La rencontre
La gala de charité "Amis de l'Avenir" était l'événement de l'année. Les invités étaient tous des personnalités influentes du monde des affaires, de la politique et du spectacle. Le but était de récolter des fonds afin de venir en aide aux enfants des pays défavorisés un partout dans le monde. Élena quant-à elle voyait ça comme un moyen pour ces gens de s'acheter une bonne conscience même si elle ne doutait pas du fait que la cause tenait vraiment à cœur à certains invités dont elle-même.
La soirée était parfaite, presque irréelle. Le grand hall du musée était décoré de façon somptueuse, des chandeliers suspendus illuminaient les invités habillés de manière impeccable. Les femmes avaient sorti leurs plus belles robes de créateurs et leurs bijoux de luxe. Les hommes étaient dans des smokings haute couture faits sur mesure.
Élena ne dérogeait pas à la règle. Dans une tenue de soirée rouge vermillon, elle se glissait parmi les invités, son rôle de bénévole l'amenant à être partout à la fois sans vraiment se faire remarquer. Pas évident avec une robe de cette couleur et un imposant collier de diamants tout droit sortie de la maison Swarovski au cou, un cadeau d'un de ses ex amants fortuné. Presque tous les hommes tournant la tête au passage de cette sublime sirène au regard charbonneux, aux courbes féminines et au parfum délicat. Sa peau naturellement pâle scintillait sous la lumière des lustres, lui donnant un aspect presque irréel.
Elle s'arrêta un instant pour observer l'élégance du lieu, avant de repartir vers le buffet. Après s'être accaparée d'une coupe de champagne pétillant, Élena alla se poser dans un coin discret de la grande salle, observant les interactions sans vraiment y participer. Les femmes étaient trop hypocrites et les hommes trop séducteurs.
Elle avait l'habitude de ces événements où elle préférait se fondre dans la masse, en arrière-plan, plutôt que de se faire remarquer. Ce soir-là, elle était là en tant qu'invitée par l'un de ses collègues, mais elle n'aspirait qu'à une soirée tranquille.
C'est alors qu'il entra dans la pièce.
Ryan Amstrong, l'un des hommes les plus convoités de la ville, se tenait à l'entrée. Son regard balayait la pièce avec une confiance tranquille, sa présence remplissant instantanément la salle d'une énergie nouvelle. Tout le monde l'observait, certains tentant de capter son attention, d'autres murmurant son nom.
Élena afficha une moue moqueuse en voyant à quel point les femmes voulaient obtenir ne serait-ce qu'un regard venant de lui. Elle aussi certes, un tout petit peu. Qui ne le serait pas devant un bel homme grand de taille, athlétique, riche, charismatique et intelligent de surcroît ? Mais elle était trop digne et avait trop de classe, trop de retenue pour l'afficher publiquement comme sur un panneau publicitaire, pensa-t-elle alors qu'une rougeur lui montait aux joues.
Élena sentit une étrange sensation monter en elle. Elle avait entendu parler de Ryan : son succès, sa réputation impeccable, son charisme naturel. Mais il y avait quelque chose dans la manière dont il se mouvait, comme si le monde était à ses pieds, qui la fascinait. Elle n'aimait pas admettre qu'elle en était impressionnée, mais elle ne pouvait s'empêcher de le regarder.
Et qand leurs regards se croisèrent, elle détourna immédiatement les yeux. Il y avait une foule d'invités alors pourquoi diable avait-il fallu qu'il croise le sien à elle ?
Fuir, il fallait qu'elle disparaisse de son champ de vision. Élena se précipita vers les toilettes des dames après qu'une serveuse lui ait montré le chemin.
Un des miroirs des toilettes lui renvoya l'image d'une femme complètement troublée et perdue.
— Ressaisis-toi Lena !!! s'ordonna la jeune femme dans un chuchotement qui se voulait sévère. C'est juste un homme !
Elle était une femme riche et sûre d'elle, une femme qu'aucun homme aussi beau et friqué soit-il, ne pouvait réussir à impressionner. Alors comment diable ce Ryan Amstrong avait-il fait pour percer sa carapace à l'aide d'un seul regard ?
Secouant la tête pour chasser ses idées, elle décida de se rafraîchir soigneusement le visage en faisant attention à son smoky eyes. Même si son maquillage était imperméable à l'eau, elle ne voulait en aucun cas frotter vigoureusement et finir avec l'air d'un raton laveur peint sur la gueule. Elle ramena derrière ses oreilles quelques mèches de sa chevelure d'un châtain foncé ondulé.
Ses yeux d'un vert clair grisâtre semblaient si brillants. Que lui arrivait-il ?
"L'effet Ryan", lui chuchota sa voix intérieure. Ce ne fut qu'à ce moment là qu'elle perçut des rires à ses côtés. Deux jeunes femmes venaient d'entrer dans les toilettes en discutant de l'objet de son désir naissant. Sans la saluer, elles se positionnèrent devant le miroir luxueux à côté du sien.
– Il est encore plus beau que dans les magazines.
– Tu crois qu'il accepterait de faire des photos de moi toute nue ?
– De nous deux tu veux dire. On pourrait se le partager non ?
Élena sentit une jalousie injustifiée se propager dans ses veines telle une lave volcanique rien qu'en imaginant ces deux femmes dans le lit du photographe.
Une des jeunes femmes était entrain d'ajuster (ou plutôt d'abaisser son décolleté) pour faire paraître ses seins refaits encore plus ronds qu'ils ne l'étaient déjà. Les deux globes sortaient presque entièrement du bustier en sequin en forme de cœur. La seconde, une brune aux airs hispanique se contentait d'accentuer le rouge de ses lèvres en y ajoutant une dose exagérée de gloss.
Elle roula des yeux en les entendant glousser comme des dindes amoureuses et se sécha rapidement les mains. Il fallait qu'elle reprenne ses esprits et affronte cette soirée. Elle quitta les toilettes et se mit à marcher en direction de la grande salle.
C'est alors qu'elle le revit. Cette fois-ci, il se tenait près de la fenêtre, observant le ciel étoilé, un verre de vin rouge à la main. Il semblait hors de portée, comme si le reste du monde n'existait pas pour lui. Pourtant, lorsqu'il tourna la tête, leurs regards se croisèrent à nouveau. Ce fut une fraction de seconde, mais elle ressentit immédiatement une connexion. Intriguée mais aussi un peu intimidée, elle s'approcha de lui mais pas avec l'intention de s'arrêter à son niveau. Si elle voulait rejoindre la salle de bal, elle devait forcément passer près de lui.
Mais sans savoir pourquoi, ses jambes et sa langue désobéirent à son cerveau une fois à la hauteur de Ryan. Elle fut choquée par elle-même en remarquant qu'elle s'était arrêté à son niveau.
— Belle soirée, n'est-ce pas ? dit-elle sans pouvoir s'en empêcher.
Elle faillit se gifler.
Il sourit légèrement, comme s'il savait que ce moment arriverait.
– Oui, c'est assez magnifique. Mais je trouve qu'il manque quelque chose... Peut-être une conversation agréable.
Sa voix était naturellement grave et suave. Le genre de timbre inoubliable qui pénètre l'âme.
Son sourire en coin était à la fois doux, énigmatique et suffisant, ce qui eut le don de couper le souffle à la jeune femme.
Comme un moteur qui venait miraculeusement de se remettre en marche, elle retrouva la motricité des jambes et poursuivit son chemin vers la grande salle à pas de course en sentant le regard du bel homme lui brûler le dos.
Se rendant compte qu'elle avait oublié son verre sur le lavabo des toilettes, elle décida d'en prendre un nouveau sans savoir que Ryan l'avait suivie. Elle attrapa du vin rouge cette fois-ci. Pareil que lui, constata-t-elle avec un sourire ironique. En se retournant, elle le revit à quelque pas de lui. Il l'a fixait intensément comme un prédateur le ferait avec sa proie. Cela eut le don de la clouer sur place. Cet homme devait être un dominant sur le plan sexuel, c'était évident. Et elle, un soumise née qui s'était toujours cru insoumise.
La seule qui empêchait le milliardaire de la rejoindre c'était qu'il avait été intercepté par un procureur candidat aux élections présidentielles. Ce quinquagénaire, Élena le connaissait bien pour avoir travaillé avec lui à plusieurs reprise. Il était implacable et froid. Elle fut donc surprise de voir que lui aussi cherchait visiblement à entrer dans les bonnes grâces de Ryan.
Qui était décidément ce type ? Un simple artiste ayant fait fortune dans le domaine de l'art photographique ? Ou faisait-il partie d'une secte où seul l'élite américaine est autorisée à entrer ? Ce dernier point expliquerait pourquoi même les hommes politiques les plus craints semblaient lui lécher les bottes. Détenait-il des photos comprendre d'eux ? Des images pouvant les anéantir ?
Plongée dans ses pensées, elle remarqua tardivement que Ryan s'était libéré du procureur. Un instant plus tard, il se dirigea droit vers elle.
–Vous semblez être dans vos pensées, dit-il d'une voix calme, son sourire mystérieux éclairant son visage.
Élena leva les yeux vers lui, légèrement déstabilisée.
– Je... Je suis simplement en train d'observer, comme tout le monde ici.
–Observatrice, dit-il en inclinant la tête un peu plus vers elle, un éclat de curiosité dans ses yeux sombres.
Il faisait tout bonnement un mètre quatre-vingt-dix alors que elle, elle atteignait à peine un mètre soixante-dix même à l'aide de ses talons aiguilles de dix centimètres.
– Alors, qu'avez-vous vu ?
Ne sachant quoi dire, elle regarda autour d'elle. Ils avaient malheureusement réussi à attirer l'attention de quelques personnes aux regards indiscrets. Mais étrangement elle s'en moquait un peu.
Son vis-à-vis semblait attendre sa répondre. Que dire ? Elle n'allait tout de même pas répondre : "j'ai vu l'homme le plus beau du monde", même si cela aurait été la pure vérité. Mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. N'est-ce-pas ? En plus il avait l'air du genre à avoir conscience de sa beauté physique. Inutile de gonfler son ego.
Elle prit une inspiration, choisissant ses mots avec soin.
– Je vois des gens jouer un rôle, se cacher derrière des façades. Mais au fond, on devine qu'ils sont tous à la recherche de quelque chose.
Ryan sembla intéressé par sa réponse. Une autre femme aurait donné une toute autre réponse, un compliment sur son physique, la beauté des lieux, le luxe dans l'air ... Mais pas elle et cela l'intrigua visiblement.
– Et vous, que cherchez-vous ?
Elle haussait les épaules, un léger sourire en coin.
– Peut-être que je cherche à comprendre ce qui motive les gens.
Son regard s'intensifia.
–Et vous croyez que vous pouvez me comprendre, moi ?