Chapitre 20 _ Songe ou destiné ?

930 Words
Le ciel est tout noir, sans lune ni étoiles. L’air est épais, chargé d’une tension invisible, et pourtant glacé, mordant la peau exposée. Chaque respiration me brûle les poumons, chaque battement de cœur semble résonner dans tout mon corps. Je cours sans savoir pourquoi, comme si une force invisible me poussait à fuir, comme si quelque chose dans la nuit me poursuivait, invisible et menaçant. Chaque pas est une déchirure. Mes jambes sont couvertes d’échardes et de griffures qui saignent doucement, mes bras sont lacérés, ma poitrine brûle comme si un feu intérieur la consumait. Mais je continue. Je cours, haletante, les cheveux en bataille, traçant ma route dans l’obscurité oppressante de cette forêt qui semble m’avaler. Mon souffle se fait court, irrégulier, et pourtant quelque chose me pousse à ne pas m’arrêter. Soudain, la forêt s’ouvre sur une clairière baignée d’une lumière argentée, presque irréelle. La lune, pleine et éclatante, trône au centre du champ, éclaire chaque brin d’herbe, chaque goutte de rosée. Une brise douce soulève mes cheveux et fait danser ma cape. Des milliers de lucioles de toutes couleurs s’élèvent, dessinant des éclats multicolores dans l’air, comme une pluie de poussière d’étoiles. Je respire lentement, laissant l’air frais emplir mes poumons. Cet air… il me rappelle… elle… ma mère. La nostalgie me prend à la gorge, me tord le cœur, et pourtant un frisson de force parcourt mon échine. Mais l’instant de répit est brutalement interrompu. Des hurlements sauvages déchirent l’air. Je me retourne et aperçois une horde d’ombres sombres surgissant de la forêt. Leur masse avance comme une vague noire, indomptable. Sans réfléchir, je cours, comme si ma vie dépendait de chaque foulée. Malgré ma vitesse, elles m’encerclent. Les ténèbres semblent se resserrer autour de moi, le sol se dérobe sous mes pieds. Je me débats, mes mains frappent l’air vide, mes pieds glissent sur la terre humide. Plus je lutte, plus je sombre. Le froid me ronge, le néant m’avale, et chaque souffle devient une bataille pour rester consciente. Avant que tout disparaisse, je lève les yeux. La lune argentée est là, suspendue dans le ciel noir. Un dernier éclat d’espoir, une lumière fragile dans l’ombre dévorante. Je me réveille. Je suis allongée sur une surface dure et froide. Mon corps est endolori, chaque mouvement un rappel cruel de ma vulnérabilité. Une robe blanche, fine comme un voile, couvre à peine ma peau. Mes bras et mes jambes sont enchaînés à des piliers de pierre, et mon regard se heurte à des silhouettes drapées de capes noires. Elles chantent dans une langue ancienne, gutturale, un rituel que je ne comprends pas, mais dont l’intensité m’écrase. Un sacrifice. Je veux crier, mais ma voix se brise. Le sang s’échappe de mes yeux, de mes oreilles, de ma bouche. Mon corps brûle, ma vie s’écoule, et l’air devient soudain trop lourd pour respirer. Une figure s’avance. Drapée de rouge, elle tient une dague d’or, étincelante à la lueur des flammes. Je secoue la tête, supplie du regard, mais elle ne s’arrête pas. — Que par cette offrande, la volonté de la Lune Rouge s’accomplisse. La lame s’enfonce dans mon cœur. Un cri franchit mes lèvres, un cri de douleur, d’injustice, de peur. Puis le silence. Le monde disparaît. Je rouvre les yeux dans un chaos brûlant. Des flammes lèchent les arbres, des corps gisent à terre, des cris résonnent dans l’air. Une épée est dans ma main, mon corps couvert de sang. Mon cœur bat fort, anormalement fort, comme si un feu intérieur le propulsait. Quelqu’un me saisit par les épaules et me secoue violemment. Un homme. Je ne le connais pas. Ses yeux me transpercent : l’un vert émeraude, pur comme la forêt, l’autre bleu azur, profond comme l’océan. — Noraé ! tu dois arrêter cet enfer. Ressaisis-toi ! Mon esprit vacille. Qui est Noraé ? Où suis-je ? Pourquoi ces mots me paraissent-ils familiers ? Une explosion retentit. Il se jette sur moi, me protégeant de son corps. Son odeur — un mélange d’été et d’automne — m’apaise, réchauffe mes frissons, m’attache à quelque chose de plus grand que la peur. Mon cœur s’embrase sans raison, une chaleur qui me traverse tout entière. Je lève les yeux. La Lune Rouge domine le ciel. Écarlate, vivante, divine. Elle semble pulser, respirer, appeler mon nom. L’homme prend mon visage entre ses mains et m’oblige à le regarder. — Noraé, tu es l’Élue. C’est par ton sang qu’elle est née… et par ton sang qu’elle périra. Toi seule peux l’arrêter. Alors souviens-toi. Je ferme les yeux, tremble, et lorsque je les rouvre, je me retrouve dans une clairière marquée par la bataille. Devant moi, une femme aux cheveux argentés, un pendentif en croissant de lune autour du cou. À ses côtés, un homme épuisé mais toujours debout : Neïly et Daëmon. Sans que l’on ne me le dise, je sais. C’est eux. Neïly tourne lentement la tête vers moi et murmure, sa voix douce mais ferme : — Ce n’est que le commencement. Je me redresse brusquement. Mon dos brûle, ma respiration est saccadée. Je suis dans mon lit. Tout n’était qu’un rêve… et pourtant, tout semblait si réel. Beaucoup trop réel. Le souffle court, les yeux embués, je sens mon cœur battre comme s’il refusait de se calmer. Les images, les voix, les flammes et le sang me hantent encore. La Lune Rouge brille toujours dans mon esprit, me rappelant que ma destinée est en marche. Et quelque part, dans le lointain de ma mémoire, une promesse s’inscrit : je ne pourrai jamais fuir ce qui m’attend.
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