Chapitre 1 : Wanouk

1531 Words
Chapitre 1 : WanoukPenchée à l’avant du bateau, j’observe le paysage sans vraiment le voir. Pourtant c’est vraiment magnifique. J’ai quitté l’île principale pour prendre une navette qui me conduit tout droit vers ma nouvelle demeure. Ce petit bout de terre qui flotte devant mes yeux sur des flots bleu turquoise et sous un soleil paradisiaque. Putain j’ai du mal à réaliser ce que je fais vraiment ici. Le bateau va assez vite mais vu la distance qui nous sépare du morceau de terre que j’aperçois, je sais qu’il nous faudra un certain temps avant d’arriver à destination. Je ferme les yeux en espérant que l’air pur du large fera disparaître toute cette douleur. Dernièrement, je ne reconnais plus ma vie et surtout je ne me reconnais plus moi-même. J’ai parcouru les derniers jours dans un brouillard qui semble s’épaissir à chaque minute. Je ne comprends pas comment tout a pu basculer autant en moins d’une semaine. Il y a quelques jours, j’étais une adolescente tout à fait normale, avec une vie normale. Je me sentais aussi heureuse qu’on peut penser l’être à 17 ans. Je passais tout mon temps possible auprès de mes amis en imaginant qu’on refaisait le monde. Malheureusement je ne me suis rendu compte que trop tard que ce qui était le plus important n’était pas de changer l’univers mais de profiter de ce qu’il m’avait apporté. Je regrette tellement … –Il a l’air d’apprécier le voyage ! Je rouvre les yeux et je jette un coup d’œil sur ma droite et je croise le regard marron, de Simon. Cet homme noir, la quarantaine au sourire contagieux, qui nous a récupérés à l’aéroport. Il me montre la silhouette de mon petit frère du bout des doigts. Celui-ci est debout les cheveux dans le vent au bout de la proue et fixe les flots avec un grand sourire sur le visage. Le vent s’engouffre dans sa tignasse brune. Le voir rire comme ça me rassure légèrement. Depuis quelques semaines je n’ai fait que le rassurer sur cette nouvelle vie qui s’impose à nous. Et c’est bien compliqué car moi-même j’ai du mal à me persuader que tout ira pour le mieux. Mais si ces quelques jours sont un vrai cauchemar pour moi j’imagine la terreur de mon jeune frère. J’ai toujours été très proche de Peter malgré notre différence d’âge mais dans cette complicité je ne me suis jamais dit qu’un jour je devrais le prendre sous mon aile de cette manière. Même si je n’ai aucune envie de parler je ne peux me résoudre à être malpolie avec des gens qui vont de toute évidence partager ma nouvelle vie. –Il a seulement 5 ans depuis quinze jours alors je ne sais pas s’il comprend réellement ce qu’il se passe ! –Ça vaut mieux pour lui ! C’est vrai qu’avoir peur de ne pas se faire de nouveau copain ou de dormir dans une nouvelle maison n’est pas un point sur lequel je panique, mais Peter si ! Il ne connaît pas mon oncle chez qui nous sommes forcés d’habiter désormais. Et je dois dire que moi non plus. La seule chose de certaine c’est que c’est le seul parent qu’il me reste et il a demandé notre garde. Comme si je devais lui être reconnaissante de ce geste. J’avais d’autres possibilités. Pat’ et Sam’, les meilleurs amis de mes parents, auraient pu nous prendre en charge. Mon cœur se serre à cette éventualité. J’y ai cru et bon Dieu comme j’aurais préféré ! Je ne sais pas si ça aurait pu apaiser ma peine et ma douleur mais ça n’aurait sans doute pas attisé cette colère si forte au fond de ma poitrine. Je n’ai pas voulu blesser Patricia en lui disant que j’avais surpris sa conversation avec Samuel la nuit dernière. Ils nous ont hébergés depuis le drame et j’ai du mal à dormir depuis ça, alors ma dernière insomnie m’a permis d’entendre et de comprendre que les amis de mes parents n’ont pas pu obtenir ce qu’ils voulaient vraiment. Ils cherchaient une solution pour convaincre Tom qu’il serait mieux pour nous deux de rester en France, avec nos repères mais mon oncle a refusé catégoriquement cette éventualité. Pourquoi Tom se donne autant de mal ? Il ne nous connaît pas et de toute évidence, il n’a aucune envie de le faire ! J’en ai marre, je suis à bout. Je suffoque. J’ai tellement mal. Je veux que quelqu’un me secoue pour me réveiller de cet horrible cauchemar mais il est bien trop long pour ne pas être réel. –Ça doit être dur ! Je reste silencieuse quelques minutes. Je sens mon pouls s’accélérer et la colère grimper mais cet homme essaye juste de discuter et de s’intéresser à moi alors je réponds plus sèchement que voulu : –Si tu appelles difficile d’être orpheline à 17 ans alors oui, c’est dur mais je n’ai pas le choix. Mes parents ont tout fait pour moi… Pour Pet’ aussi ! –Tu as l’air épuisée, je suppose que tu ne dois pas dormir beaucoup depuis cet accident ! –Je dois faire mon possible pour mon frère ! –Tom va prendre la relève, tu verras ! Tu pourras te reposer ! Je reste muette et impassible, en fait je suis totalement en désaccord avec lui. Je ne souhaite pas dévoiler mes sentiments à Simon, après tout je le connais à peine même s’il m’a l’air sympathique, il ne connaît rien de moi. –Excuse-moi mais j’ignorais que mon oncle avait un associé ! –Oh je suppose que tu connais peu de choses de Tom ! Tu le vois rarement non ? Je ricane malgré moi. Un ricanement qui sonne plutôt comme une moquerie. –Oh c’est le moins que l’on puisse dire ! Je ne l’ai vu qu’une fois et je ne lui ai pas parlé du tout. Ma mère a juste eu le temps de me le présenter mais ça remonte à sept ans et ce n’était pas pour une occasion très joyeuse… Effectivement, la seule et uniquement fois où j’ai vu mon oncle, c’était à l’enterrement de mon grand-père. Son fils, Tom, avait fait le voyage pour retrouver ma mère afin d’enterrer leur père. J’ai un vague souvenir de ce qui s’est passé ce jour-là. Je revois ma mère me le présenter mais il est reparti aussi vite qu’il est arrivé. –Donc tu ne le connais pas du tout ? Bordel quel curieux ! –Et je ne sais pas si j’ai vraiment envie de le connaître ! Quel genre d’homme apprenant le décès brutal de sa sœur laisse sa nièce et son neveu à l’aéroport ne prenant pas le temps de venir les chercher lui-même ? –Il avait un rendez-vous ! Tu sais c’est un homme très occupé ! Simon essaye peut-être de défendre son ami mais il s’y prend très mal et je sens ma rage bouillonner et mes poings se serrer. Je ne pourrai bientôt plus retenir ma colère et je le sais. –Je viens de perdre mes parents et mon oncle ne prend même pas la peine d’annuler un rendez-vous pour venir nous chercher ! Qu’est-ce qu’il croit ? Que je vais lui sauter au cou en le remerciant de nous prendre tous les deux ? –Attends de le connaître ! Tu verras c’est quelqu’un de bien et de surprenant. Il était ravi de vous recevoir sur l’île. –Dis plutôt qu’il s’en est senti obligé ! –Non tu te trompes sur lui ! Je ne peux plus continuer cette conversation, il faut que je change de sujet et très vite car de toute évidence son associé est têtu et trop curieux. –Dis-moi ! Comment s’appelle cette île ? –Wanouk ! –Wanouk ? C’est plutôt joli ! –L’hôtel est le seul de l’île et il est très populaire. Tu t’y feras, ce n’est pas très grand mais la vie est paisible ici ! Je ne lui réponds pas, j’ai envie d’être seule. J’ai du mal à savoir ce que je veux vraiment en ce moment. –Djoud’ ! c’est ton surnom ? Peter a crié ce nom plusieurs fois à l’aéroport, paniqué de ne pas voir Tom venir nous chercher. Quand Simon a débarqué avec sa camionnette et son grand sourire, je venais de raccrocher avec l’hôtel qui me prévenait que son associé allait arriver. Il a dû entendre mon surnom à ce moment-là. –Oui, ce sont mes amis qui me l’ont donné quand j’ai fait mon entrée au collège et c’est toujours resté depuis ! –C’est mignon ! –Merci ! Il faut que je change de sujet, j’ai horreur qu’on parle de moi. –Ça fait combien de temps que tu es associé avec mon oncle ? –Depuis toujours ! C’est-à-dire environ vingt-cinq ans. –Je me suis toujours demandé pourquoi il était venu construire un hôtel ici ? –Oh je ne sais pas s’il est venu ici pour monter un hôtel ! Je pense plutôt qu’il recherchait quelque chose et qu’il ne l’a pas trouvé alors il s’est rabattu sur l’hôtel, ce qui lui permettait de rester sur place. Je me retourne vers lui. Ma curiosité reprend le dessus et je lui lance : –Quoi ? Simon sourit et reprend : –C’est une longue histoire et ce n’est pas à moi de la raconter ! –Je crois que je n’ai pas tout compris ! –Tu lui ressembles beaucoup ! Mes yeux me brûlent et je serre les poings. C’est quoi son problème ? Il a vraiment rien compris ou quoi ? –Ah oui vraiment ? Je ne vois pas ce que je pourrais avoir en commun avec quelqu’un comme lui ! –Tu te trompes ! Tu penses qu’il n’a pas de cœur mais je ne connais pas beaucoup de personnes qui en ont un comme le sien. Il est très proche des jeunes de l’île et il fait beaucoup sur Wanouk ! –Ce n’est pas pour ça que je vais l’aimer ! Il n’a même pas pris la peine de venir à l’enterrement de mes parents, il n’est pas venu dire adieu à sa sœur ! –Il a eu un empêchement… –Et après tu me dis qu’il a bon cœur ? Simon me transperce de ses yeux marron, il ouvre la bouche mais est interrompu par la voix de Peter qui s’écrit : –Djoud’ Djoud’ viens voir ! Je me rapproche de lui en lui caressant les cheveux comme le faisait maman, en me penchant à ses côtés. –Quoi que t’arrive-t-il ? Il me tend un doigt vers la coque et là, sous les vagues, se dessinent deux dauphins. Ils sautent et suivent le mouvement des flots. Voilà qui va m’offrir une distraction pour le reste du trajet. –Nous arrivons sur Wanouk ! Bienvenue ! lance Simon dans mon dos.
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