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Fusil chargé

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Extrait : "Il est dans le midi de la France quelques contrées où les travaux des champs gardent encore la majesté de l'agriculture primitive. Là, de toutes les scènes rustiques que le retour des saisons ramène, il en est peu d'aussi belles que le dépiquage du blé. Sur une des collines charmantes qui bordent la plaine du Lauraguais, une famille de paysans battait sa récolte. Les gerbes répandues formaient un grand cercle d'un jaune d'or éblouissant".

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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I - Le pays
I Le pays Il est dans le midi de la France quelques contrées où les travaux des champs gardent encore la majesté de l’agriculture primitive. Là, de toutes les scènes rustiques que le retour des saisons ramène, il en est peu d’aussi belles que le dépiquage du blé. Sur une de ces collines charmantes qui bordent la plaine du Lauraguais, une famille de paysans battait sa récolte. Les gerbes répandues formaient un grand cercle d’un jaune d’or éblouissant, où les tiges polies de la paille, les feuilles aiguës, les épis hérissés, réfléchissaient en milliers d’éclairs les rayons du soleil. Maintenu dans le contour de l’aire par une corde allant du joug à un piquet planté au centre du cercle, un attelage de quatre bœufs tirait un énorme rouleau de granit. Derrière, une sorte de traîneau chargé de pierres suivait, attaché par une chaîne, le sillage du rouleau à travers le blé, tandis qu’à l’intérieur du cercle, dans un espace demeuré libre, des hommes armés de fourches étaient occupés à ramener continuellement vers le bord la paille que le rouleau en avait écartée. Une paysanne en chemise blanche et en jupe rouge, les cheveux soulevés par le grand air et nimbés d’or par le soleil, était assise sur le timon, tricotant d’un mouvement rapide un bas de laine et tournant de temps à autre la tête pour surveiller une petite fille placée à côté d’elle, et qui, comme ivre de vie et de lumière, battait des bras et des jambes en chantant. Sur le traîneau qui suivait, deux petits paysans, ébouriffés, les cheveux pleins de pailles, noirs comme des singes, perdant des bouts de chemise par tous les trous et par toutes les fentes de leurs culottes, avaient enjambé les grosses pierres, et tantôt se faisant face, tantôt se tournant le dos, se secouaient l’un l’autre en échangeant des caresses et des coups de poing, l’un riant à gorge déployée tandis que l’autre pleurnichait, et tous deux paraissaient prendre à ce jeu un plaisir insatiable. Élevé comme un promontoire au flanc d’un coteau couvert de vignes et de maïs, le cercle doré de l’aire se détachait sur une vaste perspective de plaines, de vallons et de collines. Les arbres et les haies découpaient de leur réseau sombre les champs bariolés de mille couleurs. À mesure de leur éloignement, tous les traits de ce tableau semblaient se presser et se confondre pour aller s’effacer enfin dans la brume, au pied de la Montagne-Noire, qui borne l’horizon. Ainsi développée sur l’espace sans bornes de la terre et du ciel, ainsi enflammée de la lumière éclatante d’un soleil du Midi, cette scène avait l’air d’une fête triomphale. Dans leur marche à travers la moisson opulente qu’ils broyaient sous leurs pieds, les bœufs, baissant le front, raidissant l’échine, fouettant de la queue, avançant leurs épaules et leurs cuisses tour à tour, présentaient la vivante image de la domination de l’homme sur la nature. Par un effet du mouvement continu qui leur faisait parcourir tous les points de la vaste circonférence, on les voyait d’abord diminuer de grandeur et devenir plus sombres jusqu’à ce que, passant au point le plus éloigné, ils ne parussent, sur le fond éblouissant de l’air, que comme des silhouettes noires où leurs cornes, les nœuds et les angles de leurs os, tranchaient sur la lumière en pointes vives ; puis, à mesure qu’ils revenaient en se rapprochant, leur figure tournait sur elle-même, grandissant, s’éclairant par degrés, reprenant ses couleurs, ses reliefs, et ils repassaient énormes, noueux, gonflés de vie, craquant de force. Tout ce cortège était mené par un jeune homme qui, pieds nus, les manches de sa chemise retroussées, marchait à pas comptés en avant de l’attelage. C’était un beau garçon de vingt ans, vigoureux, bien découplé ; le rythme de sa marche, le balancement de ses reins et de ses épaules, le geste qu’il développait en renversant en arrière son aiguillon pour piquer ses bœufs, lui donnaient une désinvolture superbe. Sous l’ombre de son chapeau de paille, on voyait briller ses yeux animés par le travail, et ses dents que découvrait un sourire. C’était la joie, la force, la jeunesse, la liberté, dans tout leur éclat, dans toute leur insolence. Les poètes et les philosophes n’ont jamais pu nous dire au juste si les habitants des campagnes se rendent compte de leur bonheur : mais ce qu’ils discutent encore, l’homme naturel le sent. À travers la matière brutale de sa vie, certainement l’âme de la nature pénètre dans son cœur ; certainement, en lui comme dans tous les êtres animés, la joie de vivre, immense et profonde, circule dans ses veines, embaumant de sa puissante ivresse tout l’air qu’il respire. Et pourrait-il en être autrement, quand nous voyons les animaux mêmes, et jusqu’aux arbres, jusqu’aux plus humbles fleurs des prairies, nous manifester cette joie par les signes les plus évidents, et mener sous nos yeux, depuis le commencement du monde, la fête éternelle de la vie ? Ah ! le bonheur ! Quand, à force de sagesse, de travail, de hasards heureux, les pauvres humains sont enfin parvenus à en élever le laborieux édifice, à peine est-il debout qu’un souffle passe, et tout est renversé. À la crête d’un petit chemin qui descendait du village, on voyait pointer le chapeau galonné, puis grandir la figure entière, d’un gendarme qui se dirigeait vers le groupe des dépiqueurs de blé. Il arriva au bord de l’aire au moment où l’attelage allait passer devant lui. Il porta la main à son chapeau, ramena son sac à dépêches, et en tirant un papier, le montra au jeune homme en lui disant : – Fiammet, voilà votre ordre de départ. Il faut que vous soyez demain à Toulouse, à la disposition de l’autorité militaire, qui vous donnera une feuille de route pour rejoindre votre régiment. Le jeune homme arrêta ses bœufs. Il prit le papier, le tourna et le retourna un instant sans le lire, puis, ôtant son chapeau de paille et le laissant tomber à terre, il essuya du bras son front baigné de sueur, jeta un long regard autour de lui, renversa la tête, entrouvrit ses lèvres, comme s’il eût voulu b****r une dernière fois les rayons du soleil de son pays. Là, dans cet instant rapide, il lui sembla que sa vie tout entière s’envolait comme un rêve… qu’une bête inconnue lui serrait la gorge de ses griffes… Il ne comprenait pas : le pauvre enfant ne connaissait pas encore la douleur. Il serra le papier dans sa ceinture, ramassa son chapeau, mit un des moissonneurs à la tête de l’attelage, et ayant dit adieu à tout ce monde qui, à partir de ce moment, allait travailler sans lui, il s’en retourna au village pour annoncer la nouvelle à sa famille. C’était dur, mais enfin on s’y attendait ; un jour ou l’autre, il fallait bien que cela arrivât. Il n’y eut ni gémissements ni larmes : le chagrin des gens de campagne est simple comme leur vie. On soupa sans dire grand-chose. Après souper, le père et le fils allèrent s’asseoir sous le figuier, au bout du jardin, et causèrent, la main sur la bouche, jusqu’au coucher du soleil. Le lendemain au petit jour, Fiammet se leva sans faire de bruit. Tout le monde dormait ou faisait semblant de dormir. Il s’en alla sur la pointe des pieds, ouvrit doucement la porte, et ayant franchi le seuil, fit son premier pas dans la vie inconnue qui s’ouvrait devant lui.

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