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Morte fontaine

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Blurb

Enquête entre chantage et courses-poursuites...

Rolande Stern alias Solveig n’a pas de chance. Ex-Miss Alsace, la voilà call-girl à la suite d’un chantage affectif. Après la mort d’un client, elle doit fuir la mystérieuse « organisation » qui l’emploie, laissant derrière elle sa petite Sylvie qui devient l’enjeu de sordides transactions.

Pendant ce temps, le commissaire Kuntz enquête, soumis à de sourdes pressions. Pour protéger quels notables ? Une course de vitesse s’engage, qui aboutira à une bien jolie fontaine Renaissance.

Mais peut-on échapper à l’implacable « organisation » et à ses tueurs ?…

Un roman policier haletant, dont vous ne sortirez pas indemne !

EXTRAIT

Ce n’était pas la peur, un malaise plutôt, une tension extrême de ses nerfs, qui la mettait en alerte et l’avertissait que cette soirée, fatalement, se terminerait aussi mal qu’elle avait commencé. Rolande ignorait ce que faisait l’étranger. Quelques instants auparavant, elle l’avait entendu qui déplaçait un meuble, remuait des objets dans la chambre, et sa toux à plusieurs reprises avait résonné, la toux grasse d’un homme sanguin, vite essoufflé. Mais depuis un moment il ne se manifestait plus.

Rolande fixa une dernière agrafe à la ceinture de sa jupe turquoise, évasée en tulipe, elle posa le chapeau de paille sur sa lourde chevelure, dont elle fit machinalement, d’un bref mouvement de tête, mousser les vagues cuivrées. Voilà, elle était parée pour le sacrifice – prêtresse ou victime, qui pouvait le dire ?

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

[Cet] «essai» alsacien est en tout cas d’un cru de grande classe, que les amateurs du genre dégusteront avec de fortes émotions. - J.C., Les affretres

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Pouldavid-sur-mer (aujourd'hui en Douarnenez), vivant depuis plusieurs dizaines d'années à Brest, Jean-François Coatmeur a lontemps exercé parrallèlement, avec un égal plaisir, les deux métiers de professeur de Lettres Classiques et d'écrivain. Il est l'auteur, notamment, de quelque vingt cinq romans de mystère et de suspense, souvent adaptés à l'écran et récompensés des plus flatteuses distinctions. Privilégiant dans ses livres la vérité humaine, plutôt que les subtilités de l'artifice, ayant toujours refusé de prostituer sa plume, il est fier, si ce qu'on dit est exact, d'avoir contribué, malgré le mépris des clercs, à faire reconnaître à un genre, qui avait parfois, il est vrai... bien mauvais genre, sa juste place dans la littérature universelle.

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23 h 30
23 h 30Ce n’était pas la peur, un malaise plutôt, une tension extrême de ses nerfs, qui la mettait en alerte et l’avertissait que cette soirée, fatalement, se terminerait aussi mal qu’elle avait commencé. Rolande ignorait ce que faisait l’étranger. Quelques instants auparavant, elle l’avait entendu qui déplaçait un meuble, remuait des objets dans la chambre, et sa toux à plusieurs reprises avait résonné, la toux grasse d’un homme sanguin, vite essoufflé. Mais depuis un moment il ne se manifestait plus. Rolande fixa une dernière agrafe à la ceinture de sa jupe turquoise, évasée en tulipe, elle posa le chapeau de paille sur sa lourde chevelure, dont elle fit machinalement, d’un bref mouvement de tête, mousser les vagues cuivrées. Voilà, elle était parée pour le sacrifice – prêtresse ou victime, qui pouvait le dire ? Elle ôta ses chaussures (il avait imposé ce détail, lui avait aussi prescrit de garder ses gants de fil blanc), elle tourna la clé, poussa la porte du cabinet de toilette. Aussitôt, comme s’il guettait sa sortie, il ordonna : — Éteignez, petite fille ! Elle eut une crispation de contrariété. Si habituée qu’elle fût aux lubies de ses hôtes, elle n’arrivait décidément pas ce soir à entrer dans le personnage : petite fille ! Elle pensa à Sylvie, sentit la griffure du sang à ses pommettes – comme si l’enfant était là, devant elle, et l’observait. Elle n’aurait pas dû accepter de se déplacer. « Ils » ne pouvaient pas l’y contraindre, c’était dans leurs conventions, depuis le début : jamais le lundi. Sylvie… — Éteignez ! répéta l’Anglais. Elle l’avait baptisé « l’Anglais », mais elle ne savait rien de lui, elle avait seulement enregistré l’accent très marqué, qui durcissait les dentales. Elle pesa sur le commutateur, sortit de la salle de bains, s’immobilisa, surprise de constater que la chambre, qui se dessinait au bout de l’embryon de couloir sans porte, n’était plus éclairée. Le lampadaire de parquet, derrière le téléviseur, les deux spots argentés aux murs avaient été éteints. Pourtant ce n’était pas l’obscurité ; une clarté jaunâtre tremblotait, venue, semblait-il, de la partie droite de la chambre, que l’angle du vestibule dissimulait à sa vue. Dans la haute glace rectangulaire de la garde-robe deux langues de feu ondulaient. A nouveau la voix de l’Anglais lui parvint, cordiale, comme amusée : — Approchez donc, petite fille ! Elle remonta lentement le vestibule et, une fois encore, s’arrêta. Posés sur les chevets, deux cierges brûlaient dans des candélabres trapus. L’Anglais était agenouillé contre le lit, la figure enfouie dans la courtepointe, abîmé apparemment dans la prière. Il se redressa, au moment où sans préambule le chant montait. In Paradisum deducant te Ange-eli… Stupéfaite, Rolande parcourut des yeux la chambre. Non, le petit téléviseur n’était pas en marche, ni le combiné réveil-radio sur la tablette du chevet. Cela sortait de plus bas, du ras du sol, eût-on dit, un chœur d’hommes dont les voix pures chantant a cappella s’inscrivaient dans le silence avec un relief extraordinaire. San-ancta-am Je-erusalem… Elle se mit à trembler. Cette mélodie sévère, elle l’avait déjà entendue, au moins une fois. Des images jaillirent, arrachées aux limbes de son enfance… Cet après-midi torride de juin, à Dangolsheim, quand on emportait le grand-père Mathias vers la terre rouge… Elle était toute petite, elle trottinait auprès de sa maman, qui lui tenait la main. Et cependant, parce que c’était sa première rencontre avec la mort, tout s’était définitivement incrusté dans son souvenir, la touffeur de l’air, les gémissements pointus des femmes en noir, les effluves d’encens, et la cantilène que le vieux curé nostalgique dérobait à l’ancien rituel : San-ancta-am Je-erusalem… — Venez ! L’Anglais se redressait, lourdement, déployant sur la muraille une ombre immense. Elle eut un haut-le-corps. Fou, cet homme était fou ! Pendant que, sur ses instructions, elle se travestissait en petite fille modèle, lui aussi s’était déguisé… en prêtre d’autrefois : soutane noire sans ceinture, barrette tricorne et rabat rigide liséré de blanc. — Allons, venez, petite fille ! Il grimaçait un sourire, il lui tendait les bras. La nausée au cœur, elle s’avança, tandis que le chœur monastique poursuivait son incantation : Qui vivit et credit in me – Non morietu-ur in ae-eternum ! La moquette étouffait le glissement de ses pieds nus. Elle avait contourné le lit, elle arrivait à sa portée. Deux vigoureux battoirs tombèrent sur ses épaules, pesèrent, la forcèrent à se plier, à poser ses genoux sur le tapis, devant lui. L’homme soufflait fort. La lueur vivante des deux bougies travaillait le visage ciré de sueur, le pétrissait, le distordait en un rictus de gargouille. De profundis clamavi ad te, Domine – Domine, exaudi vocem meam ! Il lui saisit le bras, descendit jusqu’à sa main, qu’il attira et plaqua contre lui. Rolande demeurait inerte, le cerveau vide, écœurée par l’odeur de cire chaude et les remugles de naphtaline émanant de la soutane. Les deux aspics de feu montaient droit, ou s’affolaient, s’écrasaient, repartaient en vrille. Sur la courtepointe, sur les chevets, des giclures d’or frémissaient. Requiem aeternam dona eis. Domine - Et lux perpetua luceat eis ! La tête de Rolande s’emplit de nuées, et pour la seconde fois son esprit s’envole. Elle abolit temps et espace, se retrouve à Dangolsheim, son village natal. Il y a des bougies qui crépitent, des musiques d’orgue et de cloches, des senteurs de résine, et autour d’elle un cercle de têtes extasiées, étagées sur plusieurs plans dans un dégradé de clair-obscur. C’est pour elle qu’elles sont là, elle que tous contemplent. Dans ses bras elle berce une poupée de chiffon aux yeux de porcelaine. Elle est la Vierge Marie, dans la crèche vivante dressée à l’entrée de l’église. C’est Noël, elle a quinze ans… — Allons, allons, petite fille ! Le rêve se déchira. Elle redécouvrit la face congestionnée de l’étranger au-dessus d’elle, sa patte grossière qui continuait d’emprisonner la main gantée contre son ventre. Dehors, un poids-lourd passait sur l’allée de la Robertsau, faisant vibrer un des verres du double vitrage. Rolande soupira. En finir, puisqu’elle était là pour ça. Elle agrippa un bouton, dérapa, recommença. Il l’encourageait, sa voix coulait comme un filet gluant : — Oui… oui, petite fille ! Les doigts de Rolande frémirent au contact d’une lingerie mousseuse. Dans l’échancrure elle entrevit une masse blême, velue. Et l’odeur puissante de la chair nue lui fouetta le visage. Tout proches, immatériels, les moines chantaient la mort : Dies irae, dies illa – Salve-et-sae-eclu-um in favilla… L’estomac de Rolande se révulsa : — Non ! Elle se releva si brutalement que la capeline s’abattit. Non, elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas ! Elle refusait de coopérer à cette bouffonnerie sacrilège ! Un détraqué, se répétait-elle, avec une répulsion envahissante. Il avait attrapé le bras droit de la jeune femme et lui pétrissait fiévreusement le biceps. En très gros plan, le faciès difforme, comme distendu par une loupe de cauchemar. Les lèvres battirent : — My dear… My dear baby… Il avait l’air ravi de cette rébellion imprévue qui corsait le scénario morbide. Rolande s’arracha à l’étreinte, s’éloigna à reculons, rasant la bordure du lit. D’une avancée proportionnée il l’accompagna, bras en avant, la soutane bâillant sur sa nudité fauve. Il réussit à la bloquer contre la cloison de la salle de bains. La tête de méduse, toute proche, grossit encore. Dans les pupilles poisseuses des flammèches chatoyaient : — Darling, darling ! Ô baby ! Elle se débattit, elle cria : — Non ! Non ! Laissez-moi ! Laissez-moi, ou j’appelle ! Il gloussa avec volupté, essaya de saisir un de ses seins. Des deux poings elle le repoussa, ce qui l’échauffa un peu plus. Ses lèvres s’écartèrent dans un rire muet. Et soudain le rire se durcit, se pétrifia. L’homme porta la main à sa gorge, recula d’un pas, tangua, ses yeux roulant comme des balles blanches, et bascula à la renverse, se répandit sur la courtepointe. Les lèvres continuèrent à palpiter un instant sans bruit, ses dents mordirent le vide. Puis le corps s’arqua, retomba cassé, s’immobilisa, tandis qu’ondulait comme une houle le lamento des moines : Lacrimo-osa die-es illa… Alors seulement Rolande remarqua le petit coffret brun posé sur le sol, dans la ruelle entre la cloison et le lit. Elle tâtonna, atteignit la touche du magnétophone. Le chant funèbre s’effaça. Adossée à la paroi, une main sur sa poitrine, elle sonda le silence. Grondement feutré d’une voiture sur le boulevard, souffle du climatiseur, grésillement d’une bougie. L’ascenseur gémit, faiblement. Une porte s’ouvrait à l’étage. Des chuchotis et des rires, contenus… On s’éloignait. Tout s’apaisa. Rolande se détacha du mur, chercha un commutateur. Le grand lampadaire s’alluma, éclairant crûment le corps abandonné en travers du lit dans la soutane mal close, bras en croix, jambes traînant au sol. Dans le visage tourmenté par l’ultime spasme les pupilles dilatées la fixaient. Elle détourna la tête. Elle refit le tour du lit, atteignit le bloc réveil-téléphone, dont les diodes luminescentes indiquaient 23 h 37. Elle décrocha, forma un numéro. A l’autre bout, voix neutre du répondeur, récitant sa litanie trop connue : — Veuillez nous communiquer vos noms, coordonnées et desiderata… Nous répétons… Elle parla, étouffant sa voix : — Rolande, hôtel Intercontinental, Strasbourg, chambre 429. Un accident : le client vient d’avoir un malaise, je crois qu’il est mort. Dites-moi ce que je dois faire. Je ne bouge pas. Elle raccrocha, elle éteignit les deux bougies, se retourna. Et dans la glace rectangulaire qui tapissait de haut en bas l’une des portes de l’armoire-penderie elle l’aperçut : une charmante petite fille modèle, robe froufroutante verte très courte, dévoilant les pantalons de batiste fixés aux mollets par un nœud de satin parme. C’était elle, Rolande Stern, la maman de Sylvie. De Sylvie toute seule là-bas, à l’autre bout de la ville, et qui, dans son propre regard à elle, l’observait et la jugeait. Le châtiment qui commence, se dit-elle. Elle n’aurait pas dû accepter de venir, pas un lundi. C’était leur soirée à toutes deux, la seule où elle pouvait prendre sa gosse dans ses bras sans trop de honte. Elle songea ça devait arriver, oncle Charles me l’a assez répété… Ses nerfs craquèrent. Elle se mit à pleurer, silencieusement, en regardant dans la glace la petite fille aux pieds nus.

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