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646 Words
1Les coudes en arrière, les genoux pliés et une porte qui claque. Ma tête va exploser. Fatigué, à bout de forces, c’est pire qu’un lendemain de soirée. J’éprouve un besoin absolu de me reposer. Avachi au milieu d’un lit, éreinté et quelque peu étourdi. Comme assommé. À dire vrai, je n’arrive même pas à dissocier ce que j’entends. Il y a des bruits de pas et des couinements, des gémissements... des pleurs étouffés. Oui, c’est ça, ce sont des pleurs. Juliette a l’habitude de s’abandonner dans un trop-plein d’émotions. Elle verse des larmes à la moindre occasion, mais je ne peux tout de même pas la laisser sangloter, seule, dans son coin. Et pourtant, je me sens faible, trop faible, pour réussir à me lever. Il faut qu’elle vienne à moi. Il n’y a que moi qui puisse sécher ses vilaines larmes. J’imagine qu’elle est recroquevillée, la tête dans les genoux, le visage trempé par son chagrin. Pour ma part, mon corps est amorphe, vide. Incapable de bouger pour l’instant, je ne veux même pas ouvrir les yeux. Mais bon sang, pourquoi est-ce qu’elle ne vient pas ? Soyons honnêtes, elle adore se faire consoler par son bel étalon. Elle gaspille son temps à pleurnicher pour le plus petit détail du monde juste pour avoir une raison d’être dans mes bras. Il faut dire que ce n’est pas donné à tout le monde... Maxime Minot, la légende de l’étalon sauvage. Le retour. Les sanglots de ma petite amie résonnent de plus belle me poussant à réagir. Il est temps de me lever, tant pis pour la fatigue, on repassera. Je dois consoler ma femme, c’est mon devoir. Dans un élan de force, je reprends connaissance et tente d’ouvrir les yeux. Mais rien. Non, rien de rien. Il ne se passe strictement rien ! Je suis toujours allongé sur ce maudit lit. Coupé de la femme que j’aime par un sommeil de plomb, mon esprit tourne à plein régime. Deux solutions, soit je suis en plein cauchemar, soit je suis mort. Je dois me lever. Il n’y a pas d’autre possibilité. De toutes mes forces, je m’emploie à bouger mon corps. Si mes yeux me trahissent, mes membres, eux, ne peuvent pas m’abandonner. Je suis bien trop fort pour ça. Cette fois, la panique m’envahit, me submerge. Je suis piégé dans ma propre enveloppe corporelle. Je ne peux rien faire. Je ne peux pas gesticuler ni hurler mon affolement. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Cette sensation me glace le sang. La frayeur s’empare de moi. Je me sens défaillir. Ma respiration s’emballe, m’emportant avec elle. Un hurlement mécanique se déclenche dans la chambre. J’étouffe. Je deviens fou. Il y a mon souffle court. Mon état d’angoisse. Cette alarme incessante, qui crie, hurle, alors que je m’enfonce dans un flot d’anxiété. Une boule de stress me tranche la gorge, m’invitant à sombrer dans une détresse obscure. J’ai besoin d’air. Soudain, je sens la douceur, la chaleur d’une peau se collant à la mienne. Sa main sur la mienne. Je me concentre sur ce contact à la fois discret et apaisant. Juste sur ça. Nos respirations se calent l’une sur l’autre, malgré les derniers sanglots de Juliette. Elle me redonne un souffle. Je dois me calmer pour y voir plus clair et c’est ce qu’elle essaie de faire. C’est quand ses doigts se retirent que le bruit des machines autour de moi me parvient de nouveau. Des bips mécaniques. Je me demande d’où vient cette odeur piquante. Un mélange entre le désinfectant et les médicaments... Bips incessants. Médicaments. Un flash ! Ça me revient. Je me souviens de la paroi, des vagues, d’un cri. La porte s’entrouvre. — Marie, enfin ! Je t’ai cherchée dans toutes les chambres, hurle une femme, hystérique. Marie et pas Juliette. — J’arrive, répond une voix plus fluette. Des pas résonnent autour de moi et je comprends que la fille en question s’éloigne de mon lit. Les deux femmes se retrouvent près de la porte. — De tous les services de cet hôpital, il a fallu que tu te caches dans celui des comateux... Je ne te comprendrai jamais ma belle. L’hôpital... Je suis dans une chambre d’hôpital. Dans le coma.
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