Cette fois je me passe de champagne et me contente de balayer la foule du regard à la recherche d'un homme qui pourrait convenir. Les mâles blindés aux as ne manquent pas ici, mais ils sont soit accompagnés de femme taille mannequin, soit trop vieux pour moi. Ce que je fais me répugne alors autant que je trouve quelqu'un d'acceptable. De jeune, de beau et de sexy... Et surtout qui a l'air doux. J'en demande beaucoup mais hors de question pour moi de retomber sur un « Arthur » qui me déchirera de nouveau l'entre-jambe, j'ai déjà assez de mal à marcher comme ça.
Je remarque un homme, seul, qui observe un un tableau exposé par l'artiste très réputé dont je ne connais même pas le nom. Je m'approche de lui, tentant de montrer que je suis une femme fatale sûre de moi, alors que c'est loin d'être le cas.
Je m'arrête à côté de lui, si proche que je frôle son bras, et me mets à regarder moi aussi l'œuvre sur le mur. Ils s'agit d'une peinture gigantesque et abstraite, dont la couleur dominantes est le vert, tacheté de bleu et d'étincelles de marron.
-Ce tableau à la couleur de vos yeux.
Je mets quelques secondes à me rendre compte qu'il s'adresse à moi. Je tourne mon visage vers lui, mais il regarde toujours intensément devant lui.
-Pardon?
Cette fois il tourne doucement son visage vers le miens et penche légèrement la tête sur le côté, comme pour m'observer avec plus de profondeur.
-On pourrait croire que l'artiste qui l'a peint s'est inspiré de vos iris.
Je reste bouche bée.
-Comment saviez vous la couleur de mes yeux avant même que... vous me regardiez?
Un petit sourire apparaît au coin de ses lèvres.
-Un magicien ne dévoile jamais ses tours.
-Ce n'est pas de la magie ça...
Il pousse un petit rire en voyant mon air légèrement agacé. Il faut dire que la fatigue et les émotions d'aujourd'hui ne m'aident pas à rester calme et sereine.
-Oui vous avez raison. En réalité je vous avais déjà vu tout à l'heure. Avant que vous ne partiez avec Arthur Myler.
-Vous... le connaissez?
Il ricane comme si ce que je venais de dire était à mourir de rire.
-Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle...
-Ici tout le monde connaît Arthur Myler. C'est un homme d'affaire qui a fait fortune en délocalisant les usines de son père en Chine. Il a mis des milliers de personnes au chômage et c'est enrichis. Il est aussi extrêmement réputé pour ramener toutes les belles femmes qu'il croise chez lui. Cela n'est donc pas surprenant que vous soyez tombé sous son charme, en revanche ce qui m'étonne est que vous soyez de retour ici, la soirée à peine commencé.
Je reste muette de stupeur. Que puis-je répondre à ça sans me faire griller? J'essaye de garder mon calme et balbutie inintelligiblement:
-Il n'était pas... l'homme que j'aurais cru. J'ai préféré partir.
L'inconnu face à moi hausse un sourcil:
-Vous l'avez laissé en plan chez lui?
-Euh... et bien oui...
Et sans que je ne comprenne ce qu'il se passe il se met à exploser de rire si bruyamment que de nombreuses personnes autour de nous se retournent en l'entendant. Ce n'est pas une bonne chose car mon but est de rester discrète et que l'on ne se souvienne pas de moi. Je suis extrêmement mal à l'aise à l'idée qu'il m'est observé tout à l'heure. Si lui l'a fait alors peut être que ce n'est pas le seul et c'est dangereux pour notre « business » à Owen et moi.
Il finit enfin par se calmer. Il remet en place des mèches de ses cheveux blonds ondulés qui lui sont tombés dans les yeux. Je remarque seulement maintenant que ses yeux sont encore plus exotiques que les miens. Ils sont d'un verre émeraude si profond et si pure qu'on dirait qu'il a mis des lentilles. Son nez est d'une finesse magnifique, ainsi que chaque trait de son visage. Sa peau est légèrement bronzée et si lisse qu'elle donne envie qu'on la touche pour sentir sa douceur...
Wahou...
-Excusez-moi d'avoir réagit comme ça mais je dois dire que d'imaginer ce c*****d à devoir terminé sa soirée tout seul me fait particulièrement rire.
Je décide d'oublier ma résolution et attrape de nouveau une flûte de champagne, mais cette fois que je me contente de petites gorgées.
Il fait de même et avale le nectar en me regardant à travers le verre de la coupe.
-Et que faites vous ici? Je veux dire au vernissage...
Je n'avais pas prévu que l'on me poserait cette question. J'improvise:
-Une amie connaît le peintre, malheureusement elle n'a pas pût venir alors elle m'a donné son invitation...
-Votre amie connaît le peintre alors?
Je hoche la tête en sirotant innocemment un peu de champagne qui se met à pétiller sur ma langue. Il me regarde d'un air impressionné.
-Wahou... Votre amie est douée.
-Pourquoi dites vous cela.
-Et bien étant donné que cet artiste est mort durant la seconde guerre mondiale dans un bombardement je dois dire qu'en effet je suis impressionné.
En entendant ça je m'étouffe avec ma gorgée, recrache la moitié dans mon verre et me met à tousser frénétiquement à la recherche d'air.
Lorsque je finis par enfin respirer de nouveau correctement je lève les yeux vers l'inconnu, complètement tétanisée. Je suis totalement figée, il faut que je rattrape le coup mais je ne sais pas comment. Je perds tous mes moyens peu à peu.
Il s'approche soudain de moi jusqu'à ce que nos corps ne soient qu'à quelques millimètres l'un de l'autre et il attrape mon menton entre ses doigts pour m'obliger à le regarder dans les yeux.
-Alors petite menteuse... qu'est ce que tu fais vraiment ici?