête, par-dessus le craquement sinistre du tonnerre, et chacun de ses cris s’enfonça dans le cœur de Mithka. Elle se précipita dans la rivière, ignorant la température glaciale de l’eau, et s’empara du panier. Elle dut lutter contre le courant pour le ramener sur la berge. Le bébé avait été emmailloté dans une couverture et il était miraculeusement sec. En l’examinant de plus près, elle découvrir un collier en or autour de son cou : deux serpents enlaçant une lune percée d’une dague. Elle retint un hoquet de surprise : elle connaissait ce blason ! Elle se tourna vers son mari. — Mais qui ferait une chose pareille ? demanda-t-elle horrifiée, en serrant le bébé contre sa poitrine. Il se contenta de secouer la tête. — Nous devons le recueillir, décida-t-elle. Son mari fronça les sourcils. — Comment ? grommela-t-il. Nous n’avons pas assez d’argent pour le nourrir. C’est à peine si nous survivons. Nous avons déjà trois garçons. Que faire d’un quatrième ? Nous avons élevé assez d’enfants. Mithka réfléchit rapidement. Elle retira le collier du cou du bébé et le lui tendit. Après toutes ces années, elle savait ce qui impressionnerait son mari. — Tiens, voilà, grogna-t-elle d’une voix dégoûtée. Voilà ton or ! Il y en a assez pour nourrir notre famille jusqu’à la fin de nos jours. Je garde le bébé, que ça te plaise ou non. Je ne le laisserai pas mourir. Il avait encore l’air préoccupé, quand un éclair zébra soudain le ciel. Il leva des yeux effrayés vers les nuages. — Tu crois que c’est une coïncidence ? demanda-t-il. Une nuit comme celle-ci, un bébé vient au monde ? Sais-tu seulement quelle créature tu tiens dans tes bras ? Il dévisagea le nourrisson avec effroi, puis détourna le regard. Il tourna le dos à sa femme, le poing refermé sur le collier, visiblement mécontent. Mithka ne céderait pas. Elle sourit à l’enfant, tout en le berçant contre sa poitrine, pour réchauffer son visage refroidi. Lentement, ses pleurs s’apaisèrent. — Oui, je le sais : c’est un enfant qui ne ressemblera à aucun autre, répondit-elle en le serrant dans ses bras. Un enfant qui changera le monde. Un enfant que j’appellerai : Royce. DEUXIEME PARTIE
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