Après la confrontation sous les murs de briques rouges de Brooklyn, Élena ressentit un mélange d'incertitude et de frustration. Elle se sentait plus vulnérable que jamais, perdue dans l’intensité de ses sentiments pour Ryan, mais également dans ses propres interrogations. Il y avait un mystère derrière ses silences, un secret qu’il ne voulait pas partager, et cela la poussait à remettre en question tout ce qu’elle avait ressenti jusqu’à présent.
Elle passa les jours suivants à se concentrer sur son travail, l'utilisant comme une distraction, mais chaque fois qu’elle fermait les yeux, c’était Ryan qu’elle voyait. Sa présence, son regard pénétrant, et cette attraction irrésistible qui semblait les lier d’une manière qu’elle ne comprenait pas entièrement.
Cependant, plus elle se sentait attirée par lui, plus elle ressentait le besoin de reculer. Elle avait toujours cru que l’amour devait être simple, sans complexité, un échange mutuel où la confiance primait. Or, avec Ryan, elle avait l’impression que chaque moment partagé la poussait à franchir une limite invisible, que chaque b****r la plongeait dans un abîme de doutes et de non-dits.
Elle se força à prendre de la distance, se concentrant sur d’autres aspects de sa vie. Elle accepta plus de contrats professionnels, se lança dans des réunions interminables, et s’engouffra dans l’agitation de New York pour oublier, ne serait-ce que quelques heures, le vide qui semblait s’être installé après leur dernière rencontre.
Il était hors de question que son monde s'arrête à cause de l'indécision de Ryan Amstrong.
Ryan, de son côté, ressentit l’éloignement presque immédiatement. Il savait qu’il avait brisé quelque chose entre eux en refusant de s’ouvrir complètement. Chaque message qu’il lui envoyait restait sans réponse, et chaque appel semblait se perdre dans le vide. Il avait bien vu la douleur dans les yeux d’Élena lorsqu’elle avait insisté pour connaître la vérité. Et lorsqu'il avait été sur le point de se libérer sous le coup de la pression, elle avait reculé loin de lui en laissant tomber son insistance. En la voyant partir ce jour là, il avait pris conscience d'une chose : plus il s’éloignait, plus il savait qu’il allait la perdre s’il ne faisait rien.
Un soir, il décida d'aller noyer ses préoccupations dans quelques verres d'alcool sans pour autant finir ivre et misérable. Finir dans les tabloïds à scandales en étant dépeint comme le plus ivrogne des célibataires de la jet-set serait dangereux pour ses affaires. Ces charognards de journalistes s'en serait donné à cœur joie. Très peu de scandales entachaient son nom alors le moindre faux pas de sa part ne passerait pas inaperçu.
Il gara sa voiture et après être descendu, il confia les clés à un voiturier qui le connaissait bien et avec qui il avait sympathisé à force d'être devenu un habitué des lieux.
– Bonsoir monsieur Amstrong.
– Bonsoir Philippe.
– Ravi de vous revoir. Avez-vous passé une agréable semaine.
– Pas vraiment.
Sa mine fatiguée en était la preuve.
Alors qu’il s'apprêtait à entrer dans un bar huppé, il aperçut Élena à travers la fenêtre. Elle était là, seule, assise à une table près du comptoir, l’air pensif et distant. Il crut être en proie à une hallucination. Il avait tant pensé à elle qu'il la voyait désormais partout ? Il eut beau se frotter les yeux, le mirage ayant pris la forme de sa bien-aimée refusa de se dissiper. Il lui fallut deux bonnes minutes pour se faire à l'idée que c'était bien elle.
Allait-il fuir lâchement ?
Il hésita avant de pousser la porte, son cœur battant plus fort que d’habitude. Il n'avait jamais été aussi nerveux, même pas lorsqu'il avait fait sa première fois avec une femme.
Quand il entra, elle leva aussitôt les yeux et leurs regards se croisèrent. C'était comme si la venue de Ryan s'était automatiquement fait ressentir en elle. Mais aucun des deux ne bougea immédiatement. L’air entre eux était lourd, tendu. Ryan s’approcha lentement, sans savoir ce qu’il allait dire.
— « Élena… » commença-t-il, sa voix hésitante.
– Bonsoir Ryan. Tu veux t'asseoir et te joindre à moi ? ...
Elle lui fit signe de s’asseoir.
– ... Ou tu préfères fuir ?
Il soupira mais pris place en face d'elle. Elle portait une simple chemise blanche dont les trois premiers boutons étaient ouverts, laissant apercevoir un décolleté rendue peu vulgaire à cause de sa poitrine menue. Un pantalon couleur crème et des escarpins noires complétait le tout. La chevelure abondante coulait tel une cascade brune sur ses épaules. Un collier de perles sublimait son cou mais pas autant que son maquillage soft et nude.
Ryan se senti devenir jaloux. Avait-elle rendez-vous ici avec un autre homme ? Était-ce pour ce dernier qu'elle s'était faite si belle ?
Mais il se calma aussitôt en supposant qu'elle ne l'aurait pas invité à partager sa table si une autre homme avait été dans l'équation. Élena était tout sauf fourbe. Elle était sans doute sortie se détendre comme lui.
– Je ne m'attendais pas à te voir ici.
– Moi non plus, avoua-t-il. Je fréquente cet établissement depuis des années et je ne t'y ai jamais croisé.
– C'est la troisième fois que je viens ici, chaque samedi soir à vrai dire. L'endroit me plaît assez. C'est tranquille, l'ambiance est bonne, et leur vin est excellent. Je risque de devenir une habituée moi aussi même si ma carte de crédit saigne après chacune de mes venues ici.
Sa dernière remarque le fit sourire. Elle n'avait pas perdu son sens de l'humour en sa présence et il en fut rassuré.
– Comment vas-tu depuis la dernière fois ?
Elle reçut sa question avec un rire mais répondit d'un ton froid.
– Comment veux-tu que j'aille ?
Un serveur interrompit la discussion juste avant que ça ne vrille.
– Bonsoir monsieur Amstrong. Que puis-je vous servir ?
Déclinant la carte qu'il lui proposait, il lança :
– Juste un verre de bourbon. Sans glace.
– Très bien. Et vous madame ?
Élena qui avait pourtant presque fini son deuxième verre de vin blanc décida de ne rien boire d'autre.
– Non merci, ça ira pour moi ce soir.
Le silence s'installa une fois le serveur parti et ce jusqu'au retour de ce dernier. Ryan attrapa son verre et failli le vider sous le regard intense de sa maîtresse.
– Tu me manques.
– Va te faire foutre Ryan Amstrong.
Il ne s'attendait pas à une telle virulence mais c'était mérité.
– Ce qui te manque en vérité, c'est le s*xe avec moi, renchérit-elle acerbe. Mais au vue de la situation, tu peux faire une croix dessus.
– C'est pour cette raison que tu as préféré ignorer mes appels et mes messages ?
– ...
– Dis quelque chose.
— Je ne sais pas quoi dire, Ryan. Je suis confuse. Je pensais que…
Désormais bouleversé avec toute colère envolée, elle s’interrompit, cherchant ses mots.
– Je pensais qu’on pourrait être honnêtes l’un avec l’autre. Mais je me rends compte que j’ai été naïve.
Ryan se pinça les lèvres, se sentant désemparé et coupable.
— Ce n’était jamais mon intention de te faire souffrir.
Il rapprocha son visage du sien par-dessus la table.
— Je ne peux pas t’expliquer tout ce que j’ai vécu. Il y a des choses dont je n’ai jamais parlé à personne. Même si tu mérites la vérité, c'est difficile pour moi je te la dire. Et ce ne serait pas juste que je me livre sous le coup de la pression Élena.
Élena secoua la tête, son regard brillant d’une douleur qu’elle n’avait pas voulu admettre.
— Et tu penses qu’il est juste de me dire que tu ne peux pas me dire ? le questionna-t-elle, sa voix presque brisée. Ryan, je ne suis pas une option dans ta vie. Je ne veux pas l'être, je ne dois pas l'être. Mais si tel est le cas à tes yeux, il vaut mieux tout stopper dès ce soir.
Un silence lourd s’installa entre eux. Ils se fixaient, incapables de se détacher l’un de l’autre. Puis, sans un mot, Élena se leva en attrapant son sac à main et quitta le bar, laissant une fois de plus Ryan seul avec ses regrets... et une addition à payer.