Les jours suivants furent remplis de confusion et de regrets pour Ryan. Il ne comprenait pas pourquoi il avait été incapable de se libérer de son passé, pourquoi il s’était laissé enfermer dans des souvenirs qu’il pensait avoir oubliés. Mais plus il réfléchissait, plus il réalisait que sa peur de perdre Élena était plus forte que tout. Plus les jours passaient, plus c'était une torture de ne pas lui parler, de savoir qu'elle était en colère contre lui et de l'imaginer dans les bras d'un autre. Elle lui avait clairement fait comprendre qu'elle n'allait pas l'attendre toute sa vie.
Il était fou de cette femme mais avait trop honte pour se livrer entièrement à elle. Mais il était clair que le faire ou non ne changeait rien au fait qu'il prenait quand-même le risque de la perdre. Donc autant tout lui déballer quitte à se faire larguer comme le dernier des misérables.
Il se rendit compte qu’il devait agir, faire face à ses démons et réparer ce qui pouvait l’être avant qu’il ne soit trop tard. Elle était la femme formidable qu'il ne retrouverait plus dans sa vie. S'il la laissait partir sans se battre pour eux deux, il sentait qu'il allait le regretter toute sa vie.
Il chercha à la contacter, mais Élena restait introuvable et injoignable comme d'habitude. Elle semblait avoir disparu, se réfugiant dans son travail, fuyant la réalité qu’elle ne voulait plus affronter.
Vu qu'elle ne décrochait pas, il ne lui restait plus qu'à débarquer chez elle. Et pourtant Dieu seul sait qu'il s'était interdit d'en arriver là. Il ne voulait pas paraître comme un harceleur. Mais elle ne lui laissait clairement pas le choix.
Il fallait qu'il mette toutes les chances de son côté avant son voyage, il fallait la mettre au courant pour qu'elle ne s'imagine pas qu'il avait définitivement abandonné leur liaison.
Une fois à l'étage où résidait la jeune femme, il croisa dans le couloir une femme d'âge mûr sortant de l'appartement d'à côté, une voisine sans doute. Il demanda d'après Élena histoire d'être certain qu'elle était là. La femme lui répondit gentiment qu'elle avait croisé l'avocate il y a environ une heure quand cette dernière revenait de son jogging matinal.
Ce fut toute l'information dont il avait besoin. Il remercia la dame puis sonna à la porte de sa maîtresse. Il s'acharna sur la sonnette durant une bonne minute mais sa succès. En tendant l'oreille, il pouvait entendre une douce musique s'échapper de l'appartement. "Amore mio Aiutami" version 3 de Piero Piccioni. Cela signifiait "Aide-moi mon amour" et il s'agissait du titre d'un vieux film italien dont la b***e sonore portait le même titre. Elle lui avait avoué entre deux ébats que c'était son film préféré alors qu'ils apprenaient à se connaître brièvement.
— Élena je sais que tu es là. Ta voisine me l'a dit. Ouvre, il faut qu'on discute...
Elle s'obstina à ne pas ouvrir la satanée porte.
Effectivement de l'autre côté, Élena était assise à même le sol et était entrain d'écouter vaguement cette mélodie mélancolique avec le regard perdu dans le lointain. Elle voulait lui parler mais n'était pas prête à écouter ses excuses. Il ne voulait pas se confier à elle alors qu'il foute le camp.
– Je pars en voyage. Je me rends en Angleterre mais je serai de retour dans quelques jours. J'espère pouvoir te voir pour qu'on parle de ce qu'il s'est passé... Élena ?...
Bientôt les coups à la porte cessèrent, signe qu'il était parti.
Après plusieurs jours d’absence, Ryan rentra enfin. Ce petit voyage avait non seulement été pour le travail, mais ça lui avait aussi permis de réfléchir correctement.
Il avait lu dans la presse que la veille, elle
lle avait gagné un procès avec son client qui n'était autre qu'une personne âgée face à une société de renom. Cette femme était décidément une héroïne prête à sauver les plus démunie au travers de son travail.
Aurait-elle le même cœur pour lui ? Pour en avoir le cœur net, il fallait d'abord lui parler de vive voix. C'était samedi et il n'eut aucune difficulté à deviner où il pourrait la chercher.
Ryan la retrouva dans le café qu’il fréquentait régulièrement et où Élena aussi semblait avoir pris ses marques. Lorsqu’il entra, il la trouva là, seule, plongée dans son ordinateur portable, concentrée sur son travail. Il s’approcha doucement, l’appréhension et la détermination dans chaque pas.
– Je savais que je te trouverais ici.
Elle leva les yeux, surprise mais pas réellement surprise de le voir.
– Félicitation pour ta victoire d'hier.
Elle fronça les sourcils, se demandant sûrement comment il l'avait su.
– Tous les journaux en parlent. Je suis tombé sur un article détaillant ton exploit alors que je venais à peine d'atterrir à l'aéroport, rit-il nerveusement en passant une main dans ses cheveux.
– Oh... Donc tu es rentrée aujourd'hui ?
— Oui.
– Eh bien j'espère que tu as apprécié tes vacances en Angleterre, fit-elle sèchement en refermant son ordinateur dans le but de partir.
Ryan fut habile et la retint doucement par l'avant-bras.
– Ne pars pas.
— Ryan, je ne peux pas continuer à jouer ce jeu. Je suis épuisée par tout ça.
Il s’assit en face d’elle, sans la quitter des yeux.
— Ce n’est pas un jeu pour moi, Élena. Je sais que j’ai agi comme si je voulais t’éloigner, mais c’est moi qui ai peur. Peur de te perdre. Peur de ne pas être celui que tu mérites.
Il marqua une pause, la gorge nouée.
— Je veux que tu saches que je suis prêt à tout pour mériter ta confiance.
Il sortit un petit carnet de sa poche, le déposa doucement sur la table et le poussa vers elle, ce qui attisa la curiosité de la jeune femme. Elle le regarda le carnet, puis lui, et à nouveau le petit registre de poche.
— Ce carnet… c’est la clé. C’est tout ce que j’ai été, tout ce que j’ai caché.
Son regard l'invitait à s'en saisir, ce qu'elle fit au bout de quelques secondes avec les mains un peu tremblantes. En venant ici ce soir, elle cherchait le calme pour travailler et rien ne l'avait préparé au retour de Ryan. Elle ne s'était pas attendu à le voir ce soir et encore moins à faire face "enfin" aux révélations qu'elle lui avait tant exigés.
Ironiquement, maintenant qu'elle s'apprêtait à tout découvrir, elle avait peur de la vérité. Toutefois la curiosité était trop forte.
Elle hésita, puis ouvrit lentement le carnet. Les pages étaient remplies de photographies, mais aussi de lettres, de mots, des pensées enfouies depuis trop longtemps. Chaque image racontait une partie de son histoire, chaque mot était une confession.
Durant les premières secondes elle ne comprit pas grand chose à vrai dire.
Ryan ne cessait de l'observer. De l'extérieur il avait l'air calme et déterminé. Mais intérieurement, il était à cran et en proie à la nervosité. Il n’avait jamais révélé tout cela à personne. Mais aujourd’hui, il était prêt. Il avait décidé que pour la première fois de sa vie, il laisserait quelqu’un voir qui il était vraiment.