Chapitre 18 _ Les chaînes du châtiment

1248 Words
Pdv de Dæmon Je regarde Neïl se débattre piteusement pendant qu'elle est traîné sans ménagement par les gardes. La porte se ferme sous ses yeux larmoyant, son visage déja pâle déformé par la rage. Je fixe mon père, celui qui a toujours été mon modèle ; les mains tremblent caressant doucement la cadre de photos de mère. _ Père, n'est-ce-pas un peu trop cruelle comme punition ? Elle n'a pas encore sa louve, elle peut en mourir si vous persistez ainsi. _ Elle n'a que ce qu'elle mérite cette petite sotte, vous étés trop indulgent Dæmon, crache le bêta Norgan avec mépris. Elle a manqué de respect envers l'Alpha, il est tout-à-fait juste qu'elle paye les conséquences de ses actes. Elle nous rendrais tous service en crevant. Le point de père s'abat brusquement sur son bureau, faisant tremblé Norgan de la tête aux pieds. _ Aurais-tu oublié où était ta place bêta !? _ A...Alpha je... je suis... dé... désolé. Je v... voulais pas paraître ir...re... respectueux. _ Sorté de mon bureau ! Je veux être seul. MAINTENANT ! _ Oui Alpha, disons-nous à l'unissons. À peine la porte fermé, j'attrape la gorge de Norgan et le plaque au mur. _ Écoute moi bien bêta, c'est la dernière fois que tu parles ainsi de Neïl. Est-ce claire ? Il se débat à bout de souffle, le teint livide. _ Sinon quoi Dæmon ? Ricane-t-il. Tu te prend pour un grand frère aimant maintenant, ha ha ha, laisse moi rire. Tu ne vaux pas mieux que nous. Alors ne vient pas joué le héro si toi même tu es coupable. Je le balance de l'autre côté et je part. Il a raison, je ne vaux pas mieux qu'eux. Pdv de Neïl On me jette à terre comme on jette un sac vide. Le bois froid me claque dans le dos, et la corde qui mord mes poignets me rappelle à quel point je suis légère pour eux : inutile, transparente, jetable. Autour de moi, les silhouettes se pressent ; des yeux qui se repaissent de ma honte. — Regarde-la bien, ricane un garde. C’est ce qui arrive à celles qui lèvent la tête. On attache mes bras au poteau. Les chaînes s’enfoncent, elles brûlent presque. — Pour le bien de la meute, profère une voix sur l’estrade. Puis, un coup. Le fouet siffle. Le fouet se plaque contre ma peau. Feu, douleur, surprise.Mes dents grincent. Je serre les mâchoires pour ne pas hurler. Hurler, ici, c’est donner du plaisir aux bourreaux. Je retiens ma respiration tandis que la douleur ricoche en vagues. Vingt coups, ils avaient dit. Vingt. Je compte, mais mes pensées se brisent dès le quatrième. Chaque impact est une fracture d’orgueil, une déchirure de l’âme. Je repense au visage de ma mère quand elle me berçait. Sa voix qui lisait la légende, douce et grave me paraît si lointain. Un des gardes s’avance pour remettre le fouet dans la main d’un autre ; ils sourient, cruels, satisfaits. Puis une main, lourde et ferme, se pose sur mon épaule. Je sursaute. Une odeur de cuir, de sueur, puis… un souffle que je connais. Vert. Émeraude. Dæmon. Il n’a pas l’air fier. Son visage est décomposé ; il a les yeux brillants, mais pas pour me sauver — pour ne pas avoir sauvé. Sa mâchoire tremble. Il regarde mon dos meurtri, puis relève la tête vers le parterre, empli de complicités sordides. — Ça suffit ! Sa voix claque comme un ordre. Le silence tombe, surpris. Les gardes hésitent. Un de mes bourreaux ricane, prêt à répondre… mais hésite. Dæmon se tient entre moi et la meute. Il me regarde, et pour la première fois depuis des années, je lis dans ses yeux autre chose que la lâcheté confortable d’un fils docile : je lis le regret, la décision, la peur aussi, mais une peur qui n’ôte plus son courage. — Libère-la, dit-il au garde le plus proche. Ses mains ne tremblent plus. — Alpha l’a ordonné, rouspète Norgan, qui a finalement regagné la salle. Tu n’as pas le droit… — Je n’ai pas besoin de ton droit, répond Dæmon, et ses mots sont plus tranchants que n’importe quel fouet. Le garde recule, incertain. Des chuchotements s’élèvent : « Qu’est-ce qui lui prend ? » « Est-ce qu’il va vraiment… ? » Mon cœur, battant comme un tambour sourd. L’espoir est une chose minuscule ; je l’attrape quand même, comme une lame prête à briser le carcan. Dæmon attrape la chaine qui me retient, la tranche entre ses doigts comme si elle n’était faite que d’ombre. Mes poignets sont libres. La douleur pulsera encore, mais la tyrannie tombe d’un coup. Je trébuche, cherche son regard. Il s’agenouille à mes côtés. Sa bouche tremble. — Je suis désolé, Neïl, murmure-t-il. J’aurais dû être là avant. Avant quoi ? Avant que le fouet n’écrive mon nom sur ma peau ? Avant que je deviennes cette chose : une « maudite » ? Ses excuses me brûlent et pourtant m’apaisent. Il tend la main — je la prends. Sa paume est chaude, ferme. Il me soulève à moitié, m’éloigne du poteau. Le silence se fait d'un coup, tellement épais qu’on pourrait l’étouffer à mains nues. Dimitri Blackford entre, imposant comme un rocher. Son regard balaie la scène, s’attarde sur moi, puis sur Dæmon. Il y a une tension qui pourrait se trancher. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Sa voix n’est pas tempérée. Dæmon se redresse, la mâchoire serrée. — Elle n’a pas besoin de ce châtiment. Elle a été humiliée. Ça suffit. Un frisson parcourt la salle. Norgan serre les poings, ses lèvres blanches d’humiliation. Le visage de père demeure impassible — puis, pour la première fois depuis longtemps, je décèle une fissure. Pas de pitié, non ; juste une question qui ronge : que suis-je en train d’élever ? — Tu me déshonores, annonce Dimitri, mais ses mots n’ont plus la même force. _ Je ne vous déshonore pas plus que vous ne m’avez déshonoré. Ce n’est pas un spectacle que l’on donne. C’est un meurtre d’âme. Il y a des cliquetis, des respirations contenues, des regards qui cherchent une issue. Pour un instant suspendu, je ne sais plus si j’ai peur du fouet ou de ce que viendra ensuite. Puis père inspire, lentement, et tout change d’intensité. Il se tourne vers moi, pour la première fois sans mépris buté. — Neïl, dit-il, et sa voix n’est pas celle d’un tyran mais d’un homme qui doit trancher entre l’ordre et ce qu’il est devenu. Tu es ma fille. Mais tu appartient aussi à la meute. Mon cœur se serre. Les mots montent, contradictoires. Avant que je puisse répondre, un murmure parcourt l’assemblée. Puis, comme une lame tirée d’un fourreau, il coupe le fil : — Que l’on retire la moitié des coups. Et qu’on lui fasse attacher les bracelets — aujourd’hui. Sous ma surveillance. L’annonce tombe comme une sentence alambiquée : demi-miséricorde, demi-chaîne. Mon estomac se noue. Les bracelets. Le mot résonne plus fort que n’importe quel coup. Dæmon m’empoigne par la taille, me presse contre lui ; la chaleur de son corps est une promesse et une déchirure. Les gardes reprennent position, prêts à exécuter l'ordre. Norgan, pâle, s'efforce de sourire comme on sourit avant une débâcle. La chaîne crisse de nouveau ; le fouet attend. Les bracelets, eux, attendent leur moment. Je ferme les yeux. Je mords à travers la douleur quand le premier coup retombe.
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